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    Should I leave, should i stay - David Charvet ♪

      

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    Sur le coup, le jeune homme ne comprend évidemment pas le contenu de cette lettre des plus loufoques.

    Que semble-t-elle tenter de lui faire comprendre, cette folle de taille A4?!

    Que sa fiancée à lui, son Ana, la femme de sa vie, etcétéra, etcétéra, vient de lui écrire qu'elle rompt avec lui et s'enfuit sans laisser d'adresse?

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    Mais quelle bonne blague!
    Il n'en croit pas un mot.

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    Il ne veut pas en croire un mot!!!

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    Son coeur se serre cependant, mais il en hausse les épaules. Une bonne douche lui fera du bien! D'un geste vif, il attrape cette maudite lettre, la froisse de ses deux mains et la balance dans la poubelle de la cuisine. Un beau panier que voilà! Il en sourit avec fierté et se dirige d'un pas tranquille vers la salle d'eau.

    Sa douce ne tardera plus à rentrer, désormais! Il en est évidemment certain. On ne la lui fait pas, à lui! Y'à tout de même pas marqué, "naïf & débile, je crois à tout", sur son front!

    ...

    ...

    ...

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    Mais trois heures plus tard, et alors qu'il perd son temps devant la télévision, devant la première idiotie que son téléviseur à bien voulu lui afficher, -oui, il a eu la flemme de zapper, il n'en avait étrangement pas envie, ne réalisant peut-être pas ce qu'il avait sous les yeux, l'esprit ailleurs, sans doute... -, il regarde une nouvelle fois sa montre.

    Bon, d'accord, en l'espace de cinq minutes, cela fait juste la 200e fois qu'il l'observe encore.

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    Tout comme les cinq minutes précédentes. Et les précédentes des précédentes, des précédentes et des précédentes, encore. En fait, en trois heures, il a surement bien dû regarder encore plus sa montre que son petit écran de télévision. Riez, oui! Riez! Lui aussi, il en a bien envie d'en rire...

    Alors que cela n'est pas vraiment drôle...

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    Elle n'est toujours pas de retour...

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    Mais cette lettre n'était qu'un canular! Il n'y a toujours pas écrit "naïf attardé" sur son front, il s'en persuade! Elle a travaillé tard ce soir, ce qui explique son absence, et elle ne va plus tarder!

    Comment ça? Il pourrait l'appeler pour lui demander son heure de retour?

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    Certes. Mais non. Il n'en a pas envie!

    Peur? Jamais de la vie! Qu'il s'hausse à lui-même les épaules. Même pas!

    Il a confiance en elle. Il n'a pas besoin de l'harceler pour se persuader de son retour!

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    Ils sont un couple unique, unis, et fous amoureux l'un de l'autre!

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    Et c'est pour cettte raison, -et sans aucune craintes d'ailleurs!-, qu'il s'allonge sur son matelas, se recroqueville face au mur, pour murmurer dans un souffle, - rentre vite.. , avant de fermer les yeux.

    À son réveil, et ça, il en est certain, elle sera tendrement blottie à ses côtés. Derrière lui. Amoureusement enlacée contre son dos...

    Il en est certain, il en est persuadé, il n'en doute pas, et n'en doutera jamais.

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    C'est donc avec ces certitudes qu'il ferme les yeux pour s'endormir plutôt paisiblement !

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    ...Pour se réveiller quelques heures plus tard, à l'aube, et se rendre compte qu'il est toujours seul sur son grand matelas bleu.

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    Mais il ne s'en fait toujours pas.

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    Elle reviendra...

    Tel un automate, il se relève paisiblement et s'étire dans son appartement au silence de mort. Une ambiance tellement inhabituelle... Puisque d'habitude elle est plutôt saupoudrée de rire et jacassements divers.

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    En effet, lui et sa petite amie forment un couple plutôt exceptionnel et hors du commun, et cela le rend terriblement fier.

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    Et c'est pour cette raison qu'il ne s'inquiète pas, ce matin!

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    Qui ruinerait une telle histoire?

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    Certainement pas sa petite amie! Sa fiancée! Sa future femme!

    Ça y'est, il est fin prêt. Habillé avec hâte, il n'est pas non plus là pour se la jouer, il enfonce son porte-feuilles dans sa poche et se prépare à quitter son domicile.

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    Il doit attraper le premier train du matin...

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    En chemin vers la gare, il lui envoie tout de même un petit message instantané via téléphone portable pour lui annoncer qu'il s'en va quelques jours sur Berlin pour retrouver sa soeur et qu'il l'aime fort. Qu'elle lui manque déjà. -oui, il omet volontairement de lui parler de l'opération qu'il va bientot subir! Il voudrait lui faire la surprise...-

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    N'empêche, voilà une bonne chose de faite! Et grace à elle, il se sent mieux, du coup.

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    Car ne pas envoyer ce petit mot aurait signifié qu'il croit en la probable fin de leur merveilleuse histoire d'amour...

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    Ce qui est une abérration! Car le Ana&Jeffrey est, et sera toujours, quelque chose d'unique et d'indestructible! 

    C'est une nouvelle fois ce dont il se persuade en pénétrant dans son train, baillant a moitié. Il est tot, tout de même.. Et il n'a jamais été du matin!

     

     

    *

     

     

    Berlin, Berlin, enfin, le voici! Aaaaaaahhh! qu'il en sourit d'extase en mettant enfin un pied en dehors de la gare principale de sa ville natale.

    Eh oui! Il est né et a grandi ici! Dans cette belle ville! Pourtant si froide, dès l'hiver revenu... Oui c'est sur, que comparé à Paris, son chez lui n'est pas une ville des plus chaudes, et il l'admet sans difficulté! Se dirigeant d'un pas tranquille -mais cependant assez rapide- vers l'hôpital où est censé l'attendre son ex beau-père. Ex parce que le fameux a rompu et divorcé avec sa mère. Ce qui ne déplait pas au jeune homme, d'ailleurs. Lui et ce très cher Erwan ayant toujours été tout, sauf, "copains comme cochons"... Avec nonchalance, il soupire. En tournant tranquillement le regard vers un petit kiosque à journaux où sont entreposés quelques canards.

    Le gros titre d'un people pour ados attire soudain son attention.

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    "September accidentée!"

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    Ses pas se figent en conséquences et il cherche très vite un autre titre plus petit, plus complet, légèrement plus explicatif..

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    "Il semblerait qu'il n'y ait plus d'espoir!"

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    Biiip Biiiiiiiiiiiiip!  Faisait le célèbre piaf de la looney tunes en détalant a la vitesse de la lumière!

    Jeffrey n'aura que le cri de guerre de différent avec ce célèbre animal, lorsqu'il prendra brusquement ses jambes à son cou pour se ruer vers l'hôpital où il est censé retrouver son beau-père. Cet espèce de débile profond lui en dira surement plus au sujet de la sombre affaire de l'accident de sa soeur!

     

     

    *

     

     

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    - Merci beaucoup de m'avoir indiqué l'adresse, Erwan.. Remercie poliment et très sincèrement Raphaël en arrivant vers le concerné, dans la salle d'attente, devant l'accueil de ce grand hôpital.

    En effet, lorsque l'adolescent a été mis au courant de l'accident de sa demie soeur illégitime par un journal populaire, il s'est bien entendu rué sur son téléphone portable pour appeler ce pianiste qu'il connait bien désormais.

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    Il le retrouve donc là, ce matin, assis sur cette chaise de salle d'attente avec un air abattu qui fait pitié à voir, et une dégaine qui ne lui ressemble pas... : une chemise boutonnée à la va-vite qui retombe avec désinvolture sur un pantalon à peine repassé ? Non, en effet, le jeune Bauer n'avait encore jamais constaté ce célèbre pianiste dans un tel état...

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    - Y a pas de quoi, renvoie le musicien, l'air triste, pour répondre a son jeune compagnon, tout en le saluant en même temps, avant de lui souligner avec sérieux que, - mais tâche de ne pas trop diffuser l'info.. Déjà qu'on craint qu'il y ait des fuites, vu le nombre de journalistes que j'ai vu passer discrètement avec leurs caméras miniatures...

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    - Tu veux que je jette un oeil sur le net? Sur youtube..?
    Tellement désemparé par tout ce qui arrive, Raphael est bien entendu prêt à tout, comme d'habitude, pour soulager les peines de son entourage, les aider à supporter, les aider à s'en sortir, jouer au bon samaritain..

    Peut-être un peu trop, d'ailleurs... Qu'on lui a souvent fait remarquer par le passé! Ses amis, le plus souvent.

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    - Non, c'est bon.. Et puis de toute manière, tu ne pourrais rien y faire. En plus, pour l'instant, on a plus important à penser, en soupire d'indifférence Erwan, décidant de se focaliser désormais sur une seule et unique chose. Une seule et unique personne... Petit être humain qui se meurt lentement à quelques mètres de là, derrière des murs hideux et blancs, appareillé par diverses machines qui le maintiennent tant bien que mal encore en vie...

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    - Erwaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan! surgit brusquement Jeffrey dans le couloir, complètement essoufflé après une course effrénée, perturbant ainsi le silence des lieux,

    - où est-ce qu'elle est ?!?

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    L'expression de son visage trahissant sa terreur et son désespoir, sur le coup, son interlocuteur adulte s'en sent gêné affreusement,

    - Euh.. Mais qui donc? qu'il tente alors.

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    - À d'autres!!!!!! crie sans prévenir Jeffrey, en questionnant ensuite avec colère, dans ce qui s'apparente plus a un sermon qu'à autre chose, - pourquoi ne me l'as-tu pas dit?! Pourquoiiiiii?!

    - Je vais dire aux infirmiers que tu es arrivé, Jeff, assieds-toi et reprend ton souffle pendant que... reprend calmement et à nouveau Erwan,

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    ... avant de se faire pousser violemment en arrière par son ex-beau-fils, alors qu'il tentait de rejoindre l'accueil de l'établissement.

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    - Dis-moi ce qu'elle a ou je t'arrache la tête! qu'il se fait menacer furieusement par un agresseur devenu haineux qui affiche un visage encore rougit et transpirant à cause de sa récente course à travers tout Berlin.

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    - Elle va bien, Jeff. Là, elle est en salle de réanimation, elle est tirée d'affaire, je te le promets.

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    À l'écoute de cette affirmation, Raphaël lève évidemment un sourcil, perplexe : pourquoi un tel mensonge est-il proféré au frère jumeau de la blessée, puisque celle-ci n'est pas, aux dernières nouvelles, toute pimpante et tirée d'affaire?

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    - Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé hier soir au tèl, alors?! ne veux pas être dupe Jeffrey, cherchant la faille, l'anguille sous sa roche, l'entourloupe, - tu me caches quelque chose!!!

    - Parce que tu te serais inquiété, tout simplement. Et que ce n'est pas bon pour toi. Maintenant, assieds-toi et laisse-moi quelques minutes que je les prévienne de ton arrivée...

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    Reconnaissant avec douleur que la réaction de son interlocuteur venait tout de même d'une bonne intention, Jeffrey le libère brutalement en déglutissant avec rage.

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    - Quoi?! Qu'est-ce que t'as, toi?! qu'il beugle ensuite en direction de son demi-frère illégitime, tout en se laissant tomber sur l'une des chaises de la salle d'attente ; tandis que son beau-père se presse déjà vers l'accueil de l'hôpital.

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    - Je devrais avoir quelque chose? reste malgré tout stoïque Raphael, pourtant très agacé par le comportement des plus déplacés, dans un tel lieu, de son interlocuteur,

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    - Bah j'sais pas, tu me fixes bizarrement!! C'est donc que t'as un problème!! Un poil de cul défrisé, sans doute!! est toujours aussi nerveux Jeffrey, pensant encore à sa soeur.

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    - Pourquoi es-tu là? Je veux dire, à part pour Eva...

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    - Touche à ton cul, t'auras des verrues! bougonne le jeune Beckers pour réponse, pas du tout enclin a parler de sa vie et de ses problèmes de santé à ce type qu'il juge abruti à cause de l'ombre qu'il lui a si souvent fait de l'ombre dans le coeur de sa jumelle...

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    - Très fin, renvoie Raphaël.

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    - C'est bon, Jeffrey, finit par revenir Erwan d'un pas rapide vers le concerné, reprenant ensuite, en désignant du regard deux infirmières, toujours en direction de son ex-beau-fils et dans un soupir, que, - elles vont t'emmener, et... te préparer pour l'opération. Alors, lève-toi, et suis-les. Moi, je vais attendre ici. Et je pense que ta mère ne devrait plus tarder, maintenant...

    - Mouais, ne trouve rien d'autre à marmonner le jeune cardiaque en se relevant de sa chaise pour se mettre en chemin vers les fameuses infirmières, très sceptique cependant.

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    Une sorte de pressentiment... De douleur plutôt étrange en plein milieu de sa cage thoracique. Comme si son corps tout entier tentait de lui souffler quelque chose...

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    Parce que... cela semble bien être une drôle de coïncidence, n'est-ce pas?..

    Que pile le jour de son opération, sa jumelle se retrouve, elle aussi, hospitalisée..?

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    - Qu'est-ce qu'il a? n'attend pas pour questionner Raphaël en direction de son comparse pianiste, tandis que Jeffrey disparait de leur champ de vision.

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    - Tu n'étais pas au courant? semble surpris Erwan, en informant aussitôt après, - il est malade du coeur, et là, il va se faire opérer.

    - Oh... s'étonne pendant les premières secondes Raphaël, avant de lever soudain les sourcils avec terreur pour reprendre très vite, - mais, mais, mais?? Est-ce que?!? Mais, mais, mais?!??? Ne me dis pas que?!??

    - Noooon!! Malheureux, mais qu'es-tu allé chercher, voyons?! sauve très vite la mise Erwan, - cela n'a rien a voir, je te le promets.. Eva va s'en sortir! Elle est actuellement au bloc, mais elle ne devrait plus tarder à être emmenée en salle de réanimation! Qu'il ment effrontément en se relevant de sa chaise pour se diriger vers l'un des ascenseurs de cet étage : l'opération des jumeaux va avoir lieu au deuxième et ce n'est pas ici qu'il veut poireauter inalement, mais plutôt devant le bloc opératoire...

    Intrigué, Raphaël se relève à son tour pour se mettre à le suivre.

    - Tu.. Tu n'es pas obligé de rester, Raph'. Tu peux rentrer chez toi si tu veux... lui grommelle alors Erwan, légèrement stressé.

     

     

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    C'est en effet une très étrange coïncidence..

    Que juste le jour où enfin, il se retrouve dans cette blouse médicale à petits carreaux, sa soeur jumelle se retrouve, elle, dans une autre pièce de cet hôpital... En réanimation, soi-disant.

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    Les jumeaux ont toujours été très liés et ont toujours tout fait ensemble... Certes. Mais là, dans ce cas là, juste dans ce cas-là, Jeffrey trouve tout de même leur osmose devenue franchement des plus surprenantes..

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    Et cette incessante douleur qu'il ressent dans la poitrine n'est pas là pour le contredire. Oh que non...

    - Êtes-vous à jeun? qu'on va le questionner tout à coup, le sortant ainsi, et plutôt brutalement, de sa rêverie.

    - Hein, de quoi? Euuh, oui.

    - Très bien, alors! Qu'on va alors lui rendre avec un sourire. Une bien jolie infirmière qui se prépare ensuite à rouvrir la bouche pour lui prononcer autre chose, quand tout à coup, il lui lance brusquement,

    - Avant tout, je veux voir ma soeur! Emmenez-moi voir ma soeur! Eva Beckers, September, j'sais pas comment vous l'appelez ici!

    - C'est impossible, monsieur. Elle est actuellement en.. Réanimation.

    - Pas de soeur, pas d'opération! se relève alors d'un bond Jeffrey du petit lit sur lequel il attendait sagement avant de passer sur la table, tandis que la grande porte du bloc opératoire s'ouvre en grand pour laisser passer une équipe de chirurgiens, fin prête à commencer sa longue et pénible journée de travail.

    - Qu'est-ce qu'il se passe, ici? demande l'un des hommes en blouse verte avec suspicion, perplexe de voir leur futur charcuté se diriger avec hâte vers une table où sont soigneusement pliées et posées ses affaires personnelles, - hum, s'il vous plait, jeune homme?!

    - Je, je.. N'arrive qu'a lui balbutier pour explications l'infirmière qui avait pour mission de préparer le futur opéré, - il, il.. Euh...

    - C'est fini, on arrête tout, marmonne Jeffrey en enfilant son pantalon par-dessous sa blouse, la retirant ensuite vivement pour renfiler son sweet-shirt à lui, le tout sous les regards complètement ébahis des chirurgiens, - Euh ?! Le programme aurait-il changé sans que nous en soyons informés?

    ~ Les mensonges trompent l'esprit, mais ne trompent pas le coeur... ~

    Et c'est pour cette raison que le jeune Beckers ressort d'un pas rapide, sans un mot de plus, de la salle d'opération ; laissant ainsi, et derrière lui, une équipe chirurgicale qui tombe des nues.


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    - Jeffrey ?!? s'étonne très vite Erwan en se rapprochant du concerné qui vient de refermer la porte du bloc opératoire derrière lui, - mais que, mais que ?!?

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    - Où est ma soeur, espèce d'enfoiré ?

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    Un coup de poing en plein visage suivra très vite la question pour faire tituber et balbutier ensuite l'agressé,

    - Que, que..?

    - Hey! se sent bien obligé d'intervenir Raphaël, perplexe, suspicieux.

    - J'te démolis moi, s'il faut, Erwan, alors dis-moi où est-ce quelle est et ce qu'elle a! Tout de suite!

    - Ok.. Baisse soudain les bras Erwan face au regard noir et plein de mépris de son interlocuteur. Sans attendre, il récupère les trois lettres de l'adolescente Beckers qu'on lui avait remises et qu'il avait soigneusement plié dans la poche de son pantalon, pour les tendre au frère jumeau de la jeune fille, - sache juste que ce n'est pas moi qui l'ai voulu, Jeff... Alors prend ça, et lis. Tandis que moi, je sors prendre l'air, je crois que je n'en peux plus des Beckers...

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    - Que, que.. En marmonne de stupeur et effroi Jeffrey en récupérant les fameuses lettres et en observant son ex-beau-père quitter le couloir à grandes enjambées.

    - Qu'est-ce que c'est? le questionne très vite Raphaël alors qu'il s'assoit sur l'une des chaises du couloir pour commencer sa lecture.

    - C'est.. C'est.. C'est l'écriture de ma soeur...

    Un lit d'hôpital poussé par trois infirmières surgit soudain à l'autre bout du couloir, faisant aussitôt sursauter les deux demi-frères, dans un cri d'effroi commun, - Eva!!!

    - Puisque vous refusez l'opération, nous allons opérer pour tenter de la sauver, apparait l'un des chirurgiens en ressortant brièvement de son bloc, s'adressant ainsi au jeune Beckers complètement perdu dans un océan d'incompréhension : il n'a évidemment pas encore lu les fameuses lettres..

    - De, de quoi.. ? reprennent alors, et toujours en choeur, les deux fils de Kylian Gutter, tandis que leur demie soeur disparait déjà derrière les portes du bloc qui se referment en moins de deux derrière elle.

     

     

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    - Bonjour madame Beckers! C'était pour savoir, au sujet d'Eva.. Questionne avec anxiété Terry dans son téléphone portable, - pourriez-vous me dire le nom de l'hôpital dans lequel elle..

    - Cela est confidentiel, désolée, l'interrompt avec froideur la chanteuse, détestant toujours autant ce sale blond.

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    - Je... Humpf, mais je ne suis pas n'importe qui, je suis son copain!!  en a l'air surpris et profondément vexé, Terry.

    - Je me contrefous de ce que tu es pour elle, sale manouche! Va te suicider, ça me fera les pieds.

    Et sur ce, elle lui raccroche au nez.

    - Putain de peau de vache de merde ! réagit sans attendre le jeune bassiste en pestant contre son portable, - putain celle-là, je la découperais bien en rondelle !!!

     

     

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    - Pourquoi.. Pourquoi est-ce qu'elle m'a fait ça ? marmonne lassement Jeffrey avachi sur sa chaise, rompant ainsi un silence qui a pourtant duré plus d'une heure ; lui et son demi-frère sont toujours dans le même couloir, devant cette porte refermée derrière laquelle se déroule une opération capitale qui pourrait, peut-être, avec chance, par un miracle, sauver la vie d'une certaine jeune fille...

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    - Je pourrais dire la même chose, déglutis à son tour Raphaël, les yeux rivés sur le carrelage, - bien que moi, je connaisse la réponse à la question...

    - Gné ? n'a pas l'air de comprendre Jeffrey, bougon, - qu'est-ce que tu racontes, toi, encore...

    - La réponse c'est qu'elle t'aime plus que quiconque, abruti!

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    - Oh, ta gueule.. en détourne vivement le regard Jeffrey, honteux, du coté totalement opposé à celui de son interlocuteur,

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    - C'est, c'est vraiment pas ma journée... qu'il marmonne ensuite, les yeux dans le vague, la gorge nouée.

    Raphaël ne lui répond rien. Préférant se contenter d'hausser les épaules, priant pour la survie de celle qui se fait en ce moment opérer.

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    - Ma fiancée vient de me larguer, révèle alors de but en blanc le jeune Beckers d'une voix d'outre-tombe, - et ma soeur est en train de crever, pour moi...!! AHAHAH!!.. T'en as déjà connu des journées pareilles, toi?!

    - Ouch.. Je.. Je suis désolé, pour ta copine... Réagit enfin Raphaël avec surprise, avant de replanter son regard vers le plafond, l'air de nouveau indifférent.

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    - Qu'est-ce que je vais devenir?!? se relève brusquement Jeffrey de sa chaise, - putain, qu'est-ce que je vais devenir sans elles?!

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    En panique et les larmes aux yeux, le jeune homme ramène ses deux mains a sa tête pour se l'attraper avec fureur, - qu'est-ce que j'ai fait au ciel pour mériter ça?!? Est-ce que j'ai vraiment mérité de les perdre?!? Heeeinnn?!

    Raphaël ne réagit pas. Ne bronche pas. Reste silencieux, calme, assis sagement sur sa chaise, les bras croisés. Las, il hausse une énième fois les épaules.

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    - Mais meeeerde, réagis, toi!!! lui crie soudain Jeffrey avec rage et désespoir en se plantant devant lui, - comment t'es constitué sérieux?! Tu l'as pas, toi, ce truc brisé et en miettes qui bat fort entre tes côtes?! Tu ne ressens jamais rien?! T'es un être humain ou un cyborg dépourvu de sentiments, dis?!?

    - On est dans un hôpital, je te signale.

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    - Et?!? Puuutaiin, je me demande ce qu'elle te trouvait! Vous êtes vraiment trop différents!! Toi t'es rien qu'une grosse merde sans sentiments, ni rien!! Même pas tu afficherais un air désespéré, ou un quelconque sentiment de désespoir face à son état, hein!! T'es vraiment rien d'autre qu'une coquille vide!!

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    - Ferme là ou je t'éclate! C'est pas parce qu'on n’est pas comme toi à beugler nos sentiments à qui veut l'entendre que l'on ne ressent rien, crétin!

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    - Tu parles!! Si as autant mal que moi en ce moment, ça veut dire que tu meurs aussi d'envie de te relever de ta putain de chaise pour hurler devant cette grande porte qu'elle doit s'en sortir!! Qu'elle va s'en sortir!!!

    - Non.

    - Alors, c'est que tu n'as pas de coeur!! Ou que tu ne l'aimes pas!!

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    - Je t'interdis de dire ça!! en est outré Raphaël, criant brusquement, fronçant les sourcils avec fureur.

    - Alors, bouge ton gros cul et viens près de moi! Viens crier devant cette porte!! Viens!! incite avec rage Jeffrey, le visage ravagé par des larmes incontrôlées.

    - Pffft, non. Car contrairement à toi je sais me tenir en société, et je sais que ce n'est pas ça qui la...

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    - Et c'est ça ton problème, connard! Tu n'agis que pour ton image, au lieu de te laisser dicter ta conduite par ton coeur!!

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    - Putain, mais tu vas arrêter de m'insulter maintenant, ou ça va très mal aller!! perd brusquement patience Raphaël en se relevant de sa chaise, furibond, pour s'en aller pousser vivement son interlocuteur en arrière, - vas-y, insulte-moi encore si tu en as le courage, vas-y!!! qu'il provoque avec animosité, le regard noir, les larmes subitement aux yeux,

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    - que veux-tu que je fasse?! Que je crie?! Très bien, je crie!! EVAAAAA, NE ME LAISSE PAS!! Et?! Et tu crois que cela va la sauver?! NOOOON!! Cela ne la sauvera pas!! Ce ne sont pas de simples cris qui la sauveront!! Car la vie est une pute et...

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    - Ça soulage, au moins.. l'interrompt Jeffrey avec désespoir en baissant les yeux, - peut-être que ça ne la... peut-être que ça ne la... ne la...mais au moins.. Mais au moins...

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    - Mais j'en ai rien à foutre d'être soulagé !!!! Je veux juste qu'elle soit avec moi!!!!! lâche brusquement un Raphaël brisé, en ramenant ses deux mains contre son coeur, poings fermés,

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    - je veux qu'elle soit avec moi, je veux juste qu'elle soit là avec moi... qu'il tente désespérément de continuer, en s'effondrant sur le sol, en larmes, sous le regard ébahi de son interlocuteur qui ne se serait jamais imaginé le voir dans cet état là, lui, un jour.

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    - Je, je.. Eh eh.. Mouais, c'est bon, t'es humain, je te donne alors ma bénédiction pour aimer ma soeur!! fait alors Jeffrey en tapotant sur la tête de son interlocuteur et en se laissant ensuite tomber par terre, à ses côtés, en tailleur.

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    - J'ai pas besoin de ta bénédiction pour l'aimer comme un fou, renifle bruyamment Raphaël en mettant un amical petit coup de coude à son interlocuteur, 

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    - Alors comme ça, on est deux, force un sourire Jeffrey en ravalant un sanglot, - rah, et puis tu sais, Eva, c'est une fille coriace, elle est en béton armé!!! Et puis elle a dû t'entendre chialer comme une quéquette, ça l'a forcément émue!! Le truc trop "violon" quoi, un Roméo qui chouine pour sa belle!!

    - Mais je vais juste te matraquer la bouche et boire ton sang à la paille, toi... se surprend à manquer de rire Raphaël, - sérieux, si t'es encore en vie en ce moment, c'est grâce à elle, sinon je t'aurais jeté dans un ravin!

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    - Je vois vraiment pas ce qu'elle pouvait te trouver, franchement! taquine en retour Jeffrey en bousculant amicalement son interlocuteur, - t'es vraiment trop naze!!!! Et encore plus quand t'essaies de faire peur avec ta tête de "Bisounours battu"!

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    - Et pour être honnête, ça m'arrange que tu ne trouves pas! J'suis pas de ce bord-là et je n'aurais pas voulu te briser le coeur en rejetant tes avances!

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    - Rien à craindre pour ça!! J'aime trop les femmes!! Mais maintenant qu'on en parle, et en te regardant de plus près... hum... t'es quand même vachement efféminé, je trouve!! Une petite touche de mascara par-ci, par-là, et tu ferais l'affaire...

    - Mékilécon, j'vais t'immoler vif finalement, je pense.





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