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    C'est vers le milieu de la matinée que Jeffrey émerge lentement -et avec difficulté- dans une chambre d'hôpital, après avoir été inconscient pendant de longues heures... qui ont été un supplice pour son entourage qui lui, a passé toute la nuit à attendre désespérément son réveil devant sa porte, avant de pouvoir, enfin, se rendre à son chevet dès le dur labeur des médecins et infirmières achevé...

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    — Tu nous as fait un arrêt cardiaque !!! Abruti !!! commençait déjà à brailler Eva en trépignant sur les genoux de son amant et demi-frère,

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    ... se jetant ensuite maladroitement sur son jumeau pour l'agripper par le cou de toutes ses forces, tremblant nerveusement et pleurant de nouveau à chaudes larmes,

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    — Tu veux déjà te flinguer ton nouveau coeur ou quoi?!? qu'elle poursuivait, ironique, entre deux sanglots, tandis qu'Ana commençait à l'imiter en silence à quelques mètres.

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    — Tu étais inconscient!! C'était grave!! ajoutait encore et encore Eva dans un douloureux monologue, — ils ont passé la nuit à te réanimer!!! Ils ont dû t'intuber!! Le tube planté dans la poitrine, làà!!!! L'horreur!!! Et t'avais un masque à oxygène sur la gueule pendant tout ce temps!! Tu te rends compte de la peur que tu nous as faite?? Est-ce que tu t'en rends compte de ce que ça nous a fait de te voir comme ça?! De la nuit qu'on a passé, tous, à prier pour toi???

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    — J..Je.. tentait de répondre Jeffrey à sa soeur dans un douloureux gémissement, — J..Je..

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    — Ils nous ont prévenu qu'il aurait du mal à communiquer dès son réveil, venait timidement rappeler Ana à sa comparse, — alors, ne le force pas à parler, Eva...il, il.. il doit souffrir...

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    — Espèce de crétin!! Espèce de crétin!! se contentait de continuer Eva encore et encore en serrant son frère de toutes ses forces dans ses bras, — comment as-tu pu penser ces conneries?!? comment as-tu pu penser que moi, je te rejetais.. Comment?!? …. Maiiiis Pfff!!! qu'elle abdiquait, penaude, désespérée, honteuse, perdue,— Maiiiiiis RAAAHHHHH!!! Je te demandeeeeeeeeeee pardonnn!!! qu'elle craquait ensuite et subitement, cognant doucement la poitrine de son frère de ses petits poings, — pardonnnnnn!! pardonnnn!! Je t'aimeee!! Je t'aimeeee! Et tu le sais, en plus crétin, crétin, crééétinnnn!!! Alors pourquoi tu me fais peur comme ça!! T'as pas le droit!! T'as plus le droit de faire ça!! Tu sais bien que je crève moi, si je crois te perdre.... Espèce de gros nul, va... T'es nul, nul, nuuuul !!!!

    — Sa..le..té!!!

    — Toiiiii même!! Vieillie moisissure putride, va!!!!!!

     

     

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    Au même moment, et pendant que Jeffrey et Eva s'excusent mutuellement d'être aussi aveugles l'un envers l'autre, dans la chambre d'hôpital du jeune homme, Vanessa prend un expresso sur un petit café-terrasse de la capitale, avec une très vieille comparse...Pas vraiment une amie. Plutôt une connaissance.

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    Une connaissance devenue assez proche avec le temps.. Enfin, cela dépendait. Les deux jeunes femmes avaient tout de même fréquenté le même homme à l'époque... Un lien qui les unissait souvent, ou carrément les éloignait en les faisant se détester. Un soupçon de jalousie saupoudré d'aigreur assaisonnait toujours leurs relations, en effet...

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    — Merci d'avoir accepté de venir, Nicky, sourit poliment Vanessa en remuant son expresso d'une main nerveuse.

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    — Il n'y a pas de quoi, Vanessa. Et puis je n'avais rien de particulier à faire aujourd'hui, alors tant qu'à faire! Ça va toi sinon en ce moment? Tu tiens le coup? J'ai des échos sur pas mal de choses par Romuald et je me disais que la vie n'avait pas été rose avec toi ces derniers temps... Si tu as besoin d'en parler, tu sais que tu pourras toujours venir me voir.

    — Je te remercie, mais ça va, oui.

    — Alors dans ce cas que tenais-tu à me demander de si important?

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    — Eh bien... vu que je suppose que tu as entendu parler du fameux Raphaël..

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    — Oui, évidemment.. Qui n'en a pas entendu parler, hein! Courage, ma belle...C'était Kylian, ça, hein... Arg! Non. Je ne veux pas ternir sa mémoire, parce que c'était Kyle, quoi... Mais bref! Enfin... On se souvient toutes de comment il était...Hein...

    Un léger sourire mi-amusé, mi-ému se dessine doucement sur les lèvres de la femme d'âge mûr.

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    — Bauer, Nicky.. Son nom de famille c'est Bauer, comme tu as dû l'entendre, non? Alors, je me demandais si cela te disait quelque chose, reprend sans attendre Vanessa, l'air sceptique et intrigué, — parce que moi ça ne me dit rien, et... Et je pensais connaître toutes les femmes qui étaient sorties avec lui, elle aussi, à l'époque.

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    — Bauer..? Tu as entendu ça où, que le nom de ce gosse est « Bauer » ? il me semblait avoir épluché tous les articles sur le sujet et je n'ai jamais vu la mention de ce nom nulle part, moi.

    — Ma fille est très liée à lui depuis longtemps, j'ai donc souvent entendu parler de ce gosse, même avant de savoir de qui il était le bâtard. Je suis donc certaine de me souvenir de son nom de famille. C'est Bauer.

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    — Alors dans ce cas, si tu es sûre de toi.. Je dois t'avouer que ce nom me dit quelque chose, en effet...et je tombe des nues... tout en n’étant pas surprise! Jeyne...


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    Cet après-midi, l'ambiance est plus qu'orageuse dans la luxueuse salle de répétition des « Unknown Soldier ». Et pour cause... les plus vieux du groupe ont bien envie d'éventrer sur place le plus jeune.

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    — Écoute-moi bien, Raph'.. Commence Yann avec un calme bien mensonger -oui parce qu'en vérité l'homme à nattes bouillonne de rage-, les bras croisés et les sourcils qui se froncent de plus en plus, — tu...

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    — Je vous quitte, balance d'une traite Raphaël sans prendre de gants, reprenant ensuite et très vite, avant même que ses interlocuteurs n'aient eu le temps de réagir à sa première annonce, — je vous remercie pour tout. Au revoir.

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    — Ah ah ah ! Se fend la poire Yann en premier, mimant un vieux fou rire pathétique, — tu, tu, tu quoi?!?

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    — Au revoir, se contente de faire à nouveau Raphaël dans un haussement d'épauleset  en se dirigeant d'un pas tranquille -mais cependant pressé-, vers la sortie, sifflotant presque. Il n'a plus de raisons d'être là. Ni de raisons, ni d'envie.

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    — Ce n'est pas en nous quittant que tu pourras continuer tes petites folies, petit, intervient avec sagesse Romuald, l'air dépité. Que pourrait-il ajouter d'autre? Lui et ses compagnons n'ont aucun moyen de pression pour retenir l'adolescent impétueux, alors...

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    — Cela ne serait pas puni par la loi, l'inceste, il me semble ? Lance soudain Zell Bayart avec indifférence afin de rappeler au jeune homme qui les quitte aujourd'hui qu'il devrait avoir terriblement honte de lui, aujourd'hui. Oui, totalement, qu'il devrait avoir honte.. Une honte infinie, même! Qui devrait le pousser -pour son bien-, à très vite cesser ses petits enfantillages avec sa demi-soeur....

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    — Au revoir, Raphaël, soupire Erwan dans son coin, pas vraiment désireux de faire partie du camp qui tente de mettre plus bas que terre l'homme que sa belle-fille aime tant.

    Le pianiste a le cul entre deux chaises, en effet. Et c'est peu de le dire... Mais il le vit bien. En ignorant tout simplement tout ce qui est rumeurs et cancan depuis quelque temps.

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    — Tu soutiens ce sale gosse, Erwan? lui grommelle nerveusement Yann dans sa destination une fois que leur jeune chanteur s'est carapaté comme un pet sur la toile cirée, — c'est moi, ou tu sembles soutenir Raphaël?

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    — Ce n'est pas à moi de juger les actes de ces enfants, Yann. Et je me mets à leur place.. Ils se connaissaient bien avant de savoir les conneries de Kyle.

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    — Vous savez que l'inceste est passible d'emprisonnement ? Sept ans, il me semble... Reviens à la charge Zell avec ses souvenirs fatigants de cours juridiques...

     

     

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    Pendant ce temps, et en chemin vers un certain petit local, Raphaël sourit en parlant à un vieil ami dans le combiné de son téléphone portable,

    — Hey, Tob', tu crois que les TM auraient encore une place vacante de chanteur guitariste ?!

     

     

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    Malgré le fait qu'Eva ait aujourd'hui complètement arrêté ses rendez-vous avec sa psychiatre ; surtout à cause du malheureux petit accident qui est arrivé à son frère jumeau ; elle se souvient tout de même de ce qui lui avait été conseillé par sa psychiatre pour qu'elle puisse enfin, trouver sa rédemption... : qu'elle sâche se retrouver face à ses actes pour les reconnaître pleinement afin de pouvoir enfin... les accepter.

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    Alors aujourd'hui, c'est bouquet de fleurs en main que la jeune femme se rend sur cette pierre tombale pour l'orner du mieux qu'elle peut.

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    — Bonjour Angelika... qu'elle marmonne timidement avec une gêne palpable, la gorge terriblement nouée,

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    — Je.. Je.. Oui, je sais, qu'elle continue ensuite à grommeller, honteuse, reconnaissant dans un long soupir, - je suis bien la dernière personne que tu t'attendais à voir débarquer ici, n'est-ce pas...

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    Quelques minutes s'écoulent lentement... Lap de temps pendant lequel la brunette observe les alentours, l'air perdu, honteux, gêné.

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    "La culpabiltié et le pêché ne sont que les peurs du passé" [Charles.P Curtis]

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    "Si tes remords sont vrais, ton coeur n'est plus coupable" [Voltaire]

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    — Je n'aurais pas dû... Mais qui touche à mon frère, en subit les conséquences. 

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    —  Je ne veux plus culpabiliser pour toi, Angelika. Non, tu ne me feras plus jamais culpabiliser. Je ne veux plus jamais me blâmer de protéger ma raison de vivre... Si tout cela était à refaire, sois bien certaine que je le referais, à l'identique ! Je ne suis pas une tueuse, mais toi, tu étais une crapule.

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    "A force d'être justes, on est souvent coupable" [Voltaire]

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    — Adieu Angelika. Repose en paix. Moi je m'en vais reprendre ma vie là où je l'ai laissé, le jour sombre de ton départ. Je suis désolée pour tout, dans une autre vie, nous aurions peut-être pu être amies.

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    « Nul n'est blanc, nul n'est noir... Nous sommes tous gris. »


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    — Qu'est-ce que...?! se fige ce soir Jeyne Bauer en ouvrant la porte de chez elle, plus surprise que jamais : ça alors, elle, ELLE! Jamais elle n'aurait imaginé la voir ici, devant sa propre maison, à ELLE!

    — Qu'est-ce que vous faites là ?! Qu'elle cingle alors sans attendre, fusillant du regard cette interlocutrice vraiment méprisée. Et pour cause.. Voir cette sale blonde ici, sur Klaus', n'est pas bon signe...

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    — Bonsoir, Jeyne! Dit donc, tu n'es pas très polie, pour quelqu'un qui a partagé le même mec que moi! Se contente de faire Vanessa avec amusement et en pénétrant dans la demeure de la rouquine.

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    — Je ne vois absolument pas de quoi de tu veux parler, se braque aussitôt Jeyne.

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    — Allez, arrête! Je sais que c'est toi qui a mis au monde ce bâtard de..

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    Une furieuse gifle interrompt la chanteuse qui revient ensuite sourire, hagarde,

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    — Jolie réaction. Je n’en attendais pas moins d'une trainée !

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    — Dégage immédiatement de chez moi, Vanessa, reprend Jeyne avec dépit, indifférence, et sur un ton glacial, — maintenant ! Retourne vite dans ton petit monde de paillettes et fous nous la paix, à moi et mon fils ! Nous n'avons jamais eu aucun lien avec ton Kylian et nous n'en voudrons jamais, alors OUBLIE-NOUS!

    — Tu rigoles que ton sale bâtard ne veut pas de lien avec Kyle?! Il doit bien jubiler d'être un résidu de ses couilles aujourd'hui, avec tout le bruit qu'il a fait autour de ça, ce déchet !!!!

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    — Mon déchet est quelqu'un d'honorable, au moins. Un enfant sain à l'éducation parfaite qui a été élevé dans une famille saine et épanouie, au moins, ironise Jeyne en restant de marbre face aux agressions de son interlocutrice.

    — Laisse-moi rire! Ton bâtard n'est qu'une merde desséchée à côté de mes jumeaux et le pire, c'est qu'il ose s'accrocher désespérément à ma fille! Tu parles d'une éducation... Et le plus pathétique c'est que naïve et niaise comme tu es, tu ne réagis même pas à tout ce bruit médiatique que ton fils a déclenché! Alors que ton devoir est de l'arrêter dans ses folies! C'est ton rôle de mère! Si tu as déjà su, une fois au moins, tenir ce rôle dans ta vie.. Dur, pour une alcoolo, n'est-ce pas..!

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    — Je peux te renvoyer la pareille, tu ne fais rien non plus contre « le buzz médiatique ». Oh, mais suis-je bête.. C’est vrai que toi, tu n'as plus aucun contact avec ta fille! Que c'est triste. Tu dois en effet furieusement jalouser l'osmose qui règne entre moi et mon fils...

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    — Tu rêves! Je ne jalouserai jamais une pauvre fille esseulée qui a été mise en cloque par erreur par un chanteur célèbre!

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    — Dégage maintenant Vanessa, ou j'appelle les flics pour harcèlement. Tu es venue chez moi pour quoi, en fait? Me cracher ta haine parce que ta vie est désormais si pathétique que tu n'as plus rien d'autre à faire que regretter tes erreurs et celles de Kyle? Tu perds ton temps, je te préviens.

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    — J'en ai rien à foutre de perdre mon temps! S'emporte avec virulence Vanessa, excédée, — je veux que le petit jeu de nos mômes cesse, connasse! C'est si difficile à comprendre?! Je veux que son sale bâtard de merde lâche la grappe de ma fille! Je veux qu'il sorte de sa vie! Par n'importe quel moyen! Alors, démerde-toi, mais kicke-le! Ou c'est moi qui m'en chargerai! Ramène ton gosse dans ton port de merde et fais-en un pêcheur! Ou noie-le, j'en ai rien à cirer! Mais fais le dégager de nos vies, putain! MA FILLE EST SA DEMIE-SOEUR ! N'y a-t-il que moi pour le réaliser ?! Qu'elle termine, haineuse, disparaissant des lieux en claquant la porte avec violence.





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