*

 

 

La nuit tombe vite en cette saison, et c’est pour cette raison que le ciel est déjà bien obscurci lorsque Vanessa vient frapper à la porte de son ami pianiste. 

— Coucou Erwan, excuse-moi de te déranger, lui fait-elle rapidement, après qu’il lui ait ouvert sa porte.  

— Depuis quand est-ce que tu me déranges ? lui sourit-il alors amicalement, — allez entre, reste pas sur le pas de la porte !

— Je serai pas longue. En fait, je voudrais juste te parler de quelque chose qui...

— Viens t’asseoir, parce que te connaissant, tu vas papoter pendant une demi-heure !

— Oh la mauvaise langue, lui rit-elle en s’asseyant à son tour sur le lit derrière eux.

 — Alors, qu’est-ce qui te perturbe, lui sourit-il à nouveau, une fois qu’ils sont tous les deux confortablement installés.

 

 

— Et bien, en fait.. c’est Kyle qui m’inquiète. Et je sais pas vraiment vers qui le tourner à part toi...

— Comment ça, il t’inquiète ? Il t’as fait quelque chose de mal ?

— Mais non ! Ce sont juste certaines de ses fréquentations que...

— Les racailles, c’est ça ?

— Voilà.

— Pareil Ness. Comme quoi, on pense tous la même chose de ces types...

 — J’ai un horrible pressentiment Erwan. Ils me font peur. Surtout le métisse là.. Franz, je crois.

 — On peut rien faire de toute manière... Tu connais Kyle, il fait ce qu’il veut, quand il veut, et où il veut...

— Tu sais, quand il sort avec eux, il ne m’emmène jamais. Je sais pas ce qu’ils font ensemble, mais...

— Il va pas te trimbaler au milieu de mafieux Ness, m’enfin...

— « Mafieux » ?? 

— Parce que tu en doutais ? Attends, le métisse là, c’est écrit sur son front qu’il en est un.

— Ils vont le faire replonger ! C’est certain ! C’est eux qui le font fumer. Il faut faire quelque chose Erwan !

— Tant qu’il ne fait que fumer.. Et puis qu’est-ce que tu veux faire ? Si c’est pour qu’il monte sur ses grands chevaux et nous hurle dessus.. Hum..

 — Je veux en savoir plus sur ce Franz et sur ces types que Kyle fréquente. Et toi seul peux m’aider, vu que moi je n’ai pas accès a « ce monde », dixit Kyle lui-même... Pfft.

— Je vois pas trop ce que je peux faire Vanessa, vu que nous non plus, nous n’avons pas...

— Tu ne pourrais pas les espionner en fin de concerts ? Essayer de surprendre une ou deux conversations ? 

— Euh.. Mouais. Oui, ça je peux essayer. Mais bon...

— Merci Erwan, merci. T’es un ange ! Je pense vraiment qu’il faut se pencher sérieusement sur ces fréquentations maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.

— Et s’il était déjà trop tard Ness ? Tu y as songé a ça ?

— Comment peux-tu dire une chose pareille Erwan ? Tu te rends compte que si Kyle sombre, c’est votre groupe entier qui disparaitra ?

— J’en suis conscient. Mais on peut peux pas grand-chose. Soit on le regarde agir en silence, soit... On le dénonce aux flics pour le boucler. Vu que jusqu’à preuve du contraire, il est interdit de se droguer...

— « Se droguer », carrément... Il ne fait que fumer un peu de temps en temps, et encore, ça, c’est à cause d’eux..

— Hum.. Déjà, on ne se drogue à cause de personne, mais parce qu’on le désire. Ensuite, je ne mettrai pas la main à couper en affirmant qu’il ne fait que fumer, sachant qu’il est très ami avec un trafiquant.

— Il faut que tu surprennes une conversation Erwan, je t’en prie !! Il faut qu’on en ait le cœur net, pour agir, pour le sauver...

— Il est où là ?

— Bah devine. Si je suis là, avec toi, c’est que Kyle est...

— Avec son « super pote ».

— Exactement.

 

 

 

*

 

 

 

En effet, Vanessa a visé juste en soupirant que Kylian se trouve actuellement chez son ami d’enfance, Franz.

Ami d’enfance et l’un des plus influents parrains de la mafia, spécialisée dans le trafic de diverses drogues.

 

— Doucement Kyle, prévient celui-ci en direction de son compagnon qui est en train de sniffer, assis autour de l’unique table de la pièce — tu fais ça trop vite.

 

 

— T’inquiètes Man, lui souffles simplement Kylian en ramenant sa tête en arrière pour se laisser planer, — putain, c’est de la bonne celle-là...

 

 

— Qu’est-ce que tu crois, je vends pas de la daube moi. 

— Je vais t’en prendre un peu pour plus tard. Tu as du stock de dispo là ?

 

 

— Oui, mais non. Tu fais pas sortir de coke de cet appartement, c’est hors de question.

— Pourquoi ?

— Parce que tu crèches dans une cité U. C’est trop dangereux. À la limite si on te trouve avec de l’herbe c’est pas la mort, mais de la coke... T’es foutu, et moi aussi par la même occasion.

— Je suis pas une balance, si c’est ça que tu insinues.

— Vous êtes tous des balances, quand vous vous faites chopper par les poulets.

— Pffft.. La confiance règne a ce que je vois!!!

— Tu es ici chez toi et tu viens quand tu veux pour avoir ta dose, mais tu ne sors rien de mon appart, point barre. Enfin tant que tu vivras dans une cité universitaire, en tous cas. 

 

 

 

*

 

 

 

À quelques pâtés de maisons de là, un petit couple se remet doucement de longs ébats amoureux et épuisants.

Tania et Yann. 

— Alors, heureuse ? Taquine fièrement le jeune homme en ramenant sensuellement sa petite amie contre lui.

— Ça, c’est du stéréotype de macho, du vrai ! lui répond-elle aussitôt en en admirant sa musculature virile et délicieuse. 

— Je suis censé cumuler tous les défauts du monde, alors tant qu’à faire, je prends aussi celui-là !

— M’en fout, tu peux avoir tous les défauts du monde, tu resteras toujours...

— Ton dieu vivant, merci, je sais !

— Tu restes avec moi cette nuit ? Mon petit prétentieux adoré... lui susurre-t-elle ensuite, en le dévorant du regard.

— Tes parents ?

— Je suis une grande fille et ils le savent, ne t’inquiète pas.

— Pourtant ton père m’a regardé bizarrement tout à l’heure.

— C’est normal... Je leur avais présenté Romu et ils l’appréciaient beaucoup...

— Chut.

— De quoi ? 

— J’ai pas envie de parler de Romu... En fait, j’aimerai qu’on en parle jamais. OK ?

— Je comprends. Pas de problèmes.. D’ailleurs.. Yann.. À ce sujet...

— Oui ?

— Pour le local, pour les autres, enfin je veux dire que..

— On a dit qu’on ne s’affichait pas Tania, tu as déjà oublié ?!

— Oui, mais dans ce cas, je ne vais plus au local moi alors.

— Pourquoi ça ?

— Ben avant je le retrouvais, mais maintenant ? Souviens-toi, c’est même toi qui m’avais dit a l’époque que Ness avait sa place là-dedans, mais pas moi parce que..

— Chut. Tu sais très bien pourquoi je t’avais envoyé chier de la sorte. Et tu sais très bien que tu as ta place au local, et dans le groupe.

— J’ai peur des jugements Yann. Je sens que ça va y aller, les regards, les critiques, l’hypocrisie, les non-dits et tout..

— Je suis là Tania. Et tu sais bien que le premier qui ose te dire un truc de travers, il s’en prend une.

— Hummm.. Chevaleresque en plus. Ça, c’est de l’homme !

— Comme si tu en doutais ! Et puis je dis surtout ça parce que je connais les potes. Ils sont pas du genre a te rejeter à cause de Romu. Erwan il s’en fout de tout ça, Kylian il est toujours à côté de la plaque, et Gérald c’est pas le type a emmerdes.

— C’est vrai, pour Gégé et Kyky, mais pour Erwan par contre.. Disons que je le connais pas vraiment pour juger. Il est assez mystérieux et je lui ai rarement parlé.

— C’est un type bien. Y’a rien à jeter dans Erwan.

— Ness m’en a dit beaucoup de bien, oui. C’est son grand pote, tu sais ! Je pourrai presque piquer des crises d’amitié à cause de lui. J’ai l’impression qu’elle l’adore autant que moi ! Voir plus.

— Ouai, ils sont proches tous les deux. À tel point que c’est pas toi qui devrais être jalouse, mais surtout Kyle. 

— N’importe quoi. Ness l’aime à la folie Kylian.

— Ouai, mais... J’sais pas. Je la sens pas cette amitié. Comme je sens jamais les amitiés hommes/femmes.

— Tssss. Moi je dis que tu te trompes ! 

 

 

 

*

 

 

 

Pendant ce temps, au complexe cinéma du coin, deux amis se prélassent dans le fast-food de l’endroit, en commentant le film qu’ils viennent de visionner.

 

Tiphanie et son collègue de travail, Peter.  

Les rires fusent et la bonne ambiance est au rendez-vous.

Aucun de ces deux amis ne semble voir autre chose qu’une profonde amitié dans les liens qui les unissent aujourd’hui.

Aucun ? Vraiment ? Pour Tiphanie, oui. C’est certain.

 

Mariée, comblée, et amoureuse, elle n’a absolument pas besoin de regarder ailleurs qu’a son annulaire gauche. Doigt qui porte, depuis quatre ans maintenant, un anneau qui symbolise son union avec un homme qu’elle aime par-dessus tout.

 

 

Cependant, du côté de Peter, la situation se révèle différente.

En effet, ce jeune homme réservé apprécie énormément, voire trop, cette jeune femme.

Elle est mariée, et il le sait. Pourtant, il ne peut s’empêcher de se dire qu’il peut avoir ses chances : un époux trop souvent absent, immature et indifférent face à beaucoup d’évènements.

Alors oui, il peut avoir ses chances contre lui. Il en est certain.

Il lui suffit de se montrer patient, en attendant de saisir sa chance lorsque son rival fera un faux pas.

Une silhouette en costard qui arrive vers la table des deux amis.

Des sourires. Des gestes de mains pour saluer le nouvel arrivant.

Tiphanie qui lui fait signe de venir s’asseoir.

 Il obtempère sur le champ.

 

 

Hanz.

Tiphanie ne demande pas à son ami pourquoi est-ce qu'il se trouve seul ici, se doutant bien que la réponse ne ferait que lui remuser le couteau dans la plaie.

Depuis quelque temps, la situation amoureuse du jeune homme n’était pas des plus stables et il en souffrait énormément.

Pour cette raison, Tiphanie sait qu’il n’a besoin que de deux choses ce soir : des rires et de bonnes humeur !!!

 

De son côté, Peter ne voit pas cette arrivée impromptue avec le même enthousiasme que sa collègue et amie.

En effet, cette nouvelle présence l’empêche d’accaparer toute l’attention de sa partenaire de soirée et ce fait l’agace profondément.

En plus, il ne doit pas oublier que cet homme est le frère... de son rival.

Ce qui veut dire qu'il est pour lui, tout sauf un allié !!! 

 

Et parfois, Peter n'est finalement pas si loin de la réalité car lorsqu'il souffre trop, Hanz a parfois tendance à se souvenir du passé.

Lorsqu'il était sorti brièvement avec Tiphanie. Il songe parfois qu'ils auraient peut-être fait un chouette couple, eux.

 

 

 

*

 

 

 

Le lendemain matin, Vanessa se presse vers la chambre universitaire de son petit ami pour se jeter amoureusement dans ses bras. 

Ravi, celui-ci lui rend son accolade et ses baisers jusqu’à ce qu’elle se décide enfin à lui annoncer une décision qu’elle a prise récemment.

 

— Kyle.. Je vais déménager.

— Hein ? s’étonne immédiatement son interlocuteur, la voix chargée d’angoisse, — mais où ? Quand ? Et pourquoi ? 

— T’affoles pas mon cœur ! Le rassure-t-elle alors sans attendre, — je veux juste quitter la maison de mes parents pour prendre un appartement à part, rien de plus.

— Mais pourquoi ? Ta chambre ne te plaît plus là où tu es ? Je veux dire.. Tu y es logée gratuitement alors...

— Oui, mais non... lui soupire-t-elle tristement, avant de poursuivre d’une voix sombre et emplie de déceptions, — Kyle.. Si je vivais chez eux, c’était surtout pour avoir l’impression d’avoir une famille...

— Oui, et bien ? Ce n’est pas le cas ?

— Tu sais bien que non..

— Quand même. Tu les vois souvent, tu les croises, tu leur parles...

— Non Kyle, et tu le sais bien en plus ! On a nos vies chacun dans nos coins, et moi je suis seule. Je n’ai que toi et mes amis, c’est tout...

— Si tu t’en vas, tu seras vraiment seule ma puce. Pour être actuellement en train de faire l’expérience de la vie loin des parents, et bien je peux te dire que c’est pas tous les jours amusant.

— Justement Kyle, pour cette raison je... commence a déglutir timidement la jeune fille, en marquant une pause pendant laquelle elle semble réfléchir.

— Tu quoi ? La questionne alors Kylian, avec un sourire, pour la forcer à poursuivre sa phrase.

— Je... Je... Je pensais qu’on pourrait le prendre tout les deux. Cet appart. Voilà, je l’ai dit ! Lui rougit-elle brusquement, en baissant les yeux de honte.

  — Tu es sérieuse ? s’étonne immédiatement Kylian en la ramenant doucement contre lui — vraiment ? 

— Oui, mais.. Mais je dis ça comme ça hein... Je sais que c’est trop tôt, alors le prend pas mal et je m’excu...

 

 

— Prenons le ensemble, cet appart, c’est OK, l’interrompt-il brusquement, avant de se ruer pour l’embrasser avec avidité. 

 

« Tu es ici chez toi et tu viens quand tu veux pour avoir ta dose, mais tu ne sors rien de mon appart. Enfin tant que tu vivras dans une cité universitaire, en tous cas.. »

 

 

 

*

 

 

 

Le Tunnel d’Or — Aaron ♪

 

 

Peu après, et à quelques kilomètres de Suche Nach, Erwan est en studio pour enregistrer son premier Single... solo.

Regarde, il gèle
Là sous mes yeux
Des stalactites de rêves
Trop vieux
Toutes ces promesses
Qui s’évaporent
Vers d’autres ciels
Vers d’autres ports

Ce titre, qu’il interprète avec assiduité devant ce micro, retrace sans retenues tout ce qu’il est et tout ce qu’il a vécu depuis ces dernières semaines.

Et mes rêves s’accrochent à tes phalanges
Je t’aime trop fort, ça te dérange
Et mes rêves se brisent sur tes phalanges
Je t’aime trop fort
Mon ange, mon ange

Sa première source d’inspiration pour l’écriture de ce lyric a évidemment été le récent décès de sa grand-mère bien-aimée, suivie ensuite par de nombreux et nouveaux sentiments ; à sens uniques cependant ; qu’il éprouve aujourd’hui pour une jeune femme.

De mille saveurs
Une seule me touche
Lorsque tes lèvres
Effleurent ma bouche
De tous ces vents,
Un seul m’emporte
Lorsque ton ombre
Passe ma porte 

Et mes rêves s’accrochent à tes phalanges
Je t’aime trop fort, ça te dérange
Et mes rêves se brisent sur tes phalanges
Je t’aime trop fort
Mon ange, mon ange

Une jeune chanteuse.

Prends mes soupirs
Donne-moi des larmes
À trop mourir
On pose les armes
Respire encore
Mon doux mensonge
Que sous ton souffle
Le temps s’allonge

Et mes rêves s’accrochent à tes phalanges
Je t’aime trop fort, ça te dérange
Et mes rêves se brisent sur tes phalanges
Je t’aime trop fort
Mon ange, mon ange

Seuls sur nos cendres
En équilibre
Mes poumons pleurent
Mon cœur est libre
Ta voix s’efface
De mes pensées
J’apprivoiserai
Ma liberté

Et mes rêves s’accrochent à tes phalanges
Je t’aime trop fort, ça te dérange
Et mes rêves se brisent sur tes phalanges
Je t’aime trop fort
Mon ange, mon ange..

 

 

 

*

 

 

 

 

Pour de nombreuses raisons, et il fallait s’y attendre, ce projet de Singles en solitaire à immédiatement déplu a Kylian dès que celui-ci en a été informé. 

Sans attendre, il s’est aussitôt précipité sur les deux seuls amis qu’il pouvait croiser aujourd’hui au local, pour leur exposer sa vision des choses, des faits, voir de cette haute trahison.

— Non, mais sérieux ? Admettez-le au moins ! Il est culotté ! Ce faux-cul !

Sa voix est pleine de rancœur et Gérald le lui fait rapidement remarquer, d’un air las

— Arrête d’être aussi aigri Kyle... Et d’ailleurs, il est où ton problème a toi au juste ? Erwan a bien le droit de faire sortir la chanson qu’il a dédiée à sa grand-mère tout de même...

 — Hummm, tu me rappelle le nom du chanteur de ce groupe ? s’empresse de lui brailler Kylian avec une ironie presque palpable.

— Ah, c’est donc ça ton problème, vient ajouter Romuald dans la conversation, — c’est de la jalousie en fait.

— Quedalle, je suis pas jaloux !!!! lui grogne alors le chanteur vexé — c’est juste que... que ça se fait pas merde !! C’est moi le chanteur du groupe, alors il pouvait me donner son lyric !! Non ?? C’est pas ça qui aurait dû se faire s’il était loyal ?? 

— Arrête tu t’enfonces, lui soupire a nouveau Gérald en haussant les épaules, — c’est un hommage a sa grand-mère, alors ce n’est pas a toi de l’interpréter... Si tu peux pas comprendre ça et bien...

— Et bien quoi ? Rétorque sans attendre Kylian en se sentant bouillonner de l’intérieur, — non, mais je t’en pries, va au fond de ta pensée voyons !

 — Et bien tu es idiot, lui apprend alors le rouquin sans hésiter une seconde — car il faut pas être très fute-fute pour ne pas comprendre que ce n’est pas à toi de chanter « Le Tunnel d’Or ». En plus, si tu veux mon avis... Et bien je trouve qu’Erwan chante aussi bien que toi, voir mieux.

— Arrête Gégé, le gronde amicalement Romuald pour calmer cette ambiance des plus agressives qui tente doucement de s’installer, — essaies de relativiser Kyle, s-il-te-plais. Pour te consoler, tu peux te dire qu’il n’est pas rare que le membre d’un groupe fasse quelque chose en solitaire. Et puis Erwan nous a déjà prouvé son dévouement à de nombreuses reprises alors... 

— Ouai, ouai, l’interrompt alors brutalement Kylian en maugréant tout ce qu’il peut — mais vous verrez mes cocos, vous verrez quand il décidera de continuer solo ! Vous verrez ! Et alors a ce moment-là, vous n’aurez que vos yeux pour pleurer !

— Pleurer ? Carrément ? Semble ironiser Gérald en grimaçant de dépit, — non, mais Kyle tu te rends compte de ce que tu dis ? C’est d’un ridicule... Admettons qu’on perde Erwan, admettons... Tu sais qu’il n’est pas le seul pianiste au monde ?

— Et que le piano n’est pas non plus indispensable dans notre groupe vient compléter sagement le blondinet pour soutenir son compagnon.

— Exact, confirme aussitôt Gérald — tout le monde sait bien que tout Apologize repose sur la batterie ! Soit MOI, le meilleur de tous, le plus sage, le plus intelligent, et le plus sex !

— Oh oh oh, carrément, se moque amicalement Romuald, — Humm, mais OK, on te croit sur parole mon grand ! Enfin, sauf pour la dernière qualité ! Car là tu m’excuseras, mais... ça, c’est moi !

 

 

 

 

*

 

 

 

 

Le lendemain matin, et peu après avoir embauché dans la petite crèche où il exerce, Peter se sent soudain frappé d’un affreux coup de déprime. 

En effet, la dernière soirée qu’il a passée avec son amie et collègue, Tiphanie, a non seulement été des plus agréables et sympathiques, mais aussi.. Des plus révélatrices. 

Oui il admet aujourd’hui, la gorge nouée et le cœur serré, être complètement fou de cette femme déjà mariée à un autre.

 Cette situation n’est pas des plus flatteuses et il en est conscient : s’il tente quoi que ce soit qui sorte du registre amical avec l’objet de ses désirs, il sait très bien qu’il se fera envoyer balader immédiatement avec un flot d’insultes.

 

Pourtant, et malgré cette crainte, il ne voit pas d’autre alternative que celle de foncer droit devant, vers ses rêves et espoirs.

Et s’il y avait un moyen ?

Et si elle s’était mise à douter de son époux, à cause du manque de maturité de celui-ci ?

Et s’il jouait sur ses atouts personnels pour faire pencher la balance ?

Et si c’était possible ?

Ne dit-on pas que l’on avance pas sans espoir ?

Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais abandonner ?

Il y a beaucoup de proverbes sur le sujet, cherchez donc sur google le nombre de citations qui clâment à qui veut l'entendre qu'il ne faut jamais abandonner ses rêves !!

  

— Coucou p’tit doc ! Lui chantonne soudain Tiphanie en pénétrant rapidement dans son infirmerie — la petite va mieux ? Je peux la redescendre ? 

— Coucou... Oui, tu peux.. Marmonne- Peter.

Mais comment y croire, alors qu’elle ne semble voir en lui que le « p’tit doc » des enfants ? 

— Ca va pas fort toi aujourd’hui, je me trompe ? lui fait-elle rapidement, dès qu’elle a constaté sa mine abattue — quelque chose ne va pas ? Le moral ? La santé ? 

— La santé, ouais, c’est ça... Je me sens un peu patraque aujourd’hui. Rien de bien grave, lui ment-il rapidement et en forçant un sourire.

— T’acharne pas trop alors ! Faudrait pas que tu nous fasses un malaise, ça serait un comble pour un pédiatre, le taquine-t-elle amicalement, avant de se diriger vers l’un des berceaux de la pièce. Celui où repose une petite blondinette qui répond au doux prénom de Cam. 

— Tu as raison... ça serait.. Un comble... lui déglutit-il ensuite en la détaillant de haut en bas. 

Il donnerait décidément n’importe quoi pour s’approcher d’elle avec sensualité.et la prendre doucement dans ses bras, tout en l’embrassant et en la caressant avec passion... avant de lui enlever ses vêtements un a un...

— Elle a fait un gros dodo la petite Cam ? Chantonne innocemment Tiphanie, en attrapant la concernée qui lui rit dans les bras, — hein p’tit doc ? Est-ce qu’elle a été sage la petite chipie ? Tu peux confirmer ? 

— Oui.. Elle a été sage, la chipie...

Il doit agir. Maintenant.

Pendant qu’elle est là, innocente, frêle, et radieuse, dans son infirmerie.

Vite. Maintenant.

Il doit se lever pour tenter quelque chose. N’importe quoi ! 

— Comment tu t’appelles petite chipie ? Continue de rire Tiphanie à destination de la fillette qu’elle tient maintenant contre sa hanche, et qui va rapidement lui répondre entre deux babillages, — Cam ! Ze m'appèyeuh Cam!! 

— Et tu as quel âge petite Cam ? Est-ce que tu sais quel âge tu as, dis-moi ?? Hein, est-ce que tu le sais ??

— Oh wi wi wi ! Z'ait Troua zan ! 

— Tu as ça dans le sang... susurre soudain Peter, après s’être rapproché rapidement de sa collègue et amie.

— De.. De quoi ? rougit aussitôt Tiphanie en tournant la tête vers la gauche pour constater la présence de son interlocuteur, maintenant à moins d’un mètre d’elle.

— Bah, les enfants.. Lui sourit-il à nouveau, avec cette voix douce et sensuelle qui ferait fondre n’importe quelle femme un peu trop romantique.

 

 

— Eh eh, merci, s’empresse alors de remercier Tiphanie, un peu gênée, avant de revenir chatouiller la bambine en reprenant joyeusement pour atténuer l’étrange malaise qui semble s’être installé dans toute l’atmosphère, 

— Et sinon toi, ça va mieux ? Tu ne te sens plus patraque ?

— Si.. Et c’est même de pire en pire Tif...

— Mais... Mais va t’asseoir un peu, pour te reposer... lui propose alors la concernée en se sentant soudain terriblement mal, à cause de la voix de son interlocuteur qui se veut des plus séductrices.

— Non Tif... Ça ne sera pas la peine...

— Je.. Je... Mais enfin qu’est-ce que tu veux ? Un café bien chaud ? C’est ça ? Tu veux que je t’apporte un café bien chaud pour te rebooster ?

Oui, Tiphanie sait bien qu’il n’y a rien de plus facile que de jouer les ignorants, lorsque l’on se sait sur le point de découvrir quelque chose qui pourrait perturber nos habitudes et routines de vie.

Pour cette raison, et pendant les prochaines minutes QI vont s’écouler, elle souhaite devenir brusquement très idiote et aveugle.

 

 

— C’est toi mon malaise Tif... se décide alors a lui murmurer Peter en se rapprochant sans prévenir, jusqu’à ce que son visage soit presque collé au sien.

Ainsi rapprochés, ils ont presque l’air de former une famille, avec la fillette dans les bras de sa douce et tendre.

Une famille.. Un père, une mère, un enfant. Une famille heureuse et comblée. Un petit trio uni et merveilleux. Ce qu’il rêve tant de posséder un jour, avec une femme qui lui fait le même effet que celle-là. Celle qui est actuellement contre lui, à rougir et souffler d’un air chaud et plein d’anxiété — je vais redescendre Cam avec les autres...

— Tif... Tu sais qu’entre toi et lui c’est... Je veux dire que.. Que..

— Que « quoi » ? Peter.. J’ai peur de comprendre ce qui t’arrive aujourd’hui...

 

 

— Promets-moi d’y réfléchir.. Se contente-t-il de lui offrir en réponse, avant de lui déposer un léger baiser sur le bout des lèvres — je t’en prie...

— Bisou !! piaille soudain la bambine dans les bras de sa puéricultrice, — l’a fait bisou !! bisouuuu !! 

— Hop nous on descennnd !! À tout à l’heure Pete, annonce rapidement Tiphanie en s’extirpant d’un bon de ces bras qui l’enserraient tendrement. 

— Promets-moi... d’y réfléchir.. Je t’en prie.. lui supplie alors celui-ci, sans bouger d’un millimètre, tandis qu’elle franchit déjà le seuil de son infirmerie, en lui répondant dans un soupir 

— Je te promets.. D’y réfléchir.