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    Le lendemain, c’est un dimanche nuageux qui se lève sur Berlin, et Tiphanie a bien l’intention de coincer son frère afin de lui apprendre la vie. 

    Il s’est levé avant elle, mais vu qu’il est encore très tôt, il doit est sûrement encore là. 

    Sûrement dans la salle de bain en train de faire sa toilette...

    Elle se hâte alors vers cette destination et toque à la porte de la pièce.

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    — Je sais que t’es là !

    — Heeey ! lui répond-il de l’intérieur — t’arrêtes de me poursuivre oui ??

    — Non.

    — Tu me casses les couilles Tif ! Je suis en train de chier, alors fous-moi la paix !

    — J’attendrai. Je suis pas pressée. Se contente-t-elle de lui répondre le plus naturellement possible.

    Agacé, il sort enfin de la salle d’eau pour se planter devant sa sœur, en marmonnant 

    — Qu’est-ce que tu me veux ? Me faire la morale, c’est ça ?

    — Tiens, tu as « chié » bien vite dis donc ! remarque-t-elle en insistant sur ce mot des plus vulgaires.

    — Je me lavais juste les dents. La cingle-t-il en fronçant les sourcils. Mais là n’est pas la question !

    — Oui en effet, lui sourit Tiphanie, là n’est pas la question, car elle est... Sur le fait que tu te drogues !

    — Et ?

    — Et ? reprend-elle en le dévisageant furieusement, — tu oses me dire « et » ?

    — Je fume ce que je veux ! Je fais ce que je veux ! Que ça te plaise ou non !

    Il lui a répondu avec une telle dureté qu’elle sent une boule se former dans son estomac. Une boule énorme...

    C’est la première fois qu’il la cingle de cette façon et elle a bien dû mal à croire que c’est réellement son frère qui est planté là, devant elle.

    — Je te laisserai pas faire le con Kyl, lui souffle-t-elle — que tu le veuilles ou non, je vais mettre fin à tes conneries. Fais-moi confiance... 

    — Et comment ? se moque-t-il soudain, vas-y, dis-moi comment ! 

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    — Tu veux rapporter ? Papa et maman ne te croiront jamais ! En plus, ils sont bien trop occupés a se bouffer la gueule, ils vont même pas te calculer ! 

    — Alors je vais te coller tout le temps pour t’arracher les bédos de la bouche. C’est aussi simple que ça.

    — Ah bon ? pouffe-t-il sans retenues, — j’attends de te voir faire le pot de colle ! J’attends !

     Il éclate de rire et se tient les abdos, pour souligner le ridicule de sa sœur, avant d’ajouter, avec un air des plus ironiques,

    — Et je tiens à te rappeler que tu vas te barrer pour tout le mois de juillet... Ça va être chaud pour faire la glu, non ?

    Il rit une dernière fois, avant de commencer à s’éloigner, en silence. 

    Elle ne lui répond rien, trop occupée à réfléchir à un plan d’attaque. 

    Il a raison sur un point, il faut qu’elle le reconnaisse : pendant un mois entier, elle sera loin de lui.

      Il n’aura alors plus aucune limite...

     Non. On ne peut pas laisser ce gosse agir comme bon lui semble. Il est bien trop irresponsable..

    Il a beau dire que leurs parents ne vont rien calculer, mais ça, elle n’est pas certaine.

    Elle va en coincer un et lui expliquer que son frère a besoin de plus d’encadrements.

    Et tant pis si elle passe ensuite pour une « rapporteuse ».

     Un jour, il la remerciera de l’avoir empêché de tomber dans le cercle vicieux de la drogue ! 

    Arrivée au rez-de-chaussée, elle reconnait aisément la voix de son père qui semble provenir du salon.

    C’est parfait. Elle s’avance donc vers l’endroit, pour le découvrir assis en tailleur, en train de raconter une histoire sa petite sœur. 

    — Bonjour papa ! sourit-elle en pénétrant dans la pièce.

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    — Coucou Tif. Lui répond-il en le levant qu’un œil vers elle.

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    — Papa... Je peux te parler deux minutes s’il te plaît ? demande-t-elle en s’avançant timidement.

     — Ça dépend, c’est à quel sujet ? Si c’est au sujet du divorce, c’est non. On a rien à ajouter de plus là-dessus avec votre mère.

    — Non, c’est pas ça..... laisse-t-elle tomber, avant de poursuivre, — c’est au sujet de Kyl...

    — Dis Tif, semble se moquer Sacha, — tu crois pas que tu es un peu grande maintenant pour rapporter quand Kyl t’embête ?

    — Ca n’a rien a voir ! se vexe l’adolescente en fronçant les sourcils, — je veux juste te prévenir qu’il fait des bêtises...

     — Quels genres de bêtises ?

    — Il... Il...

    Dénoncer son frère de cette manière lui fait mal et elle se sent terriblement lâche et méprisable...

    Pourtant, elle va poursuivre son accusation, parce que s’il reste sans surveillance, il plongera au fond du gouffre.

    C’est sûr et certain. Kylian est un garçon bien trop influençable pour résister à l’appel de la drogue, surtout s’il s’est lié d’amitié avec des garçons qui sont complètement dedans.

    — Kylian se drogue papa.

    Voilà, elle l’a dit. Maintenant, son père doit agir, en tant que tel.

    Il doit agir comme il n’a plus agi depuis longtemps... Il doit se souvenir qu’il est le parent d’un adolescent en pleine crise !

    — Monte dans ta chambre Tif, se contente de lancer Sacha — tu devrais avoir honte de dire des choses pareilles.

    — Pardon ?

    Elle a mal entendu.. Elle a forcément mal entendu...

    Ou alors, c’est lui qui l’a mal entendue ?

    — Papa, Kylian fume. Reprend-elle très sérieusement — je sais pas ce qu’il fume, mais c’est pas de la clope en tout cas. De l’herbe, du cannabis peut-être, voir du Shit, je sais pas, je suis pas experte là-dedans...

    — Ca suffit Tif, l’interrompt-il vivement, en la dévisageant avec colère, — là tu dépasses les bornes. Ca va pas la tête d’accuser Kylian de choses pareilles ? Tu es complètement idiote ma parole ! Ca se voit au premier coup d’œil que ton frère ne fume pas voyons !

    — Ah... ?

    — Un fumeur, ça pue. Lui répond-il tout simplement — et Kyl n’a jamais senti autre chose que son eau de toilette ! Et il n’a jamais montré le moindre signe qui nous pousserait à avoir des soupçons.

    Aveugle et borné.

    Trop fièr de son fils pour se rendre compte de la chute de celui-ci.

    Elle a perdu.

    C’était évidemment une mission impossible que de tenter de lui faire croire une chose pareille sur son fils bien-aimé.

    Ce n’est pas grave : on n’est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas ?

    Alors elle s’occupera du cas de cet adolescent rebelle, seule. 

    En silence, elle tourne les talons pour repartir d’où elle vient.

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