• 080

     

     

    *

     

     

    C’est pour elle, et uniquement pour elle, qu’Erwan a décidé de suivre Kylian ce soir, peu après que celui-ci se soit éclipsé du Cotton’s Factory par la sortie de derrière ; celle des coulisses, celle réservée aux artistes qui veulent prendre la fuite discrètement après un concert, en échappant à leurs fans et paparazzis.

     Il n’est pas idiot, car il sait bien que cette fuite discrète cache quelque chose de vraiment grave, vu que leur groupe n’en est pas encore à fuir les journalistes et photographes véreux.

    Quelque chose de vraiment grave, et peut-être aussi de très dangereux pour lui, qui est en train de se promener seul, en pleine nuit, dans cette ruelle plutôt malodorante et certainement des plus malfamées. En plus, la lumière des lampadaires est ici très faible et il est certain que l’endroit est idéal pour se cacher, ou faire passer des objets de contrebande. Voir de la drogue. Du shit. Aux dernières nouvelles, Kylian appréciait beaucoup de se griller un petit joint de temps en temps.

    — Hey ! Où est-ce que tu vas comme ça mon mignon ?

     

    Cette voix, qu’il entend brusquement dans son dos, il ne la reconnaît pas.

    Alors il arrête tranquillement ses pas, pour se contenter d’un simple

    — Qui êtes-vous ?

     

    Un autre aurait sûrement été terroriste de se faire accoster de la sorte.

    Mais pas Erwan.

    Parce que cela fait maintenant bien longtemps qu’il n’a plus peur et est presque insensible a tout ce qui peut lui arriver.

     

    — Ne te retourne pas, Don Juan ! Ou...

    — Je ne me retourne pas.

    — Tant mieux.

     

    080

     

    Un coup violent, provoqué par un objet lourd, fait brusquement crier le jeune pianiste, avant qu’il ne s’écroule lourdement sur le sol de la ruelle. Aux pieds de son agresseur qui rit déjà à pleins poumons de voir saigner de la tempe l’un des Apologize. Ces petits prétentieux fayots qui ne se sentent plus dès qu’ils montent sur une scène.

     

    — Tes parents ne t’ont jamais dit que c’est moche de fouiner ? Commence ensuite à cingler ce type qu’Erwan n’arrive même plus à regarder, à cause d’une méchante douleur derrière la nuque — hein ?? Et tu ne trouves pas ça con de se faire défigurer, juste parce qu’on ne sait pas se tenir à l’écart de ce qui ne nous regarde pas ??

    — Vous allez avoir des problèmes, vous, se contente de tenter calmement Erwan, en sachant très bien qu’il est en train de provoquer un adversaire déjà en position de force. 

    — Et toi, tu vas cracher tes boyaux par tous les trous, connard ! Lui lance avec hargne son agresseur, en levant le pied droit pour se préparer à le rouer de coups.


  • 081

     

     

     

    *

     

     

    Intro, Within ♪  

     

     

    De nombreux cris étouffés s’échappent de la ruelle. Étouffés, parce que la victime déteste crier et appeler à l’aide, tant elle est fière et orgueilleuse. 

    Pour cette raison, Erwan se défend seul en se protégeant à l’aide de ses mains et bras déjà meurtris. 

    081

    De vives douleurs commencent à faire leur apparition au niveau de ses côtes : certaines sont sans doute déjà brisées, vu le nombre de coups de pied qui leur arrivent dessus à pleine puissance.

     

    — Hey, Iwan, qu’est-ce que tu fous ? Appelle soudain une voix dans la pénombre.

    Erwan la perçoit à peine. Il a du malà rester conscient.

    Sans doute est-ce un ami de son agresseur venu ici pour l’achever.


  • 082

    — Putain, c’est qui ce type ? Reprends rapidement cette même voix, avant d’enchainer aussitôt après, avec colère, 

    — Merde, mais t’es un boulet ! C’était pas une cible à toucher ça !

    — La ferme, Walter, cingle en réponse le concerné, en arrêtant de frapper la loque qui se tord de douleur à ses pieds. 

    — Tu n’aurais jamais dû faire ça, Iwan... déglutit difficilement, et avec une profonde haine, celui qui semblait accompagner le fameux Walter.

    Kylian. 

    — Il te suivait ! Argumente rapidement le coupable de l’agression — sinon, qu’est-ce qu’il pouvait foutre seul ici ?! Hein ?! 

    — Et alors ? Est-ce que c’est une raison pour... souffle Kylian d’un air glacial, en fusillant son interlocuteur du regard, avant de s’adresser à son voisin de droite — vient m’aider Walt ». On va l’emmener aux urgences.

     

    Sans attendre, les deux hommes se rapprochent alors de la victime déjà inconsciente, pour le soulever du sol et le maintenir par les épaules.

     

    — Ne dis rien a... a... tente soudain Iwan, d’une voix à peine audible et presque honteuse, — Kyle ? Ne dis rien a... S’il te plaît.

    — À Franz ? ironise immédiatement Kylian avec cruauté, — tu as peur que je parle à Franz, c’est bien ça ? Eh eh ! Et bien tu as raison de flipper mon gros ! Parce que je vais tout lui dire ! Et tu sais ce qu’il va advenir de toi... Son bras droit pour qui il a tant de respect !

    — Si tu lui dis quoi que ce soit, je te tue !! Tu m’entends ?? JE TE TUE !!

    — Viens alors, je t’attends. Viens !! Mais attention, parce que ça ne sera pas aussi facile de m’étaler qu’Erwan le pacifiste !

    — Non, mieux... Ce n’est pas toi que je vais viser finalement...

    — Tiens donc !

    — Parce que j’en connais un rayon sur ta petite personne, pour savoir où je dois frapper pour te faire très mal !

    — Pardon ? Sois plus explicite s’il te plaît ! Connard !

    — Tu t’énerves ? Serait-ce parce que tu es en train de commencer à comprendre le fond de ma pensée ?

    — Si tu touches, ne serait-ce qu’un seul de ses cheveux Iwan...

    — Vanessa... La jolie chanteuse... Ness, c’est bien ça ? Tiphanie... La gentille grande sœur... Cobain, c’est bien ça ? Kurt... Le beau-frère... Sacha et Claire Gutter, les gentils parents... Ophélia, la jolie et douce petite sœur...

    — LA FERME !

    — Alors, toi aussi, la ferme ! Sinon... Tu n’auras plus que tes larmes pour les pleurer, tous ces braves gens !

     

     

     

    *

     

     

     

    082 

    Voilà maintenant deux heures et demie que Kylian est au chevet de son compagnon musicien, dans l’une des chambres de l’hôpital le plus proche.

     

    — Tu es resté ici tout ce temps ? S’informe Erwan auprès de son ami, peu après s’être réveillé d’un profond sommeil réparateur, pendant lequel il s’est fait choyer et soigner par de nombreux infirmiers.

    — Ouai, lui répond alors le jeune chanteur en admirant la vue magnifique que l’on peut constater par la fenêtre de la pièce. 

    — Merci, c’est cool... Au fait, il est quelle heure là ? Ils vont sans doute te demander de partir dans pas longtemps... 

    — Ils m’ont autorisé à rester ici pour la nuit. Mais si je te dérange... 

    — Non, non, ce n’est pas ça. C’est juste que... enfin... Ce type.. Puis toi...

    — Je le connais Erwan, oui. Si c’est ça qui te préoccupe.

    — Alors avec le métisse là, Franz,  je crois, plus cet abruti, vous formez une sorte de bande ? De gang même ?

    — Franz est mon ami, oui Erwan. Et c’est tout ce que tu as besoin de savoir.

    — Kyle ? Est-ce que tu te...

    — Me masturbe ? Et bien en voilà des questions ! C’est très vilain d’être aussi indiscrèt !

    — Très drôle.

    — Comme ta question... Elle est très drôle aussi, sachant que ce ne sont pas tes oignons, alors tu n’as pas a... 

    — Ton pote m’a quand même fait la peau, et sûrement cassé des côtes vu la douleur de malades que...

    — Ouai, le doc » a prévenu que tu as deux côtes cassées.

    — Sans blagues !

    — J’suis désolé pour ce qui t’est arrivé. Ça ne se reproduira plus... Si tu arrêtes d’essayer de fouiner. Quelle idée aussi de vouloir me suivre... Pourquoi d’ailleurs ?

    — Parce qu’on s’inquiète pour toi, crétin. Parce qu’on te voit filer un mauvais coton, avec des types louches ! Parce qu’on ce préoccupe de ta vie. Parce qu’on ne veut pas te voir sombrer ! 

    — Merci pour tout, mais vous ne pouvez rien faire pour moi Erwan. Ce sont mes choix et décisions. En plus, il m’est désormais impossible de faire marche arrière. 

    — Ah bon ? Et pourquoi ça ? Je suis désolé, mais là tu ne me grugeras pas. On peut toujours changer ! Quand on le veut vraiment, on peut tout faire ! Quand on le veut, bien sûr... 

    — Alors il faut croire que je ne le veux pas...

     

    Pour vous protéger. Parce qu’à mon premier faux pas, ils seront nombreux à se précipiter sur les êtres qui me sont cher.

    Parce que je vous aime trop pour tenter cette folie.

    Parce que je n’ai décidément pas changé avec toutes ces douloureuses années.

    Parce que je suis finalement toujours le même...

    Faible et lâche. Fourbe et hypocrite.

     

    — Prends au moins soin de toi Kyle. Et si tu ne le fais pas pour toi, ta vie pour laquelle tu n’as décidément aucune considération, et bien fais-le au moins pour ceux qui t’aiment. Pour ton groupe qui veut aller loin, avec toi. Pour ta petite amie, qui se damnerait pour ta petite personne. Pour... 

    — Si je vais chier un coup quelques minutes, tu vas pouvoir survivre sans mon idyllique présence ?!

    — Tocard ! Je te parle sérieusement, et toi tu...

    — Caca-Time ! À tout de suite, mon gros !

    — Ouais, ouais, c’est ça, caca time... crétin.

     

     

     

    *

     

     

     

     

    Peu après, dans les toilettes les plus proches de la chambre de son camarade, et après avoir sniffé ce dont il a besoin pour se sentir mieux, Kylian se décide à appeler sa petite amie pour la prévenir qu’il ne rentrera pas cette nuit. 

    — Enfin !! Mais où es-tu bon Dieu ?? Lui piaille immédiatement celle-ci en décrochant d’une main fébrile, après seulement une unique sonnerie.

    — J’ai été retenu. En fait... Erwan a eu des ennuis et il m’a appelé à l’aide. Des loubards dans la rue et tout.. Mais là il va bien. Seulement, je vais rester avec lui cette nuit, donc je ne rentrerai que demain.

    — Erwan ? Des ennuis ? Vous êtes ensemble là ? Avec qui ? Et où ?! 

    — À l’hôpital, évidemment.

    — Il a quelque chose de grave ??

    — Non, non ! Ne t’inquiète pas.

    — À quel hôpital êtes-vous ? J’arrive.

    — Non. Toi, tu restes à la maison, et tu m’attends. Je rentrerai demain, à l’aube.

    — Mais non !! Je veux vous rejoindre !! Kyle !

    — Il n’a droit qu’a une seule personne a son chevet durant la nuit, et cette personne c’est déjà moi ma puce. Alors je te dis a demain.

    — Mais, mais !! 

    — Je raccroche, alors je te dis bonne nuit. Bisous. Je t’aime.

     

     

     

    *

     

     

     

    Ce n’est pas l’insistance de Vanessa auprès du jeune pianiste, dans les jours qui vont suivre, qui va réussir a le faire céder et avouer ce qu’il s’est réellement passé cette nuit-là. 

    Certainement pas. Non. Puisqu’il a finalement promis à Kylian de garder pour lui les véritables raisons de son petit séjour à l’hôpital. 

    Son silence ne peut qu’être bénéfique à tout le monde, et surtout a Kylian qui pourrait bien plonger avec ces types de l’ombre qu’il a eu le malheur de fréquenter trop longtemps.

    Cependant, et malgré toutes les précautions qu’il prend pour rassurer la blondinette sceptique face aux récents événements qui l’intriguent, il se méfie. En effet, celle-ci est des plus têtues et elle ne semble pas avaler l’hypothèse de l’agression classique, par une bande de voyous inconnus.

    Il devait le suivre. C’est elle-même qui le lui avait demandé.

    Il devait le suivre. Alors il l’a suivi, a la fin de ce concert-là.

    Puis, il a été agressé... et Kylian n’est étrangement pas rentré de la nuit.

    Beaucoup de coïncidences.

    Et sans doute beaucoup de mensonges.

    Elle en est certaine et c’est pour cette raison qu’elle dévisage de haut en bas son interlocuteur, comme pour trouver la faille dans ces paroles manipulées, et certainement réfléchies bien longuement au préalable.





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