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    *

     

     

    Le lendemain, Jun s’est résigné à retourner au front, pour donner un coup de main aux octaviens qui luttent difficilement contre la robuste armée éternienne, qui ne fait qu’avancer dans leurs terres.

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     Isis est donc restée seule pour garder leur enfant car ils se sont mis d’accord pour ne jamais le laisser trop longtemps sans surveillance : il faut à tout prix qu’ils empêchent Keichi de lui tomber dessus... ce fourbe serait bien capable de l’emmener voir la déesse mère au sous-sol.

    Isis, comme toutes les jeunes mères, ne fait que s’émerveiller devant le minois angélique de son poupon : il a hérité de l’adorable frimousse de son père, il n’y a aucun doute là-dessus !

    Il a un air doux, fragile et affectueux... Tout l’inverse d’un éventuel démon !

    Les yeux débordants de tendresse, elle lui dépose un léger baiser sur le front, en lui murmurant que c’est lui le plus beau de la galaxie.

     Cet enfant ne sera jamais maléfique.

    Elle en est certaine ; on ne peut pas être mauvais avec une telle bouille.

    C’est impossible.

     Il faut qu’elle aille voir son frère ce matin. Pour s’assurer qu’il ne fait pas de bêtises aujourd’hui. Il est tellement étrange en ce moment...

    Elle dépose alors son rejeton sur son moelleuxl tapis.

     

    D’un pas rapide, et après avoir chuchoté quelques mots tendres à son fils, elle se presse hors de sa chambre ; il faut qu’elle se dépêche pour ne pas laisser le petit seul trop longtemps. À cet âge là, un accident est si vite arrivé..

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     La porte de la pièce se referme doucement, enfermant ainsi dans la chambre un petit garçon qui gazouille dans son pyjama bleu ciel.

    Mais gazouiller n’est pas vraiment le terme exact pour définir l’activité actuelle de l’enfant ; en effet, celui-ci semble commencer à s’entourer doucement d’une étrange aura... 

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     Une lueur argentée qui s’amplifie de plus en plus au fil des secondes. 

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     Daï ne gazouille plus désormais, préférant gesticuler en cherchant du regard une présence familière, protectrice, affectueuse.

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    Il a peur.

    Terriblement peur.

    Tout son environnement se floute rapidement et il se sent soudain complètement seul. Abandonné.

    Il se met à crier. Pourquoi est-il tout seul ?

    Où est-elle ?

    Où est-il ?

    Où sont-ils ?

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     Des spasmes commencent à tordre l'estomac. 

    Il gémit et pleure doucement.

    Où est-elle ? Où est-il ? Où sont-ils ? 

    Pourquoi est-il tout seul ? 

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    Une voix glaciale et surnaturelle commence soudain à communiquer avec lui : tout son corps se paralyse dès que ces mots étranges et extérieurs terminent d’échouer dans son esprit.

     

     

    *

     

     

    Isis est à la recherche de son frère ; il n’est pas dans sa chambre personnelle, c’est donc qu’il est à son bureau.

     Elle s’y presse donc.

     Arrivée devant la porte, elle constate amèrement qu’une Asuka est plantée et immobile près de l’entrée du lieu de travail de son frère jumeau.

     Que fait-elle ici ?

     Elle ne tarde pas à le lui demander, en la dévisageant avec suspicion ;

    — Asuka ? Tu cherches quelque chose ?

     — Je peux vous retourner la question, princesse, me contente de lui souffler la jeune fille, sur le même ton.

     — Majesté... Pour toi, c’est majesté.. Lui rappelé Isis en fronçant les sourcils, avant de la cingler froidement, — tu peux disposer, bonne journée.

    — Je m’inquiète pour lui, moi, lâche ironiquement Asuka pour faire culpabiliser cette reine inutile déguisée sous l’image d’une princesse de contes de fées.

     — C’est inutile, et ce n’est pas ton rôle, se contente de lui rétorquer Isis en s’avançant vers la pièce.

     

     La jeune guerrière ne peut et n’as rien le droit de répliquer a sa reine ; elle repart donc a l’étage intérieur en maudissant intérieurement cette petite garce blonde trop prétentieuse !

    Maintenant seule, Isis peut enfin toquer à la porte de son frère, en n’oubliant pas de se signaler, d’une voix ferme et posée,

    — Kei ? T’es là ? C’est moi !

     Ce n’est qu’un court silence qui va lui répondre : parce qu’il ne veut voir personne. 

    Elle le connait trop bien. Il réagit toujours de la même façon.

    Dès qu’il est mal dans sa peau, il s’isole pendant plusieurs heures pour faire le point.

     

     — Kei ? Si tu ne me réponds pas tout de suite, je défonce ta porte ! Menace-t-elle maintenant avec un petit rire ironique : aujourd’hui elle ne le laissera pas picoler seul pour oublier.

     — Entre, c’est ouvert, se décide a lui céder Keichi : aujourd’hui il n’a pas la force de lutter contre son caractère borné et obstiné.

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    — Et beh, c’est du propre ! fulmine vivement Isis en pénétrant à l’intérieur pour constater un roi d’Octavia affalé sur son canapé comme une misérable loque.

     — La porte... marmonne celui-ci, les yeux à demi-ouverts pour mieux se déconnecter de la réalité, — ferme la porte !

     Isis obéit rapidement et tourne la clef dans la serrure : ce n’est pas la peine de laisser l’occasion à un autre soldat idiot de venir camper dans le coin.

     


  • 054

    — Tu m’expliques ? reprend-elle ensuite en venant se placer derrière le canapé où est avachi son frère jumeau — pourquoi est-ce que tu fais ta loque aujourd’hui ?

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     — Bah je sombre, se contente de lui répondre Keichi dans un soupir, — c’est pas ce que vous voulez tous ? Que je sombre... Alors je me rends et je sombre. De toutes y’a plus que ça que je puisse faire maintenant, non ?... Et puis y’a que ça que je mérite en plus alors...

     Isis a bien cru percevoir un sanglot dans la voix du jeune roi, mais elle ne le lui fera pas remarquer pour ne pas heurter sa grande fierté.

     — Kei, tu es le roi d’Octavia et tu as des obligations, décide-t-elle de lui rappeler en restant le plus calme possible — tu as fait des choix et tu dois maintenant les assumer... Fièrement ! Comme toujours...

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     — À ton avis, quel sera le prochain à me quitter ? Lui demander-il en haussant les épaules, comme si plus rien n’avait d’importance.

     — J’en sais rien, lui soupire Isis — mais en tout cas, cela ne sera certainement pas moi.

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     — Bah pourquoi... ? Commence a sangloter le jeune roi abattu par une situation qu’il ne peut plus gérer, moralement parlant, — je n’ai plus été là pour toi depuis très longtemps et je n'ai même pas pu te sauver de ses griffes quand...

     Il n’arrive pas à terminer sa phrase à cause d’une vague de larmes qui décide brusquement de se déverser le long de ses joues.

     En silence, Isis s’avance pour se planter devant la chaine hi-fi. 

      D’un geste vif, elle attrape la télécommande de l’objet, en restant dos a son frère, qui est toujours en larmes sur son canapé.

     — Ecoutes ça Kei... C’est Jun qui me l’a fait découvrir.

     — Je m’en fous de Jun !! explose Keichi en se frottant les yeux pour essuyer ces larmes qui veulent lui faire honte devant sa sœur !

     — Et maintenant, c’est moi qui te la fais découvrir...

     

    Crash and burn - Savage garden ♪

     

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    *

     

     

     

    Après un long moment ensemble, où les jumeaux Dakémo n’ont pas vu le temps passer, Keichi a finalement décidé, après beaucoup de larmes versées, de tenir bon, de s'accrocher à sa soeur quand sent le sol se dérober sous ses pieds. D'être fort. 

    Puis Isis réalise brusquement qu’elle a laissé son fils sans surveillance bien trop longtemps : elle laisse donc son frère pour se presser vers sa chambre, pour se rassurer en allant constater qu’il n’est rien arrivé entre temps à son rejeton.

     Mais une surprise de taille va brusquement la dévisager avec de grands yeux bleus, dès qu’elle va pousser la porte de la pièce.

     

     

    Une surprise vêtue du pyjama que portait son frère a l’époque.

    Une surprise qui fait la taille d’un enfant d’une dizaine d’années.

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    Une surprise qui tente d’esquisser un sourire timide, tout en se triturant les doigts. 

     Une surprise qui lui se décide a lui chuchoter, en se grattant la tête,

    — Pardon... pardon.. Je voulais pas grandir. Pardon... 

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     — Daï... ? Réussis à peine à souffler Isis en écarquillant les yeux pour s’assurer qu’elle n’est pas en train de dormir debout.

    — Pardon.. Pardon... continue de supplier le petit — tu es fâchée ? Je... Je.. Je voulais pas... maintenant... maintenant vous m’aimez pu, c’est ça ? Hein ? 

    — Daï... sourit affectueusement la jeune mère en se rapprochant de ce qui semble être... son enfant — je... Je... Waouh ! Dis donc, tu sais t’habiller tout seul ! Je suis... Je suis très fière de toi !

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    — Je... Je.. J’ai trouvé ça dans le coffre là... derrière... pardon... Tu... Tu es pas fâchée dis...? Tu.. Tu penses pas que je suis un monstre ? Un démon ? Un méchant...?

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    — Daï !! le fait brusquement sursauter Isis en tendant les bras pour l’enlacer, — pourquoi est-ce que je serai fâchée ?? Alors que tu es devenu un très beau petit garçon et que tu sais EN PLUS t’habiller tout seul ??

     — M.. Mais.. Mais je suis un...

     — Un petit amour !! l’interrompt sa mère en le serrant fort contre elle, — et on ne te considère pas comme un monstre... Loin de là mon bébé...

     

     Rassuré, mais encore en larmes, Daï se blottit fort contre celle qui lui a donné la vie en s’agrippant fermement à son cou comme si sa vie en dépendait.

     Dans un tel moment, les mots n’ont plus leur place, puisque les gestes savent très bien, à eux seuls, exprimer tout l’amour que ces deux êtres se portent.

     Pourtant, Isis a terriblement peur.

     Peur de ce que pourrait devenir cet enfant si adorable.

     Peur de constater qu’il a réussi à poursuivre sa croissance exceptionnelle, sans être en présence de la déesse mère.

     Peur de réaliser qu’elle et Jun n’ont peut-être pas les moyens de sauver un enfant innocent et, pour l’instant, si pur... 


  • 055

    *

     

     

    Quelques heures plus tard, Jun est de retour au château pour découvrir son « nouveau » fils.

     La surprise est de taille mais elle ne semble pas perturber le jeune éternien.

     À croire qu’il s’y attendait...

     Soit, après une courte accolade et quelques discussions accompagnées de nombreux rires, Jun et Isis apprennent à découvrir leur petit garçon par le biais de jeux divers.

     Le poirier, la roulade, les chatouilles, le célèbre cache-cache, tout est bon à prendre pour s’amuser et passer du bon temps ensemble.

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     Une famille heureuse ?

    C’est bien ainsi qu’on pourrait la qualifier la réunion de ces trois êtres, en ce moment précis.

     Mais jusqu’à quand ?

     Jusqu’à quand pourra-t-on apercevoir des sourires de quinze kilomètres sur ces visages épanouis par un surplus de bonheur ?

     Jusqu’à quand Jun et Isis pourront-ils s’émerveiller devant le minois taquin et angélique de leur enfant ?

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     Jusqu’à quand pourront-ils s’embrasser à pleine bouche pendant que leur petit diable éclate de rire derrière eux parce que « les grands, c’est trop dégoûtant !! » ?

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     Ils n’ont aucune idée.

     Non. Vraiment aucune...

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     Alors ils vont décider de profiter de chaque instant.

     De chaque minute, de chaque seconde de bonheur intense.

     Jusqu’à ce qu’un drame se produise.

     Ou pas...

     Parce que l’espoir persiste.

     

    — Daï... murmure tout bas Jun à destination de son garçon qui pouffe dans son dos.

    — Tu veux pas aller voir tonton Kei ? Enchaine Isis sur le même ton amusé et affectueux — c’est la deuxième porte à gauche en sortant de la chambre !

     Le désir des deux amants grimpe en flèche et la présence de leur petit monstre commence à les stresser terriblement...

     Et puis désormais, Isis a confiance en son frère : il n’emmènera pas le petit au sous-sol. Il le lui a promis et ses yeux encore embués de larmes trahissaient sa franchise.

     C’est alors que Daï sautille joyeusement hors de la chambre de ses parents, pour rejoindre celle de son oncle. 





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