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    — Qu'est-ce qu'il y a maman ? N'est pas dupe Raphaël, même pas cinq minutes après que lui et sa mère se soient éclipsés de la fête,  pour que tu m'emmènes dehors, par ce temps, loin des autres, c'est que...

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    — Eh bien quoi, poussin ? Une maman n'aurait alors plus le droit de vouloir se choper une bonne pneumonie aux côtés de l'amour de sa vie ?! S'amuse Jeyne avec ironie.

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    — Mais encore ? Lui refait Raphaël sur le même ton amusé.

    — Est-ce que tu sais ce que tu fais, mon ange ? En vient alors au sujet sérieux la mère de famille.

    — Comment ça?

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    — Tu sais très bien de quoi je veux parler mon chéri... avec elle, Eva. Oh pas que je ne l'aime pas, bien au contraire! Elle est très gentille...Toute mignonne et attachante, c'est sûr, mais tu sais ce qu'elle est, Raph'.... Et même si je m'efforce, pour toi, de tenter de l'oublier pour te soutenir, je.. Enfin, mon ange, tu n'es pas idiot et tu sais qu'il y a des choses que l'on ne peut pas effacer... nier éternellement. Balance Jeyne dans une seule traite plutôt rapide, comme si elle était terrifiée à l'idée de se faire interrompre au cours de son monologue.

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    — Je l'aime vraiment, maman, en hausse simplement les épaules Raphaël, — je te l'ai déjà dit, et à mes yeux elle n'est pas ce que tu dis, et elle ne le sera jamais. Alors même si l'on en surprend plus d'un, bah...

    — Mais mon bébé, je ne dis pas qu'elle n'est pas extra, mais tu aimeras à nouveau. Regarde Jane, elle était déjà la femme de ta vie...

    — Du tout.

    — Oh arrête chéri, je sais très bien à quel point tu l'aimais, Jane ! Elle était tout pour toi !

    — Mais dès qu'Eva est entrée dans ma vie, de « tout », elle est passée à « rien ».

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    — Raph'...je ne sais pas quoi te dire, car j'ai l'impression que tu ne te rends pas compte de ce que tu fais... Et pour être honnête, je commence à être véritablement perdue, car je veux te soutenir envers et contre tout, peu importe tes choix, mais plus le temps passe et plus je..

    — Plus tu as « honte » ?

    — Non ! Jamais de la vie ! Disons plutôt que plus j'ai.. peur ! Oui, peur ! J'ai peur pour toi, Raph' ! Car je sais bien, et toi aussi au fond tu le sais bien, j'en suis certaine, que vous ne.. Enfin, que vous ne pourrez jamais... être ensemble, quoi ! Tu le sais bien, les moeurs et tout, tu le sais, ce qu'il se dit de vous... et je ne veux pas que tu vives tout ça éternellement. Tu en souffriras Raph' ! Et elle aussi, elle en souffrira. Car pour l'instant vous êtes jeunes et insouciants, alors rien ne vous fait peur, mais à la longue... Bref, tu sais très bien que vous ne tiendrez pas le coup et tu finiras par souffrir terriblement. Tôt ou tard...

    — Je ne peux pas vivre sans elle, maman, interrompt nerveusement Raphaël, — alors même si au final on finit par souffrir de « tout ça », comme tu le dis... Je préfère encore cela à une séparation. Mais j'ai besoin de ton soutien au moins maman... pourquoi me tiens-tu désormais un tel discours alors que tu étais la seule à...

    — Pour te protéger mon ange ! Et mon soutien, tu l'as et tu l'auras toujours ! Mais avant tout, je tiens à te protéger ! C'est mon rôle de mère que de penser à ton bien avant tout. Et quoi que tu en dises, moi je pense que nul n'est irremplaçable, Et...

    — On a déjà été séparés pendant une période maman, souviens-toi... Je sais donc ce qui m'attend si je tente de vivre sans elle.

    — C'est sûr que se séparer de quelqu'un en vivant dans la même ville, la voyant régulièrement, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux. Sachant en plus son évolution à elle, dans le monde de la musique.. Il est certain que tous les deux sur Berlin, ce n'est pas la meilleure solution pour prendre de la distance.

    — Je ne vois pas ce que « Berlin » vient faire dans le fait que je ne puisse pas vivre sans Eva, maman !

    — Mais si. Réfléchis un peu, mon chéri ! Parce que si tu étais contraint de devoir évoluer dans une autre ville qu'elle, cet éloignement forcé t'aiderait à...

    — Non ! Arrête ça tout de suite, maman ! Commence à se braquer Raphaël avec une pointe d'agacement dans la voix, — je t'ai dit que je ne pouvais vivre sans elle ! Cela inclut donc l'éloignement ! Berlin et elle sont ma vie aujourd'hui ! Aujourd'hui, comme demain, comme après-demain ! Et après-après demain ! Écétéra, etcétéra!

    — Ton avenir est la musique, reste très calme Jeyne dans un soupir cependant, — la musique et ton petit groupe, les Troublemaker, et ça, je l'ai compris il y a peu, et je suis très fière de ça aujourd'hui, mais une chose est certaine mon ange, ton avenir n'est pas une femme où une ville.

    — Tu me ferais presque rire ! Tu me conseillerais quoi alors du haut de tes bons sermons ? De revenir percer dans la musique à partir de Klausdorf ? Ça serait bien folichon dis donc !

    — Ai-je une fois mentionné le nom de notre village ? Est toujours aussi paisible la rouquine, — j'ai tout simplement dit que Berlin n'était rien dans ton avenir. Il y a tellement de grandes villes, capitales, continents ? Avez-vous, toi et tes amis, déjà pensés à une tournée loin des terres allemandes ?

    — J'ai froid, on rentre ? En a désormais plus qu'assez Raphaël en se relevant d'un bond de sa chaise, — je te remercie pour ce charmant discours maman, c'est un bien beau cadeau de Noël que tu me fais que de me rappeler que je devrais me casser très loin de la fille que j'aime plus que tout au monde !

    — Raph'... comprend que je m'inquiète énormément pour toi. Et applaudit mes efforts, je te signale que je tolère désormais la musique dans ta vie alors que ma plus grande crainte était que tu suives les traces de ton père, Et..

    — Mon père n'était pas ce type. Mon père s'appelait Jakob, et tu le sais.

    — Oui, mais bon...  Bref, je ne fais que tenter de te protéger mon ange, je ne veux pas que ton histoire avec Eva traine ton nom dans la boue, je ne veux pas que tu en souffres, je ne veux pas qu'un jour tu reviennes à la maison complètement effondré parce que..

    — ça n'arrivera jamais, ne t'inquiète pas pour ça. On rentre à l'intérieur maintenant ? Ça fait un moment qu'on les a laissés seuls et ils ont dû nous voir de la fenêtre, en plus ! Ça le fait bien pour notre soi-disante balade.

    — On rentre, d'accord, mais promet moi de réfléchir à tout ce que je t'ai dit... à ce possible éloignement.. Promets-le-moi, Raph', stp.

    — Je te le promets. Go ? On rentre.

    — D'accord, sourit alors Jeyne pour conclure en prenant tendrement la main de son fils pour revenir vers leur maison.

    Elle garde bon espoir... : L'amour de sa vie étant tout sauf un naïf et idiot de première catégorie, un jour, il réalisera par lui-même qu'il doit s'éloigner à tout prix de sa demi-soeur de sang. Un jour, oui, un jour, il le réalisera! Il est tout sauf idiot, qu'elle songe encore. Il est son fils, tout de même.. Et sous ses airs parfois plus naïfs que courageux, avec ses insipides discours sur l'amour inébranlable, elle sait bien que se cache aussi un être très sage qui déteste prendre de mauvaises décisions qui ne feraient que courir à sa perte...

     

     

     

    *

     

     

     

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    Pendant l'absence de Raphaël et de sa mère, à l'intérieur et avant de filer chez lui pour retourner à son diner de famille, Tobias en profite pour appeler sa tante préférée à l'aide de son super cellulaire qu'il s'est procuré il y a peu, à cause d'une amie à lui prénommée Christina qui se pavanait avec le sien sous ses yeux depuis des lustres ! Agacé, le jeune homme avait fini par céder en se prenant lui aussi cette célèbre saloperie appelée « Blackberry ».

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    — Allo Lauren? Joyeuuuuuuuux Noël !! qu'il s'exclame joyeusement dans le combiné de son téléphone dès que la concernée à décroché.

    — Heeey, mon poussin ! Ça va ? Joyeux Noel à toi aussi !

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    Lauren Johnson* est le soeur ainée de la mère du jeune batteur -Norah Agermann-.

    *Lauren de NSN!

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    Cette mère de famille réside depuis toujours sur Wilgmington, aux états-Unis, mais très souvent, au cours de ces dernières années, elle s'est rendue ici, dans ce petit port allemand, Klausdorf, pour passer quelque temps avec sa benjamine -Norah- qu'elle aime tant ; jeune fille qui à l'époque, avait succombé aux charmes d'un bel allemand lors de vacances linguistiques en Allemagne, avec sa classe. Un an plus tard, la jeune Norah emménageait avec sa relation longue distance sur Berlin et cinq mois plus tard encore, les deux filaient ensemble sur Klausdorf, ville natale de l'homme.

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    Ainsi donc, et au fil des années, une grande complicité s'est établie entre le jeune musicien et sa tante américaine. Elle venait visiter sa benjamine dès qu'elle avait un congé et passait du coup presque tout son temps avec son neveu préféré qui déjà à l'époque, ne jouait en majorité que sur sa petite batterie Playskool ! Son avenir était tout déjà tracé... Mais à ce moment-là, son talent était encore douteux et Lauren doit bien vous avouer qu'elle y a laissé très souvent ses deux tympans.

    — Alors, qu'est-ce que tu racontes de beau?! Vous êtes encore à table là, je parie !! taquine sans attendre Tobias avec un sourire de quinze kilomètres, trop heureux d'entendre de nouveau la voix de sa tante.

    — Eh non, mauvaise langue ! On est sortis de table il y a une demi-heure à peu près ! Comme quoi ! riposte aussitôt Lauren en riant, reprenant ensuite très vite avec amusement, — et toi je te parie que tu es sur ta batterie ! Avec tous tes amis autour de toi ! Tu as pensé à dire joyeux Noël à ta mère au moins ?! Petit saligaud ! Y à pas que la musique dans la vie, y a la famille, aussi !

    — Hann trop pas, Lau' ! J'étais avec maman justement, tout à l'heure ! Et là, et bah... Ouais en effet, je suis chez un ami, Raphaël, j'avoue !

    — Ahhhh le petit Raphaël, c'est vrai! Passe-lui le bonjour pour moi !

    — Eh eh, c'est noté, j'y manquerais pas !

    — Hmmm, arg! Je dois te laisser mon chou, il faut que j'aille retrouver les autres, j'ai l'impression qu'il y en a qui ont abusé du champagne ! ça m'a vraiment fait plaisir de t'avoir au téléphone, ça faisait longtemps !

    Et pour cause... L'époux de la mère de famille américaine n'avait jamais pu supporter la jeune soeur de celle-ci, -Norah-. Tous les deux avaient commencé à se vouer une haine viscérale peu après leur première rencontre. Les insultes fusaient et parfois, ils en venaient aux mains. Un jour, Norah avait même tenté de l'assommer avec une poêle à frite. Le pauvre s'en était tiré avec des points de suture et une rage décuplée. Il ne la tolérait plus, cette petite chienne! Et dès que son épouse avait ne serait-ce que le malheur de lui annoncer qu'elle partait quelque temps sur Klausdorf voir sa jeune soeur, alors là... C'était presque la fin du monde. L'apocalypse! Alors... Pour le bien de son couple, la pauvre Lauren avait dû se résigner à mettre un peu de distance avec cette famille allemande qu'elle aimait pourtant énormément.

    Et aujourd'hui, cela fait déjà plus de dix ans que cet éloignement volontaire perdure... Les deux soeurs n'ont désormais presque plus le moindre contact, elles se perdent peu à peu de vue ; mais le jeune Tobias, lui, entretient encore ses liens avec sa tante, de temps en temps. Enfin.. Allez, soyons honnêtes, comme tout bon adolescent qui se respecte, le batteur passe un coup de téléphone à sa tante adorée tout les trente-six du mois : en traduction, lors des fêtes de fin d'années, uniquement...

     

     

    *

     

     

     

    Dès le retour de Jeyne et de son fils dans la maison, c'est l'heure de la distribution des cadeaux! Tobias n'est déjà plus sur place et Jeyne s'émoustille désormais devant cette encyclopédie rarissime dont elle rêvait et qu'elle n'avait pu trouver nulle part sur Klausdorf!

    « — Mais sur Berlin l'on trouve de tout! » lui fait aussitôt et avec amour son fi-fils adoré avec un affectueux sourire, tout en l'observant dépouiller son papier-cadeau coloré.

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    Eva aussi de son côté est toute chose, mais surtout rouge comme une pivoine..

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    Et pour cause ;

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    ...À ses oreilles sont accrochées désormais de jolies boucles d'oreilles en argent gravé d'une jolie inscription « Eva & Raph' ». La jeune fille en saute amoureusement au cou de son amant qui lui a offert un aussi magnifique cadeau pour lui déposer de façon très chaste un tendre Et amoureux baiser sur le bout des lèvres, avant de lui offrir à son tour le cadeau qu'elle lui a réservé... : deux petites plaques en argent qui forment ensemble un collier et sur lesquelles sont gravées aussi, « Eva  & Raphaël, for ever » .

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    Collier que le jeune homme a désormais l'obligation de porter tout les jours que Dieu fera à partir d'aujourd'hui!

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    Emu, Raphaël accepte sans hésiter le « Deal » de sa petite amie dans un sourire amusé à cause de l'étrange similitude des cadeaux respectifs que les deux viennent de s'échanger.

     

     

     

    *

     

     

     

    Pendant ce temps, sur Berlin, ce n'est pas autour d'un arbre de Noël qu'Ana et Jeffrey célèbrent la nuit du réveillon, mais plutôt dans la salle d'accouchement de l'hôpital le plus proche de chez eux...

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    En effet, ce soir, un beau bébé vient de naître.

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    Noah Beckers vient d'être mis dans les bras tremblants de son père qui baragouine nerveusement et à qui veut l'entendre,

    — Ahhhhh, mais il est trop petiiiiiiiiiiit!!! Docteur, docteur, reprenez-le, s.v.p.!! J'vais le casser, moi, j'ai pas l'habitude!! J'vous jure!! J'dis ça pour son bien!! Reprenez-leeee!!

    ...

    ...

    ...

    ...

    ...

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    - Dites, vous êtes bien sûrs que c'est normal qu'il soit aussi minuscule?! Il aurait pas un problème de croissance, par hasard?!...

    ...

    ...

    ...

    ...

    Puis, et environ un quart d'heure plus tard, le jeune père commence lentement à s'habituer à cette petite chose frêle qui gigote et frétille dans ses bras... ; cette si minuscule petite chose, qu'il a conçue, lui, avec sa fiancée!! Ses yeux s'en humidifient d'émotion, son coeur en bat la chamade et c'est un sourire niais qui se dessine discrètement sur son regard ému de nouveau papa. 

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    — C'est quand même un putain de beau bébé... On a bien bossé!!! Hein Ana?!?

     

     

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    À quelques kilomètres de là, Vick passe Noël avec son frère Stefan, revenu sur Berlin depuis peu.

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    Les deux jeunes hommes sont aux anges de se retrouver pour passer enfin un peu de temps ensemble !

    Vick en supplie son aîné du coup ; il veut que celui-ci reste avec lui désormais dans la capitale allemande !! Il ne veut plus le perdre de vue.

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    Stefan accepte alors sans trop d'hésitations la requête de son frangin. De toute manière, après la dissolution des Martyriums, il s'était juré d'en profiter pour quitter ce monde nocif dans lequel il trempait...

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    Mais tout n'est-ce qu'une question de choix? De simple volonté?

    C'est ce que l'homme, ancien membre d'un gang très influent pense aujourd'hui avec certitude, en tout cas... Naïvement, sans aucun doute.

     

     

    *

     

     

     

    Dispersés dans tout Berlin, les ex-Memories, ex-Apologize, passent tous Noël chacun de leurs côtés.

    Yann Leiner avec sa fille, l'amour de sa vie, sa petite Sarah d'amour.

    Romuald Gruber avec lui aussi sa raison de vivre, la femme de sa vie, sa belle et douce Nicky.

    Zell Bayart Et Gérald Braun, ensemble Et entre vieux amis, chez le musicien batteur, entre bûche et packs de bière ; parce que les deux hommes sont aujourd'hui célibataires, Gérald depuis très longtemps -la vie de couple, cela n'a jamais été son truc!- et Zell Bayart depuis quelques mois.. à cause d'une pause avec son épouse ; pause qui s'est finalement transformée en rupture définitive...

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    Enfin, passons à Erwan Muller, qui, et avec sa fiancée enceinte, Laur Dawan, participe ce soir à un gala de charité pour un nouvel orphelinat qui ne devrait plus tarder à ouvrir ses portes.

    Beaucoup de stars allemandes sont présentes ici en cette nuit de Noël et la soirée bat son plein, quand tout à coup, le pianiste chanteur aperçoit au milieu de la foule...

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    ... Une vision crève-coeur.

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    Et sa fiancée l'a remarqué aussi. Nerveusement, la concernée se dépêche alors de lui attraper la main droite pour entrecroiser amoureusement ses doigts entre les siens. Elle marque désespérément son territoire..



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    ...Parce qu'elle l'a bien senti. Parce qu'elle l'a bien ressenti... Que le regard de son amant est en train de s'emplir lentement, au fil des secondes, d'un profond désespoir des plus palpables...

    Et elle ne veut pas le laisser douter. Douter et repenser à elle! Cette immonde trainée qui ne le mérite pas...

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    - Erwan..? Qu'elle questionne alors timidement pour le forcer à ramener son regard dans sa direction, un sourire forcé esquissé sur le visage, - ça va ? qu'elle reprend avec tendresse.

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    - Euh... Oui, oui! Je regardais les décorations de la salle, je trouve qu'elles sont soignées. Pas toi?

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    Et voilà qu'il se met à parler d'un sujet bateau en lui passant un bras autour de la taille.

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    La jeune chirurgienne en pousse un soupir de soulagement, car cela veut dire qu'il vient soudain de redescendre sur terre ; réaliser qu'il est avec elle désormais et que cette femme là-bas devant lui a fait bien trop de mal pour qu'il pose son regard sur elle trop longtemps...

    - En effet, ils ont dû engager un sacré décorateur, sourit alors Laur, désormais apaisée par le fait que son amant l'ait rapprochée tendrement de lui en la tenant toujours affectueusement par la taille.

    La jeune femme est comblée en cet instant précis ; à chaque fois qu'il agit ainsi en la faisant reconnaître aux yeux du monde, elle se sent comme une gamine à qui on aurait offert le cadeau de ses rêves.

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    Mais Vanessa, elle, de son côté, à l'autre bout de la salle et de l'autre côté de la foule, ne partage pas vraiment ce même sentiment de plénitude...

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    En effet, une colère monstre s'empare lentement d'elle et sa gorge s'en noue de frustration : aurait-elle fait tout ça pour rien?

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    En effet, elle n'est pas à ce gala par hasard... Elle savait très bien que son ex-époux s'y rendrait ce soir. Pas folle la guêpe, elle s'était renseignée au préalable!

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    Alors, elle s'était donc faite toute belle et avait soigné sa tenue pour tenter d'être, le temps d'une soirée, celle qui illuminerait le regard du pianiste de son coeur, comme à l'époque..

    Mais ce crétin semble pourtant se ficher de tous ses efforts, et ce malgré ce regard langoureux et cette pose des plus aguichantes qu'elle s'était pressée de prendre dès qu'il s'était tourné dans sa direction. La blondinette chanteuse en est encore verte de rage... Quelle humiliation!

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    Parce que pendant quelques secondes, elle l'a bien reconnu... Ce regard.

    Ce regard d'un bleu profond où elle arrivait si souvent, à l'époque, à sonder avec facilité. Oui, elle savait lire en lui comme dans un livre ouvert...

    Un doux regard empli d'amour qu'elle n'avait plus aperçu depuis très longtemps... Mais ce soir, l'espace d'un court instant, il était re-apparu, avant que cette trainée de chirurgien le fasse de nouveau, et brutalement, disparaître en une fraction de seconde!

    La chanteuse a en effet toutes les raisons du monde d'être folle de rage et de s'en mordre les lèvres d'agacement.

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    Elle fait cependant bonne figure, continuant de sourire hypocritement à la foule, à tous ceux qui la jugent ce soir magnifique... « Oh, Ness? Des ex-Memories? Enchanté! », et nia nia nia, et nia nia nia! Que la blonde est fatiguée de toutes ces simagrées... « Ness des Memories est morte, aujourd'hui, bande de troufions! »

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    Qu'elle leur hurlerait bien, pour reprendre ensuite qu'aujourd'hui elle n'est plus qu'une femme désespérément amoureuse d'un pianiste idiot qui se tape des chirurgiens à peine sortis des bancs de la fac! Aigrie? Oui, en effet, la blondinette semble l'être...

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    Et c'est d'un pas nerveux qu'elle se dirige désormais vers un petit salon pour s'éloigner de la foule. Pour respirer un peu! Loin de toute cette hypocrisie..! Elle a l'intention d'admirer les étoiles par la grande baie vitrée de la pièce pour se changer les idées. Voir autre chose que le regard comblé et épanoui de son ex-amour aux côtés d'une pouffiasse de premier ordre. 

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    Un regard comblé?
    Si seulement...

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    Parce que le pianiste est, en ce moment, tout sauf cela... Comblé. Mais comme son ex-moitié, il préfère démontrer tout le contraire. Pour les apparences tout d'abord, et ensuite pour son actuelle petite amie qui semble beaucoup souffrir depuis qu'ils sont arrivés à ce gala ; et ce même si elle ne le lui dit pas...

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    Oh oui, qu'elle souffre, le pianiste le sait bien : son coeur saigne, mais parce qu'elle est brave et compréhensive, jamais elle ne le lui révèlera. Préférant redouter en silence son départ précipité vers sa chanteuse pathétique. Oui, la chirurgienne n'est pas très combattive en amour... En séduction, oui, mais étrangement plus du tout une fois ses relations passées au cap supérieur...

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    Alors, prétextant un besoin de se « repoudrer le nez », elle préfèrera s'éclipser soudain quelques minutes dans les toilettes féminines des lieux pour se poster quelques instants devant un miroir afin d'admirer dedans le reflet d'une femme désespérée qui laisse rouler une larme le long de sa joue droite...

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    Parce qu'elle sait déjà qu'elle l'a perdu...

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    Elle le ressent. Il se force... Il ne se montre impassible à ses côtés que pour ne pas la blesser, alors que son coeur bat en fait la chamade pour son ex. Elle en est persuadée, elle ne connait tellement, désormais... Il ne sait pas mentir. Et encore moins simuler...

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    Mais que deviendra-t-elle, elle, lorsqu'il assumera enfin son amour toujours présent pour sa chanteuse?

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    L'une de ces pauvres femmes engrossées par erreur qui se retrouvent à devoir élever dans l'ombre l'enfant d'une star que le père a honte de reconnaître ?

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    Quel avenir merveilleux l'attend, décidément! Qu'elle songe avec effroi en portant ses deux mains à son visage pour se l'attraper et y laisser dégringoler de nombreuses larmes de désespoir.

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    Que avenir merveilleux!!!

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    - Laur? Lui fait soudain son amant en pénétrant dans les toilettes, un air inquiet peint sur le visage, reprenant très vite, sceptique,

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    - Quelque chose ne va pas? Qu'est-ce qu'il se passe?

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    - Je, je.. Rien!! Une poussière, uhh, c'est rien qu'une.. Poussière..! ment sans attendre la jeune femme honteuse, en s'essuyant les yeux.

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    - Uuuuuh, arrête ça, Laur, on est pas dans l'un de ces romans à l'eau de rose pathétiques où la femme au coeur brisé s'en va pleurer dans des toilettes parce qu'elle a aperçu l'ex de son petit ami, tout de même !

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    - Je, je... s'en fige de honte et désespoir la jeune chirurgienne, - oh, excuse-moi, je, je.. Je suis pathétique, je le sais, mais..

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    - Ça me fait un choc de la voir là, je te l'avoue, mais tu n'as rien à craindre, Laur... Et ça, je te l'ai déjà répété des tas de fois...

    - Je sais, excuse-moi, Erwan, je, je ne recommencerais plus. Pardon.

    - Y a pas de mal. Allez, retournons à la soirée maintenant, sourit affectueusement le pianiste en s'avançant vers sa moitié pour lui prendre tendrement la main tel un parfait gentleman, le tout dans le but de lui faire esquisser un doux sourire,

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    - Heureusement, que ton mascara est waterproof, dit donc! Qu'il lui fait ensuite, affectueux.

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    - N'est-ce pas, hein, réagit aussitôt à la taquinerie Laur avec un amusement gêné, parce qu'en effet oui, elle est idiote de douter autant de cet homme qui la comble tant... Elle devrait se persuader, après tout, qu'il n'est pas fou au point de revenir avec une femme qui l'a déjà brisé à de nombreuses reprises...

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    Parce que qui le ferait?
    Personne.
    Personne de normalement constitué...
    Personne de censé. 

     





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