• 089

    *

     

     

    Quelques jours plus tard, et par une douce nuit de printemps, Erwan se presse vers l’extérieur de son immeuble pour retrouver, sous l’abribus le plus proche, une jeune fille qui vient de lui téléphoner. 

    Si ses amis le voyaient se préoccuper de celle qu’ils détestent tant, ils se mettraient sûrement en colère de le voir jouer ainsi le bon samaritain, il en a bien conscience. 

    Pourtant, rien ne va l’empêcher de faire ce qu’il semble juste ce soir, parce qu’il est ainsi. Il ne montre jamais porte close a ceux dans le besoin. 

     

    — Je suis là... fait-il tout bas, une fois qu’il est arrivé devant celle qui l’attendait avec impatience. 

    — M...Mer..Merci... commence à lui bredouiller son interlocutrice, toujours assise sous son abribus, — et excuse-moi de t’avoir dérangé... 

    — Allons droit au but. Qu’est-ce qu’il t’arrive, Lisa ? 

     

    Sans lui répondre, la jeune fille bondit brusquement de son banc, pour lui fondre dessus et l’agripper de toutes ses forces. 

    Elle a besoin de bras. Besoin d’aide. Besoin de quelqu’un. De quelqu’un. Tout simplement de quelqu’un. Et ce soir, il semblerait bien que ce soit lui. Qu’elle ne connait pas tant que ça finalement. Alors qu’il n’y a que lui qu’elle a appelé lorsqu’elle était en larmes, il y’a moins de quinze minutes de cela.

    — Lisa ? Commence-t-il a s’étonner en posant amicalement ses mains sur ses hanches, comme pour répondre à son étreinte — qu’est-ce qu’il t’arrive.. 

    — On s’est disputés avec mon beau-père, comme d’habitude, sauf que cette fois il m’a jeté de la maison !! Comme une pauvre merde !! Il m’a donné dix minutes pour faire mon sac, pour ensuite me pousser dehors.

    — Hein ? Mais c’est du délire, non ? Et ta mère ?

    — Ma mère elle est complètement soumise alors.. Elle n’a rien dit. Strictement rien dit.. Rien fait. Elle est restée spectatrice. Comme d’habitude... 

    — Et ensuite, tu as couru jusqu’ici ?

    — Oui.. Et je t’ai appelé. Excuse-moi... Je.. Je sais pas pourquoi c’est toi que j’ai appelé, mais...

     

    Sa phrase s’interrompt brusquement, et sans raison apparente.

    La plus probable et compréhensible serait bien sûr une honte grandissante au fil des secondes, parce que la seule personne a qui elle a pensé dans un tel moment de désespoir, n’est qu’un garçon qui lui est presque complètement étranger.

    Alors pourquoi lui, et pas un autre ? Voir une autre. Une amie. Sa meilleure amie peut-être.

     

    — Tu es toute seule ce soir, si je comprends bien ? Lui fait à nouveau son étrange secouriste, en l’enfermant chaleureusement dans ses bras.

    — Ce soir et pour toujours, oui, finit-elle à lui sangloter dans le cou, — qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais devenir... Putain, qu’est-ce que je vais devenir... 

    — Tu peux rester ici, avec nous, le temps de trouver une solution.

    — De.. De quoi ? Tu.. Tu.. Tu es sérieux ? S’étonne alors la jeune fille émue devant tant de sollicitude — mais.. Mais... Et Gérald, et Yann.. Oh mon dieu.. Non !!  

    — Et alors ? Tu sais, ce sont des humains, eux aussi. Des humains avec des cœurs, des humains qui peuvent, eux aussi, aussi tendre la main.

    — Oui, mais... enfin, Yann a la limite.. Mais Gérald, il me fait peur..

    — Il ne te touchera plus, ne t’inquiète pas. Gégé n’est pas méchant au fond. Et puis pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis, alors... 

    — Merci encore Erwan, arrive enfin a sourire la jeune fille en se retenant d’exploser en sanglots, de joie cette fois, — c’est la première fois que... qu’on m’aide comme ça. J’ai pas l’habitude en fait... Et j’en ai presque honte... 

    — Y’a pas à avoir honte de demander à l’aide Lisa. C’est humain.

     

    Trop émue pour pouvoir prononcer le moindre mot, la concernée préfère hocher la tête et sourire timidement, en fixant le sol.

     

    — Allez, viens, lui sourit-il affectueusement en lui tendant la main pour qu’elle s’en saisisse, — on rentre. Tous les deux.

     

    Sans hésiter, en silence, et en souriant à son tour, elle obtempère.

    Un ami. Il semblerait que ce soir, elle ait trouvé un ami.

     

     

    *

     

     

    — Ouais, mais non, ça va pas être possible, finit par grogner Yann, une fois que son ami pianiste lui a ramené celle qui est censée passer la nuit chez eux.

     

    x

     

    — Et je dirai même plus, ouais, mais non, ça va vraiment pas être possible, répète sans attendre Gérald, assis a ses côtés, sur leur grand canapé, une canette de Pepsi a la main. 

    — Et pourquoi donc ?

    — Parce qu’on a que trois chambres, se contente de rappeler Yann en se tenant bien droit pour affirmer son autorité. 

    — Je lui laisse la mienne et prends le canapé, annonce alors Erwan sans la moindre hésitation — s’il n’y a que ça, qui te dérange... 

    — Erwan, non... C’est pas grave, je vais m’en aller, merci pour tout, déglutit tristement la jeune fille, cachée dans le dos de son ange salvateur. Un dos qui la protège des regards emplis de mépris de Yann et Gérald.

    — Au revoir alors, Lisa, s’empresse de faire le rouquin pour encourager la concernée a quitter les lieux. 

    — Soyez humains, MERDE ! Gronde brusquement Erwan en direction de ses deux amis musiciens — mettez-vous à sa place et demandez-vous si dans sa situation, vous n’auriez pas aimé trouver une main tendue ! 

    — Ouais, mais... tente de justifier alors Gérald, en se mordillant la lèvre de rage.

     

    Ouais, mais... elle est l’unique responsable du départ de leur ami Romuald.

    L’unique responsable de tous leurs maux.

    Leur ennemie.

     

    — Je ne veux pas que Tania la voie ici, fait à son tour Yann sur un ton très calme — je pense que tu peux comprendre, Erwan. À la limite, je suis prêt à lui donner des sous pour qu’elle se prenne une chambre à l’hôtel, mais...

    — On va pas gaspiller de thunes dans une chambre d’hôtel, juste parce que ta nana n’a pas confiance en toi Yann, tente de le frustrer son interlocuteur en haussant les épaules.

    — Elle a confiance en moi !! commence a perdre patience le guitariste vexé, avant de se lever brusquement du canapé pour se diriger vers sa chambre d’un pas rapide.

    Gérald en fait autant quelques secondes plus tard, laissant ainsi, seul dans la pièce, Erwan et sa petite protégée. 

    — Je sais même pas ce que je peux faire pour te remercier Erwan... fais tout bas Lisa en ravalant un sanglot. 

    — Ce que tu peux faire ? Tout d’abord, arrêter de pleurer ! Puis va dans la chambre à droite pour dormir. Ça te fera du bien. Beaucoup de bien.

    — Laisse-moi sur le canapé, c’est largement suffisant Erwan. Je ne peux pas accepter plus de toute manière, tu as déjà trop donné pour moi et je me sens trop mal...

    — OK, si tu insistes. Humm, la salle de bain c’est la porte à droite, devant. Si tu veux faire un brin de toilette et tout et tout... 

    — Merci Erwan. Merci pour tout...


  • 090

     

     

     

    *

     

     

     

    Le lendemain, vers la fin de journée, la conséquence directe de la bonne action d’Erwan se fait rapidement sentir, ou plutôt entendre, dans la chambre de son collègue Yann. 

    — Hiyaaaah, mais j’ai pas rêvé lààà ??? piaille la petite amie de celui-ci, en désignant du doigt la porte de communication avec la salle principale — Yaannn!! EXPLIQUE-MOI!! EXPLIQUE-MOI!!! 

    — Elle a des problèmes familiaux et Erwan lui a proposé de.. 

    — De quoiiii ?? Des problèmes familiaux ? C'est la fête quoi !! On a des problèmes alors on vient crécher chez son ex !! Yeaaah !! Trop de la balle !!

     

    090

     

    — Raaaaaahhh, je le savais, je le savais que tu partirais en couilles!! 

    — Et y'a de quoi!!! Non, mais elle s'est cru où cette folle??? Si elle croit que j'ai pas compris son petit manège pour se rapprocher de toi!! Je vais la tuer!! Je vais la tuer!!! 

    — Mes oreilles.. Au secours!! Et puis d'abord c'est l'idée d'Erwan... C'est lui qui lui a proposé!! Et si ça peut te rassurer, je lui adresse presque plus la parole moi, à Lisa... 

    — Encore heureux!! Mais je vais quand même la tuer!! Je vais quand même la tuerrr!!

    — T'es pas belle quand tu fais la gueule, pfiou!

    — J'ai compris son petit jeu!! J'ai compris!! Elle se sert d'Erwan pour se rapprocher de toi!! Mais je la laisserai pas faire!! Elle finira dans le caniveau, a nourrir les rats, cette sale conne!!! 

    — Tu n'as rien à craindre de Lisa, je te le répète!! Je me contrefous de sa vie comme de l'an quarante et jamais elle ne pourra rivaliser avec ta tête de laide hystérique !! T'es unique Tania, y'en a pas une qui peut s'amochir en dix secondes comme toi !! Je t'aime !! 

    — Humpfff...M'en fous, mais je la tuerai quand même si elle ose poser, ne serait-ce qu'un seul regard, sur toi!!

     

     

     

    *

     

     

     

    — C'est moi ou ça braille dans la chambre de Yann ? Se demande à haute voix Lisa, en direction de son unique interlocuteur, Erwan. Ils sont tous les deux dans la salle à manger, ont quelques mètres de la chambre d'un couple qui beugle avec frénésie. 

    — C'est pas toi, la rassure aussitôt Erwan, dans un soupir et en haussant les épaules, — je suppose qu'ils parlent de toi. 

    — Oui, c'est sûr. Tu as vu la tête de Tania quand elle est arrivée ?

    — Elle a été surprise, c'est clair.

    — À sa place, j'aurais réagi de la même façon... Quoique sa position n'est pas à plaindre, à elle...

    — Je te coupe, excuse-moi, mais est-ce que tu as appelé tes parents aujourd'hui ? 

    — Oui Erwan.. Tout d'abord, je suis tombée sur mon beau-père en appelant sur le fixe. Il m'a raccroché au nez dès qu'il a entendu ma voix.

    — Enfoiré.

    — Puis j'ai appelé sur le portable de ma mère.. Et là...

    — Oui ?

    — Elle a décroché, laissé un gros blanc s'installer, avant de raccrocher comme si de rien était.

    — Elle a peur de se mettre son mec à dos si je comprends bien ? Alors elle suit aveuglément ses décisions.

    — Voilà, exactement. Elle a été longtemps toute seule, après la mort de mon père, et elle l'a très mal vécu. Alors maintenant qu'elle est recasée, remariée, et presque comblée..

    — Elle fait tout son possible pour préserver l'harmonie de son ménage, en se disant que désormais tu es une grande fille et que tu sauras voler de tes propres ailes.

    — Ouais.. C'est sûrement ce qu'elle se dit. Mais elle est quand même dégueulasse, et je m'en souviendrai !

    — Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

    — J'en sais rien... Bon déjà, je vais pas squatter éternellement, ne t'inquiètes pas ! 

    — Je ne m'inquiète pas. Tu peux rester ici le temps que tu veux. 

    — Yann et Tania vont péter un gros câble.

    — Non, avec le temps ils s'y feront. Enfin, si tu ne fais rien de compromettant avec Yann, bien entendu... 

    — Qu'est-ce que tu insinues ? Tsss ! Non Erwan. Tu te trompes sur mon compte. J'ai changé maintenant et je ne m'intéresse plus du tout à Yann.

    — En voilà une nouvelle qu'elle est bonne !

    — C'est un nul Yann. Avec le recul, je finis par me demander ce que j'ai bien pu finir par lui trouver !

    — Il va falloir qu'on te trouve un petit boulot. Je pourrai me renseigner pour essayer de te dégotter un stage au studio. Ça te dirait ? Un stage de découverte et tout, par exemple maquilleuse, styliste.. 

    — Yann c'est un nul, mais toi t'es génial par contre ! On te l'a déjà dit ?

    — Ouais, tout le temps. C'est d'ailleurs à cause de ça que j'ai du mal à me chausser le matin !

    — Et si tu continues d'être aussi excellent, tu sais que je vais vraiment finir par tomber amoureuse de toi ??

    — Aucune chance poupée, j'suis un dur, un roc moi!! Je succombe jamais à personne!!

    À part à elle... Bien entendu.

     

     

     

    *

     

     

     

    Quelques heures plus tard, et après avoir avalé un copieux diner avec leur nouvelle colocataire, les trois Apologize finissent de regarder un match de football américain, avant de se décider a rejoindre leurs quartiers respectifs. 

    — Elle va rester combien de temps? Demande soudain Gérald à ses compagnons — c’est pas que j'ai quelque chose contre elle finalement, mais bon... Ça reste une fille! 

    — Et ? Manque de s'esclaffer Erwan, amusé par l'étrange pudeur du rouquin, — tu te sens tout chose devant elle, c'est ça ?

    — Nawak, se défend immédiatement le batteur vexé, — mais bon, les filles, les filles... Les filles, ça squatte trois heures la salle de bain!! Tu.. Tu peux me dire ce qu'elle fait dedans depuis... eeeuh...

    — Quinze minutes, le complète rapidement Yann dans un soupir — elle doit s'épiler, je suppose...

    — Ouais.. Beuurrrkkk, reprend Gérald en grimaçant de dégoût.

    — Bah quoi, c'est naturel l'épilation, lui rappelé sagement Erwan en haussant les épaules de dépit, — tu te rases bien la barbe tous les jours toi...

    — Ouais, la barbe OK.. Mais moi je me rase pas la teub ! 

    — Hola, parle pas de choses comme ça avant qu'on aille se coucher Gégé!! se paralyse d'effroi Yann en se représentant ce que pourrait être l'épilation des parties intimes féminines. 

    — Tain', vous êtes vraiment des gamins, ne manque pas de faire Erwan, blasé devant cet âge mental qui n'a pas dépassé les huit ans. Et encore. 

    — Erwan il en pince pour Lisa, Erwan il en pince pour Lisa, Erwan il en pince pour Lisa, souffle avec ironie Gérald en donnant un coup de coude amical au concerné.

    — Trop pas, le contredit immédiatement celui-ci en lui rendant son coup, — je la trouve sympa oui. Elle est marrante et j'aime bien discuter avec. Mais ça s'arrête là. 

    — Elle est sympa Lisa, mais elle déteste perdre, informe tout bas Yann, pour éviter que la concernée ne l'entende de la salle de bain, qui n'est qu'à quelques mètres seulement.

    — Tu lui as pardonné, toi ? N'attends pas pour lui demander Erwan, avec une suspicion flagrante.

    — Ouais. Avec le recul, je peux lui pardonner, parce que de toute manière je me préparais à révéler toute la vérité. C'était très lourd de le cacher à tout le monde, alors...

    — Moi, avec le recul, je sais plus quoi penser, avoue Gérald avec sincérité, — je sais pas si je dois haïr Lisa, ou encore Romu, qui a pété un câble bêtement, en nous foutant dans la merde...

    — Et si on arrêtait de remuer le passé ? Propose brusquement Erwan — parce que c'est pas comme ça qu'on avance les gars. Dans la vie, on trace, on se casse la gueule, on se relève, puis on trace de nouveau. Mais on ne regarde jamais en arrière ! Sinon c'est la déprime immédiate, la rancoeur, la colère, les regrets... 

    — J'approuve, Erwan tu es notre maître a tous, rit doucement Yann en se relevant du canapé, — et moi je vous dis bonne nuit, parce que je suis mort. Alors à demain !

    — ♫ À demain, ♫ boulet ♫ boulet ♫ bouleeeeet ♫ chantonne amicalement Gérald, avant de se lever a son tour pour l'imiter.

    Erwan fait de même quelques secondes plus tard.

     

     

     

    *

     

     

     

    Au même moment, dans un autre appartement et à quelques kilomètres de là, Vanessa s'impatiente devant la salle de bain qu'occupe son petit ami depuis maintenant plus d'une demi-heure.

     

    — Qu'est-ce que tu fiches Kyle ? Tu te maquilles ou quoi ? Le taquine-t-elle alors en trépignant sur place.

    — J'arrive dans cinq minutes! lui fait son interlocuteur en réponse, pour la tout juste millième fois de la soirée. 

    — Ça va être mort pour le restau, tu as vu l'heure ?! Et faut encore que je m'habille..

    — Bah, tu sais déjà ce que tu vas mettre, non ?

    — Non, justement ! 

    — Oh, seigneur!! fait mine de s'effrayer Kylian en surgissant brusquement hors de la salle d'eau, — dans ce cas-là, c'est bel et bien mort le restau ! 

    — Non. Je vais me dépêcher et dans dix minutes je suis prête !

    — Naaaan ! On se fait une soirée Sexe, Sexe, & Sexe, a la place ! Ça te dit pas ? lui susurre-t-il alors avec gourmandise, avant de lui fondre dessus pour l'enlacer et s'emparer de ses lèvres. 

    — Hmmm.. Si tu veux... lui murmure-t-elle simplement en réponse, entre deux baisers passionnés.

     

    Ce soir encore, il s'est drogué. Elle en est désormais certaine.

    Il y'a quelques jours, elle a fait de nombreuses recherches.

    Elle s'est renseignée sur les diverses drogues et sur leurs effets sur l'être humain, pour enfin, réussir à n'en tirer qu'une seule et unique conclusion.

      

    Son Kylian est soit cocaïnomane... Soit Héroïnonomane.

    Car oui. Il s'en va sniffer. Plusieurs fois par jour.

    Et plus particulièrement quand il commence à devenir aigri, stressé, paranoïaque et anxieux.

    Tous les symptômes sont là et aucun ne manque à l'appel.

    Kylian Gutter est complètement accro à une drogue dure et elle ne trouve aucun moyen de l'en sortir.

     

    Et puis que pourrait-elle faire, honnêtement, au jour aujourd'hui ?

    Le prendre entre quatre yeux et lui révéler ce qu'elle a découvert ?

    Il serait furieux. Vraiment furieux.

    Et ensuite ? Elle lui proposerait d'aller en cure de désintoxication ?

    Il serait fou de rage. Vraiment fou de rage.

    Et puis il refuserait. Bien évidemment.

     

    Kylian n'est pas homme à se laisser mener par le bout du nez.

    « — fais ci, fais ça, il faut que tu ailles en cure ! »

     

     

    *

     

     

    Réfléchissant, Vanessa songe que le seul moyen de sauver sa moitié, discrètement et intelligemment c'est de l'empêcher de se procurer sa dope. 

    Mais comment ? Niveau finances, Kylian gagne désormais assez bien sa vie. Il peut donc se procurer toute la drogue qu'il veut.

    Niveau fournisseur ? Cet enfoiré de Franz. Bien évidemment.

    Ce salopard qui doit lui faire des prix d'ami, accompagnés de sourires hypocrites pour l’entraîner le plus vite possible sur le sentier de la mort. Dieu que Vanessa le méprise, ce sale métisse. Plus malsain et faux-cul que lui, on ne faisait plus..

    Mais sans lui pour le fournir, Kylian se retrouverait le bec dans l'eau. Privé de son grand ami, il ne saurait alors plus comment se procurer l'objet de sa perte...

    Puis, doucement, mais sûrement, il finirait peut-être par s'en sortir. 


  • 091

    *

     

     

     

    Gérald a toujours eu l’habitude de se relever la nuit pour aller aux toilettes, ou boire quelque chose. C’est une manie qu’il a depuis qu’il est tout jeune et ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il va la perdre.

      

    Alors ce soir encore, il se relève, en pleine nuit noire.

    Il marche en somnolant et en entrouvrant à peine les yeux. Maladroit comme il est, il a de fortes chances d’heurter un meuble en chemin. Tant pis. Il se fera mal et braillera un grand coup. « Merde, fais chier ».

     

    Pourtant non, ce soir il ne se cognera nulle part.

    Tranquillement, il va rejoindre la salle d’eau et ouvrir délicatement la porte.

    Il est à moitié endormi.

    C’est peut-être ce qui peut expliquer qu’il n’a pas encore remarqué un certain fait.

     

    091

     

    Ah. Zut.

    Brusquement, il réalise enfin ce qu’il se passe dans la pièce. 

    Il vient d’entrer sans frapper, dans la salle de bain, pendant que Lisa prenait sa douche. 

     

    Oops ! Mais elle ne l’a pas encore remarqué.

    Normal. Elle est face au mur, en train de se savonner.  

     

    Ouf ! Il ne mourra pas aujourd'hui !

    Alors il se fait discrèt. Ne prononce pas la moindre parole, ne bouge pas d’un millimètre. On ne sait jamais, des fois qu’elle ai l’ouïe sensible. Elle l’assassinerait sur place !

     

    Oops ! Le spectacle est à son goût !

    Il en déglutit de désir. Ces formes. Ces fesses rondes, fermes et bien galbées. Ces hanches. Ce dos à la courbure si parfaite. Ces.. Ces seins.

     

    Oops ! Il n’arrive pas à les apercevoir correctement. Dommage. C’est vrai qu’elle lui tourne le dos.

    Elle est délicieuse, ainsi nue sous ce jet d’eau.

    À nouveau, il déglutit. S’imaginant arriver derrière elle, pour poser ses mains sur ses hanches, et...

     

    La suite ne devrait pas être lue par de jeunes lecteurs, tant ses pensées sont actuellement perverses et honteuses !!!!

     

    Oula. Perdu dans sa contemplation, il n’a pas remarqué qu’elle vient de se retourner vers lui. 

    Oula. Oulaaaaaa.

    Elle l’a vu. Son visage se crispe, ses sourcils se froncent, elle se prépare sans doute à lui hurler dessus! 

    LES FEMMES ET LES ENFANTS D'ABORD !

    IL FAUT SAUVER LE SOLDAT GERALD ! 

     

    — Tu veux que je t’aide ?? lui lance-t-elle sans attendre.

     

    Figé par la peur de se faire foudroyer sur place mais aussi par la contemplation de la plastique de son interlocutrice, Gérald ne lui répond rien.

     

    — Dégages de là, ou je t’arrache les yeux !! Poil de carotte !! lui fait-elle à nouveau, sur un ton très calme, mais aussi terriblement glacial.

    Elle ne plaisante pas et serait bien prête à l’empaler vivant, vu la grimace horrible qu’elle esquisse désormais à cause de la rage dans laquelle elle est en train de se muer.

     

    Ca y’est. Le rouquin réagit enfin. Il est redescendu sur terre. Dommage. La jolie nymphe, nue et innocente sous la pluie, vient de se métamorphoser en sorcière aigrie dans les ténèbres.

    — Holaaa, désolééé !! je venais juste me laver les dents !!

     

    — DÉGAGE j'ai dis !! 

     

    — Oui, oui !! Hop, hop !! Je suis plus làààà !!

    Faisant un bond en arrière, il ouvre la porte avec précipitation et se jette à l’extérieur de la pièce.

     

     Blasée, Lisa soupire en haussant les épaules,

    — Crétin de batteur... J’vais t’buter.

    Sans vraiment comprendre pourquoi, elle se met à rougir, l'air ravi, émoustillé, au souvenir de ses yeux posés sur elle.

     

     

     

    *

     

     

     

    A pas de loup, Gérald se dirige discrètement vers sa chambre pour y retourner.

    Il savoure encore ce merveilleux spectacle auquel il a pu assister par inadvertance.

     

    Dans la salle d'eau, Lisa soupire encore en se moquant de lui et de sa timidité, 

    — Crétin de batteur. Poil de carotte !  

     

    Idiot ! Reviens ! Crétin de batteur !

    Pourquoi n’est-il pas resté ?

    Un homme, un vrai, serait venu l’attraper et l’embrasser sous la douche !

    Au lieu de lui lorgner dessus, la bave aux lèvres !

    Crétin de batteur ! 





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