*

 

 

 

 Ce soir, comme tous ceux des fins de semaine, Tiphanie est chez Kurt. 

 Dirk est là aussi ; lui et son ami discutent, autour de la table, de ces vacances qui arrivent à grand pas.

Ils vont louer des petits appartements en bord de mer ; pour cela, ils doivent s’organiser, car les prix des loyers sur la côte sont plus qu’exorbitants à cette période de l’année.

 Tiphanie ne les écoute débattre que d’une oreille, préférant rester isolée devant la télévision ; elle trop préoccupée par ce qu’elle a appris aujourd’hui.

Le divorce de ses parents. 

 Comment ont-ils pu en arriver là ?

Voilà la seule question qu’elle se pose...

Pourquoi ? Comment.. ?
Ils s’aiment. Elle le sait.
Alors pourquoi ?
Seigneur..

Que l’amour est compliqué !

Compliqué et trop douloureux. Autant pour les couples que pour leur entourage.
Et que vont-ils devenir, eux ? Les enfants de cette famille brisée ? 

 

 — Alors on note, fait Kurt à son ami, assis à ses côtés, — on est donc cinq ; Anja, Tif et sa couz, toi, et moi !

— C’est bien ça, mais je pensais à inviter quelqu’un d’autre encore moi.. Lui répond timidement Dirk.

 — Méfie-toi de ce que tu vas me dire.. Se met à marmonner tout bas Kurt.

— Écoute, elle va mal en ce moment, j’aurai pensé lui faire ce petit plaisir... Ça va pas te tuer de passer des vacances avec, non ?

— Si.

— Kurt !

— C’est moi, oui.

 — Arrête, c’est tout de même pas un monstre ! le gronde Dirk, — tu peux faire un effort pour essayer de reconstruire des bases amicales avec quand même ! Ça va pas t’arracher le cul !

— Si le provoque Kurt en haussant les épaules — et mon cul, j’y tiens...

— J’essaie pas de faire de l’humour hein ! Je parle sérieusement !

— Moi aussi ! Et je veux pas passer mes vacances avec Elsa !

 — Et si on invitait chacun quelqu’un ? Toi tu as pris Tif, qui elle a pris sa couz, alors moi je prends Elsa !

— Toi tu as déjà pris Anja ! lui rappelle Kurt avec un petit rire ironique.

— Non, c’est toi qui as pris Anja ! tente de se défendre Dirk, moi j’ai encore pris personne, alors je prends Elsa !

— Je vous laisse cinq minutes les garçons, prévient Tiphanie en s’extirpant enfin du sol, pour sortir de la pièce. — Je vais chez Anja.

 

 — A tout à l’heure, se contente de lui répondre Kurt en la regardant s’éloigner. 

 — Anja ? Pourquoi chez Anja ? se moque gentiment Dirk, — nous on pue, c’est ça ?

Kurt lui écrase doucement un pied sous la table ; le moment de faire de l’humour est vraiment mal choisi.

— Aaaaie ! fait semblant de se plaindre le martyrisé, une fois qu’ils sont seuls, — qu’est-ce qu’il y’a ? J’ai dit un truc qu’il fallait pas ?

— Oui. 

 — Vous vous êtes disputés ? Elle est de mauvaise humeur ?

— Non, du tout. C’est juste que ses parents sont en train de divorcer, alors évite de l’embêter en ce moment.

 — Oh merde.. Désolé alors. Se contente de balbutier Dirk, terriblement gêné.

— C’est rien, je pense pas qu’elle ai calculé ta blague. Elles vont parler mecs entre filles là-bas et puis elle ira mieux après ! 

 — Ça c’est clair que les filles entre elles.. À part parler mecs et make-up... pouffe Dirk, avant de reprendre plus sérieusement, — alors, pour Elsa, tu veux vraiment pas ?

— Fais-la venir, allez, soupire Kurt en haussant les épaules. — mais on dit que c’est toi qui l’invites ! Tu lui dis pas que c’est moi ! Sinon après elle va penser que je tiens encore à elle !

 

 

 

*

 

 

À quelques cloisons de là, Tiphanie se laisse tomber dans les bras de sa meilleure amie en lui exposant tout ses horribles malheurs.

 — Allez ma choupinette ! Faut tenir bon hein ! tente de la consoler Anja, — c’est pas la fin du monde non plus.. Faut être forte ma belle. 

 — Je le sais, que c’est pas la fin du monde, gémit difficilement Tiphanie, en se retenant d’exploser en sanglots — mais y’a un truc qui me fait terriblement peur s’ils se séparent...

— Ah bon ? Et quoi donc ? lui demande son amie, l’air perplexe.

— Mon père restera sans doute à Berlin et ma mère retourneras sur Mannheim, ça, c’est certain..

— Oui c’est sûr qu’il y’a un de tes parents que tu ne verras peut-être plus tous les jours..

— Déjà, on va me séparer de mon frère, ça c’est certain, il ira sûrement avec mon père... Et moi a tous les coups, j’irai avec ma mère et donc...

Un silence s’installe dans la pièce.

Et donc, elle retournera sur Mannheim, laissant derrière elle toutes ces nouvelles amitiés créées ici.

— Pleure pas... tente Anja, en voyant qu’elle se cache le visage dans les mains — tu vas faire dégouliner tout ton mascara. 

 Mais le conseil n’est pas écouté, car elle a envie de pleurer, voir de hurler.

Les quitter ? Tous ? Définitivement ?

Le quitter ?

Lui.. ?

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 Plus tard dans la soirée, un petit groupe d’amis se détend au CloudNine, un lieu célèbre pour passer des nuits endiablées.

 

 ~ Musique ~

Dans le coin karaoké, Kurt et Tiphanie chantent en duo, pendant que Dirk semble bouder sur son canapé. 

 

— Diiiiiiiiiiirk ! l’appelle vivement Tiphanie, — viens chanter avec nous !

— Non merci ! Vous êtes mignons tous les deux, je voudrai pas gâcher la photo de couple...!

 — Viens chanter tout de suite ! rit Kurt entre deux couplets.

— Je tiens la chandelle ce soir, c’est grave... boude Dirk en haussant les épaules. — Elle a abusé Anja, elle aurait pu venir avec nous..

 — Elle voulait se coucher tôt, lui rappelle Tiphanie — tu veux qu’on aille se faire un billard ?

— Oué allez ça me va, ça sera toujours mieux que de faire le pot de fleurs devant Roméo et Juliette !

Le couple rit en chœur, avant de reposer leurs micros sur les socles adaptés.

 — Pauvre Dirkouneeeeette, c’est pas encore ce soir qu’il pourra pas conclure avec Anja !, pouffe Kurt pour taquiner son ami.

 — Tu vas prendre ta branlée au billard toi, ça sera ma vengeance pour cette humiliation ! se défend le blondinet en le foudroyant du regard.

— N’empêche, toi et Anja vous formeriez le couple du siècle, et je déconne pas ! lui sourit Tiphanie en lui tapotant affectueusement l’épaule.

— Oui, moi aussi je trouve qu’on formerait le couple du siècle !! s’empresse-t-il de répondre, en riant — faudrait le lui dire tien ! avant de songer avec douleur, « si un jour elle oublie son Kurt... »

 Quelques pas plus tard, les trois adolescents arrivent enfin dans la salle de jeux de l’établissement ; dès qu’elle a pénétré dans la pièce, Tiphanie sursaute brusquement en reconnaissante une tête brune qu’elle connaît bien.. 

 — Oh oh oh !!! Un petit frère !! chantonne-t-elle ironiquement en s’avançant vers le concerné. 

 — Damned ! Une vilaine ! lui répond le jeune garçon dans un soupir.

— T’as vu l’heure ? Reprends Tiphanie en fronçant les sourcils — papa et maman savent que t’es ici, a une heure et demie du mat » ?!

— Ils sont sortis, se contente-t-il de répondre en haussant les épaules.

— Pardon ? Alors comme ça personne est au courant que t’es de sortie ? T’as fait le mur ?!

— Vous êtes mignons tous les deux, taquine Dirk, amusé par cette petite réunion de famille.

 — J’t’en foutrai du mignon moi, commence a s’agacer Tiphanie en s’avançant vers son frère, — tu vas rentrer a la maison tout de suite toi ! Je te ramène.

— C’est ça, c’est ça, t’as vu la vierge en string ce soir ma vieille ! se moque ouvertement l’adolescent, pour garder un minimum de fierté devant sa petite amie qui joue au billard en face de lui.

 Franz, qui est loin d’être idiot, réalise rapidement que la situation sent le roussi, autant pour Kylian et lui ; avant de venir ici, ils ont fait tourner deux joints.

Il faudrait pas qu’elle s’en rende compte... Elle pourrait leur créer des problèmes. 

 Discrètement, il tapote sur l’épaule de Kylian, avant de ranger sa queue de billard, pour s’éloigner tranquillement de la pièce, l’air de rien.

Dans leur intérêt, il vaut mieux qu’ils s’en aillent, tous. Sachant quand plus Kurt et Dirk les connaissent bien, lui et Emma... 

 — Où ils vont tes potes ? Cingle Tiphanie, en constatant soudaine la fuite discrète des deux autres petits.

En terminant sa phrase, elle fronce étrangement les sourcils : c’est étrange... son frère a les yeux drôlement rouges ce soir.

Sans prévenir, elle se rapproche brusquement et lui hume le cou, puis le visage, avant de faire un bond en arrière pour crier ; 

 

 — Petit con ! J’en étais sûre ! Oh putain ! Ça, je vais pas le laisser passer, tu peux me faire confiance !!! 

Mais il ne lui répond rien, préférant partir en courant, aussi vite que ses jambes le lui permettent.

 Sa sœur n’a jamais été très sportive, elle n’a aucune chance de le rattraper.

Il va rentrer discrètement et se parfumer tout ce qu’il peut, comme ça elle passera pour une menteuse, au cas où elle tenterait de le dénoncer auprès de leurs parents.

Furieuse, Tiphanie veut se lancer à ses trousses, mais Dirk la retient lorsqu’elle passe devant lui ;

— Arrête, laisse-le.

 

 — Quoi ?? lui crie-t-elle dessus, furieuse qu’il ait permis à ce sale gamin de détaler. — Mais pour qui est-ce que tu te prends ?? Crétin !!

— Reste polie Tif, intervient Kurt d’une voix sèche, — il a raison, laisse le vivre ce pauvre gosse, on est samedi.. Tu te rends compte de la honte que tu lui as payée devant ses potes-là ?  

 — Rien a battre, continue de pester Tiphanie, furieuse, — je laisserai pas mon petit frère se dro...

Dirk lui met la main sur la bouche pour la forcer à se taire : n’est-elle pas folle de vouloir prononcer le mot « drogue » dans un lieu public ?

 — Tu te calmes tout de suite maintenant Tif, la cingle froidement Kurt en allant chercher une queue de billard, — tu nous fais honte !

— Je comprend ta haine Tif, lui fait gentiment Dirk pour l’apaiser, — mais tu verras ça demain, et au pire s’il fume un petit bédo ton frangin, tu sais que c’est pas ça qui peut le tuer hein...

Sa fin de phrase, il l’a terminée tout bas, pour que personne ne l’entende à part elle.

— On fait quoi comme équipe ? demande Kurt le plus naturellement possible, pour changer de sujet, — Tif et moi contre un gayzou blond ?

— Tocard ! pouffe Dirk en réponse,

— OK je vous prends tous les deux les amoureux ! Vous allez prendre la raclée du siècle, c’est moi qui vous le dis !

 Tiphanie serre les dents et part chercher une queue de billard, avant d’aller se poser avec dans un coin.

 

  Ce soir elle a perdu, c’est sûr, mais il ne perd rien pour attendre...

 

 

*

 

 

Le lendemain, c’est un dimanche nuageux qui se lève sur Berlin, et Tiphanie a bien l’intention de coincer son frère afin de lui apprendre la vie. 

Il s’est levé avant elle, mais vu qu’il est encore très tôt, il doit est sûrement encore là. 

Sûrement dans la salle de bain en train de faire sa toilette...

Elle se hâte alors vers cette destination et toque à la porte de la pièce.

— Je sais que t’es là !

— Heeey ! lui répond-il de l’intérieur — t’arrêtes de me poursuivre oui ??

— Non.

— Tu me casses les couilles Tif ! Je suis en train de chier, alors fous-moi la paix !

— J’attendrai. Je suis pas pressée. Se contente-t-elle de lui répondre le plus naturellement possible.

Agacé, il sort enfin de la salle d’eau pour se planter devant sa sœur, en marmonnant 

— Qu’est-ce que tu me veux ? Me faire la morale, c’est ça ?

— Tiens, tu as « chié » bien vite dis donc ! remarque-t-elle en insistant sur ce mot des plus vulgaires.

— Je me lavais juste les dents. La cingle-t-il en fronçant les sourcils. Mais là n’est pas la question !

— Oui en effet, lui sourit Tiphanie, là n’est pas la question, car elle est... Sur le fait que tu te drogues !

— Et ?

— Et ? reprend-elle en le dévisageant furieusement, — tu oses me dire « et » ?

— Je fume ce que je veux ! Je fais ce que je veux ! Que ça te plaise ou non !

Il lui a répondu avec une telle dureté qu’elle sent une boule se former dans son estomac. Une boule énorme...

C’est la première fois qu’il la cingle de cette façon et elle a bien dû mal à croire que c’est réellement son frère qui est planté là, devant elle.

— Je te laisserai pas faire le con Kyl, lui souffle-t-elle — que tu le veuilles ou non, je vais mettre fin à tes conneries. Fais-moi confiance... 

— Et comment ? se moque-t-il soudain, vas-y, dis-moi comment ! 

— Tu veux rapporter ? Papa et maman ne te croiront jamais ! En plus, ils sont bien trop occupés a se bouffer la gueule, ils vont même pas te calculer ! 

— Alors je vais te coller tout le temps pour t’arracher les bédos de la bouche. C’est aussi simple que ça.

— Ah bon ? pouffe-t-il sans retenues, — j’attends de te voir faire le pot de colle ! J’attends !

 Il éclate de rire et se tient les abdos, pour souligner le ridicule de sa sœur, avant d’ajouter, avec un air des plus ironiques,

— Et je tiens à te rappeler que tu vas te barrer pour tout le mois de juillet... Ça va être chaud pour faire la glu, non ?

Il rit une dernière fois, avant de commencer à s’éloigner, en silence. 

Elle ne lui répond rien, trop occupée à réfléchir à un plan d’attaque. 

Il a raison sur un point, il faut qu’elle le reconnaisse : pendant un mois entier, elle sera loin de lui.

  Il n’aura alors plus aucune limite...

 Non. On ne peut pas laisser ce gosse agir comme bon lui semble. Il est bien trop irresponsable..

Il a beau dire que leurs parents ne vont rien calculer, mais ça, elle n’est pas certaine.

Elle va en coincer un et lui expliquer que son frère a besoin de plus d’encadrements.

Et tant pis si elle passe ensuite pour une « rapporteuse ».

 Un jour, il la remerciera de l’avoir empêché de tomber dans le cercle vicieux de la drogue ! 

Arrivée au rez-de-chaussée, elle reconnait aisément la voix de son père qui semble provenir du salon.

C’est parfait. Elle s’avance donc vers l’endroit, pour le découvrir assis en tailleur, en train de raconter une histoire sa petite sœur. 

— Bonjour papa ! sourit-elle en pénétrant dans la pièce.

— Coucou Tif. Lui répond-il en le levant qu’un œil vers elle.

— Papa... Je peux te parler deux minutes s’il te plaît ? demande-t-elle en s’avançant timidement.

 — Ça dépend, c’est à quel sujet ? Si c’est au sujet du divorce, c’est non. On a rien à ajouter de plus là-dessus avec votre mère.

— Non, c’est pas ça..... laisse-t-elle tomber, avant de poursuivre, — c’est au sujet de Kyl...

— Dis Tif, semble se moquer Sacha, — tu crois pas que tu es un peu grande maintenant pour rapporter quand Kyl t’embête ?

— Ca n’a rien a voir ! se vexe l’adolescente en fronçant les sourcils, — je veux juste te prévenir qu’il fait des bêtises...

 — Quels genres de bêtises ?

— Il... Il...

Dénoncer son frère de cette manière lui fait mal et elle se sent terriblement lâche et méprisable...

Pourtant, elle va poursuivre son accusation, parce que s’il reste sans surveillance, il plongera au fond du gouffre.

C’est sûr et certain. Kylian est un garçon bien trop influençable pour résister à l’appel de la drogue, surtout s’il s’est lié d’amitié avec des garçons qui sont complètement dedans.

— Kylian se drogue papa.

Voilà, elle l’a dit. Maintenant, son père doit agir, en tant que tel.

Il doit agir comme il n’a plus agi depuis longtemps... Il doit se souvenir qu’il est le parent d’un adolescent en pleine crise !

— Monte dans ta chambre Tif, se contente de lancer Sacha — tu devrais avoir honte de dire des choses pareilles.

— Pardon ?

Elle a mal entendu.. Elle a forcément mal entendu...

Ou alors, c’est lui qui l’a mal entendue ?

— Papa, Kylian fume. Reprend-elle très sérieusement — je sais pas ce qu’il fume, mais c’est pas de la clope en tout cas. De l’herbe, du cannabis peut-être, voir du Shit, je sais pas, je suis pas experte là-dedans...

— Ca suffit Tif, l’interrompt-il vivement, en la dévisageant avec colère, — là tu dépasses les bornes. Ca va pas la tête d’accuser Kylian de choses pareilles ? Tu es complètement idiote ma parole ! Ca se voit au premier coup d’œil que ton frère ne fume pas voyons !

— Ah... ?

— Un fumeur, ça pue. Lui répond-il tout simplement — et Kyl n’a jamais senti autre chose que son eau de toilette ! Et il n’a jamais montré le moindre signe qui nous pousserait à avoir des soupçons.

Aveugle et borné.

Trop fièr de son fils pour se rendre compte de la chute de celui-ci.

Elle a perdu.

C’était évidemment une mission impossible que de tenter de lui faire croire une chose pareille sur son fils bien-aimé.

Ce n’est pas grave : on n’est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas ?

Alors elle s’occupera du cas de cet adolescent rebelle, seule. 

En silence, elle tourne les talons pour repartir d’où elle vient.

 

 

*

 

Moins d’une heure plus tard, elle arrive devant un immeuble qu’elle connaît bien désormais.

Rapidement, elle trotte jusqu’à l’appartement de Kurt et le salue d’un long baiser des plus langoureux.

Ensuite, ils discutent un peu de tout et de rien, avant qu’elle ne se décide à lui annoncer qu’elle a finalement décidé de ne pas aller avec le groupe en vacances ; elle doit rester avec son frère pour lui offrir les barrières dont il a besoin.

Il fallait s’y attendre, les sourcils de Kurt se froncent et il se mue peu à peu dans une colère noire, nourrie par la déception.

— Je suis désolé, mais ça se fait pas ! On avait tout prévu merde ! Tu fais chier !

— Je sais, mais... tente-t-elle de se justifier — la situation à la maison c’est le chaos en ce moment, je me vois pas partir maintenant. Mes parents sont obnubilés par leur divorce, ils ne se préoccupent plus que de ça et ils ne voient même plus les agissements de mon frère.

— Et qu’est-ce que tu penses que tu vas pouvoir y changer, mère Thérésa ?

 La fin de sa phrase a été soulignée par un petit rire des plus ironiques, pour souligner le ridicule de son choix.

— Je sais pas.. Disons que je peux passer mes vacances à le coller ?

 — Parce que tu penses qu’il se laissera faire ? S’il a su blouser tes vieux, il saura te blouser aussi hein.

 — Il va essayer oui, confirme-t-elle en hochant la tête, — parce que plus roublard que lui, ben y’a pas ! Mais si je passe en mode « glue », il est foutu. C’est de ça dont il a besoin mon frère, un garde-chiourme ! C’est un gamin, si tu l’encadres pas il fait n’importe quoi. 

— OK OK, laisse alors tomber Kurt — j’ai compris. Bah passe tes vacs ici avec lui alors, et laisse-moi..

 L’intonation de sa voix a tellement changé dans cette dernière phrase que Tiphanie sent soudain son cœur se serrer.

Elle vient de lui faire mal.. Très mal.

Honteuse, elle se rapproche de lui en le dévisageant avec tendresse,

 

— Mais tu sais que je peux vous rejoindre plus tard ?...Peut-être que tout va se régler assez vite dans ma famille.. Dans ce cas je saute dans le train et je te rejoins !

Il hésite à répondre. Sans doute ne la croit-il pas..

 Alors elle insiste, en ajoutant, le plus tendrement possible,

 — Je te le promets... Je vous rejoindrai. 

 

 

 

*

 

 

 

Quelques semaines plus tard, c’est un grand jour pour beaucoup de lycéens : le baccalauréat.

 

Tous obtiennent leur diplôme sans difficulté, à part Elsa qui devra redoubler son année.

Quelle honte, pour cette fière jeune fille, que d’être la seule de ses connaissances à rater cet examen !

Dirk tente de la consoler. Il lui dit que ce n’est pas grave, que l’an prochain elle retrouverait ainsi son amie Magda.

Elle soupire et hausse les sourcils : retrouver Magda, quelle consolation !

Perdre une année pour retrouver Magda : quelle consolation !

Subir la honte d’être la seule à échouer, pour retrouver Magda : quelle consolation !!

Amicalement, Kurt lui tapote sur l’épaule en lui disant que l’an prochain, après son redoublement, elle l’obtiendra surement avec mention, son bac, avec la mention.

 

Il est tellement craquant lorsqu’il est attentionné et affectueux..

Décidément, elle l’aime encore beaucoup trop...

Quoique pourquoi « trop » ? Cet été, Tiphanie ne viendra pas avec eux... Il n’y aura que lui, Dirk, Anja et elle...

 

Notons que Dirk en pince pour Anja, qui s’est juré de ne plus aimer Kurt, soit, elle a un mois entier pour séduire a nouveau son éternel amour.

Et elle y arrivera ! Persuadée de cette affirmation, elle serre les poings en se souriant à elle même.

Oui ! Elle y arrivera !

Foi d’Elsa !

 

 

 

*

 

 

 

Ce soir, c’est la dernière soirée avant la séparation, pour un jeune couple.

En effet, demain c’est le grand jour : Kurt et sa bande partent sur la côte pour y rester quatre longues semaines.

Pour marquer le coup, et parce que le mot vacance est synonyme de fêtes incessantes, ils ont décidé de tous se réunir au Bowling ce soir.

Tiphanie ne peut se résigner à quitter ses bras ce soir. Les autres jouent à côté, mais elle, elle ne peut pas.

Elle se délecte de ces baisers comme s’ils étaient les derniers...

Ce qui serait en effet fort possible, car...

Demain, il partira avec Dirk, Anja et Elsa.

 

Et aux dernières nouvelles, Magda et Karl se sont rajoutés.

Sois-disant invités par Elsa.

Normal. Ils sont tous les deux ses amis.

Soit, elle n’a rien contre ces deux blondinets.

 Car la seule qu’elle craint réellement, c’est Elsa... Uniquement Elsa... 

 Elle se sent soudaine terriblement mal.

Ces vacances risquent d’être vraiment fatales à son couple.

Pourquoi ? Mais pourquoi a-t-elle décidé de rester ici pour Kylian ?

Certes, c’est plutôt une décision judicieuse, car depuis qu’elle le suit dès qu’il sort le soir, étrangement il ne veut plus sortir ; préférant rester a regardé la télévision.

Un frère ou un amour...

Oui on ne doit pas hésiter une seconde, c’est vrai.

Mais perdre l’amour pour un frère fruste.

 Si jamais elle le perd réellement à cause de ce choix, il y’a un petit adolescent fumeurs de joints qui va le lui payer. Et cher.

 

Le cœur gros, elle se blottit dans ses bras pour qu’il l’enlace tendrement.

 Il lui murmure des mots doux, des mots tendres. Elle lui sourit tendrement, avant de lui murmurer tout bas

— Promets-moi que tu seras sage....

Il lève un sourcil pour afficher un air perplexe,

— Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Tu n’as pas confiance en moi ?

— Si... si..Mais c’est délicat, il y’aura... Enfin tu sais qui.

Elle rougit, gênée d’avoir abordé ce sujet plus qu’épineux.

— Ne t’inquiète pas, la rassure-t-il aussitôt avec un sourire — il n’y a vraiment plus rien entre Elsa et moi et désormais c’est juste une bonne copine. C’est tout. Ce n’est vraiment pas quelqu’un que tu dois craindre.

— D’accord, je te crois. Tente-t-elle de lui sourire affectueusement, même si elle a du mal à croire qu’Elsa ne profitera pas de son absence pour marcher sur ses plates-bandes.

— Et toi, tu penses que tu nous rejoindras vite ? demande Kurt a son tour, tu me fais pas faux bond hein ! Tu m’as dit que ton frère a l’air d’aller mieux depuis quelques jours alors...

— Oui il a l’air d’être redevenu comme avant, reconnaît-elle, mais tu sais, Kyl est fourbe. Je suis sûre qu’il joue la comédie pour que je le lâche et me casse, justement...

— Et tes parents ? Ils voient toujours rien de rien ?

— Ils sont dans les cartons en ce moment, puisque mon père s’en va, alors tu penses bien qu’ils ont vraiment d’autres soucis que le petit rebelle Kylian.

— Mais il va s’en aller avec ton père finalement ? Ça va l’éloigner de Kain et Emma, c’est finalement une bonne chose, non ?

— Pour l’instant rien n’est encore prévu à notre sujet. Mon père part seul. Ils sont en train de réfléchir à tout ça pour s’organiser au mieux... C’est dingue le sang froid qu’ils mettent dans leur divorce... On dirait qu’ils souffrent même plus de la situation.

 — C’est finalement pas plus mal, sourit gentiment Kurt en lui faisant signe de se lever — on va jouer avec les autres ?

En réponse, elle hoche la tête et le suis vers une des pistes vides.

Mais malgré les rires qui fusent de toute part, malgré la bonne ambiance évidente, Tiphanie se sent toujours terriblement mal, à cause de cet horrible pressentiment...

Les absents ont toujours tort.

Et si ce proverbe se vérifiait cet été ?