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    — J’aimerai Tif... J’aimerai me tromper, tu sais.

    — Je vais lui parler, annonce alors Tiphanie avec certitude, en glissant sur le canapé pour se rapprocher de son vieil ami — ne t’inquiète pas, je me charge d’Elo !

    — C’est gentil Tif, mais ça m’étonnerait franchement qu’elle t’avoue avoir un amant, vu que tu es censée être mon amie... 

    — Elo me dit tout Hanz. Tout, affirme avec fierté la jeune femme — parce que de toute façon je lis en elle comme dans un livre ouvert !

    — Tif...

    — Oui ?

    — Si jamais ça se termine avec Elo... Et toi avec Kurt... J’espère seulement qu’on ne sera pas assez idiots pour créer des camps et couper les ponts.

     Cette phrase, dite avec un calme des plus olympien, a été apparemment mûrement réfléchie.

    Hanz est un garçon de nature tranquille et il ne prononce jamais la moindre parole sans l’avoir au préalable tournée sept fois dans sa bouche.

    Une qualité rare de nos jours.

    Finalement perdue, par tout ce qui a été insinué et comprit ce soir, Tiphanie laisse doucement tomber sa tête sur l’épaule de son compagnon d’infortune, en gardant le silence.

    Ils se rendent bien compte, tous les deux, que leurs vies amoureuses sont en train de leur filer entre les doigts sans qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit pour les sauver.

     

     

    *

     

     

     

    Le lendemain, la neige tombe encore, et plutôt abondamment, sur la ville de Berlin, et plus précisément sur la cité universitaire Suche Nach.

    Aujourd’hui, les « Apologize » devaient se rendre en studio d’enregistrement pour travailler sur leur premier clip, mais Romuald et Kylian ont préféré se porter absents en ce jour qui était pourtant très important aux yeux d’Erwan.

     Celui-ci fulmine donc désormais tout ce qu’il peut devant ses deux autres compagnons, Gérald et Yann, qui soupirent inlassablement devant cette situation qui leur échappe complètement.

    — On ira en studio demain, qu’est-ce que tu veux que je te dise... tente tout de même le rouquin pour rappeler a son ami que l’heure de la fin du monde n’a tout de même pas sonné.

    — Ouai, évidemment, demain, demain, demain et toujours demain, continue de grogner Erwan, — non, mais je comprends qu’on se fasse des journées sabbatiques, mais faut avoir une raison valable quand même ! Romu, il fout quoi ? Il roucoule avec Tania ? OK... OK... Très sérieux ! Magnifique... Et Kyle ? Il branle quoi ? Sachant qu’il n’est pas avec Vanessa aujourd’hui !

    — Tiens, tiens, comment est-ce que tu sais ça, toi ? Se dépêche d’intervenir Yann avec suspicion.

    — Je l’ai eu au téléphone, se contente de répondre le jeune pianiste — elle bosse aujourd’hui et elle n’a pas encore vu Kyle de la journée.

    — Tiens, tiens, tu téléphones a Vanessa toi, tiens, tiens... continue de taquiner Yann en cherchant la faille dans cet ami parfois trop sérieux pour être honnête.

    — Tu as l’air proche d’elle, ajoute discrètement Gérald, comme pour venir soutenir son camarade guitariste.

    — C’est une amie, arrêtez de chercher de la merde là où y’en a pas, bande de boulets !

    S’ils pensent qu’il ne les a pas vus venir, avec leurs gros sabots!

     

     

     

     

    *

     

     

     

     

    Ce soir, et comme la grande majorité des soirs de la semaine, Kylian se rend dans le studio de sa petite amie.

     

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    Quelques secondes après l’avoir retrouvée, il s’empresse de suivre sa routine personnelle : l’enlacer et la couvrir de baisers, tous aussi brûlants les uns que les autres.

     

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    Ensuite, et seulement après de nombreux jeux de langues, ils se permettent enfin de discuter pour se raconter leurs journées respectives.

    — Tu m’as manqué aujourd’hui, susurre tendrement la jeune fille, avant de venir poser son regard sur ces balafres qui osent abîmer ce visage de poupon qu’elle aime tant — tu as mis quelque chose là-dessus ? Ça fait encore mal ?

    — Quedalleuh, je sens rien ! J’suis un roc ! Lui assure alors Kylian d’un air amusé, en se jetant à nouveau sur elle pour lui embrasser le cou avec une passion non dissimulée.

    Ses mains se promènent désormais sur ce corps dont il est fou et il n’a pas d’attendre longtemps ce soir, avant de jeter cette petite robe vert pistache sur le sol !

    — Kyl ? Tu as fumé ? Lui demande soudain Vanessa en essayant de se redresser pour le faire freiner ses baisers. Elle n’arrive désormais plus à rester indifférente à cette étrange haleine qui l’assaille depuis maintenant plusieurs minutes, alors qu’elle était pourtant persuadée que son petit ami ne fumait pas.

    — Juste un bédo, se contente-t-il de lui répondre, entre deux suçons.

    — Un bédo ? Mais depuis quand est-ce que tu fumes ça, toi ? L’enchaîne-t-elle alors en tombant des nues. 

    — J’ai retrouvé un vieux pote hier soir et on a fêté ça cet aprèm, lui apprend innocemment Kylian, tout en poursuivant son activité.

    — Humm, très bien, très bien... Tu as donc passé ta journée à fumer de l’herbe si je comprends bien, ironise alors Vanessa en essayant de le repousser délicatement, — ceci explique alors ce regard vitreux...

    — Je suis pas défoncéééé, reprend alors Kylian pour sa défense, en la ramenant a nouveau ver lui, — je te promets que je pèteuh la forme !!

    — C’est ça, et mon cul, c’est du poulet.

    — Ah ça je sais pas, car ce soir j’ai pas encore été voir !!

    — Très drôle, lui grogne-t-elle dans un soupir, avant de le pousser brusquement pour le faire tomber sur lit derrière eux.

    Surpris, Kylian grogne alors son incompréhension tandis que Vanessa lui ordonne sévèrement :

     — Dors maintenant, et reviens me voir quand les effets de ta merde se seront dissipés !

    Sans réfléchir car complètement shooté, l’adolescent obéit et se laisse donc glisser sur toute la longueur du sommier, avant de fermer les yeux pour se mettre à somnoler. 

    Amusée, et assez surprise, Vanessa le regarde s’endormir comme un petit enfant inoffensif.

    Ce garçon est incroyable. Il y’a deux minutes, il l’agaçait profondément, tandis que maintenant elle est complètement sous le charme de cet air angélique et innocent.

    Comment est-il possible de se rester en colère devant un être pareil ?

    C’est impossible.

    Elle soupire alors en haussant les épaules, avant d’aller chercher de quoi se mettre en chemise de nuit, dans son armoire à vêtements.

    Ceci fait, elle va allumer sa télévision, avant de s’allonger a son tour sur le lit, aux côtés de son ange.

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    Il est vraiment adorable lorsqu’il est dans les bras de morphée et elle ne peut empêcher son regard de revenir se poser sur lui toutes les dix secondes. 

    Cependant, et malgré le fait qu’elle soit très attendrie de le voir si vulnérable ce soir, elle reste tout de même un peu inquiète en se souvenant que son charmant petit ami semble fréquenter des drogués, qu’elle ne pense pas connaître.

    Étrange. Tout cela lui semble bien étrange.

    Il va falloir qu’elle cherche à en savoir davantage sur ces personnages qui n’ont pas l’air d’être des plus sains


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    *

     

     

    Dans l’appartement de Tiphanie et Kurt, l’ambiance est plutôt morose ce soir  puisque la jeune femme est seule, en train de préparer un dessert.

    Son époux n’est pas encore rentré et elle ne l’a pas revu depuis la veille... depuis cette crise en fait.

    Après avoir passé quelques temps avec Hanz, elle est finalement rentrée chez elle pour le retrouver endormi dans leur lit. Rassurée de revoir son visage, elle s’est donc couchée tranquillement à ses côtés et le lendemain matin, comme tous les autres de la semaine, il s’est levé le premier pour se préparer avant de se rendre à ses cours.

    Ce soir elle ignore donc jusqu’à sa propre situation familiale, puisqu’elle n’a pas encore eu l’occasion de se retrouver face à face avec son homme pour discuter de leur vie commune, devenue tumultueuse.

     Soudain, elle sursaute. La porte de l’entrée vient de s’ouvrir.

    Il vient de rentrer, elle l’entend mais n’ose ni se retourner vers lui, ni lui prononcer la moindre parole.

    Elle tente de feindre l’indifférence en continuant de remuer sa pâte à gâteau.

     

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    — Coucou, la salue-t-il sans attendre, en pénétrant dans l’appartement.

     

    Il a l'air calme et apaisé.

    Tiphanie se sent rassurée, mais aussi un peu anxieuse.

    Qu’est-ce que cet air tranquille peut bien cacher ? Le volcan sommeillerait-il sous la croûte?

     

    — Coucou, j’ai dit ! Répète-il alors, vexé de ne pas se faire saluer par son épouse, après une dure journée de cours.

     — Coucou... se décide enfin a lui marmonner Tiphanie, sans se retourner pour autant.

    Dédidément, elle n’a jamais su être hypocrite et ce n’est certainement pas vraiment ce soir qu’elle va apprendre à l’être.  

    — Tif ? Tu lâches ton truc deux minutes s’il te plaît ? L’implore-t-il en venant s’immobiliser dans son dos — s’il te plaît.. Deux minutes.

     

    Le cœur de la jeune femme bat désormais la chamade.

    Pourquoi semble-t-il avoir besoin de lui parler ?

    Que cherche-t-il à lui dire ?

    Une rupture ? C’est forcément cela.

     Il est venu lui proposer une rupture.

     

    Toute la nuit, il a dû méditer sur leur vie de couple devenue désastreuse et il s’est enfin décidé à rompre avec elle.

    — Qu’est-ce que tu veux... ? lui souffle-t-elle tout bas, en poursuivant son activité d’une main fébrile.

    — Tu peux me regarder au moins ? Si c’est pas trop te demander... 

    — OK, OK, ajoute-t-elle ensuite avec lassitude, en se retournant pour se retrouver face à lui, — alors... ? Qu’est-ce qu’il y’a ?!

     

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    — Tout d’abord... commence alors Kurt d’un air penaud, et en baissant les yeux, 

    — Je suis désolé pour hier. Je t'ai entendu pleurer dans la chambre, mais j’ai pas eu le courage de venir te voir.

    — Oh... Mais ne t'en fais pas, ce n'est pas grave.  

    — Si c’est grave, et je m’excuse. Je te promets que tout ça m’a retourné. 

    — C’est pas grave Kurt.. On a qu’à dire que c’est oublié.  

    — Je suis parfois très con, et je le sais Tif, par contre il ne faut jamais que tu doutes de mes sentiments pour toi... Je t’aime plus que ma vie, et j’espère que tu le sais.... 

    — C’est oublié Kurt, s’il te plaît arrête ou je vais me mettre à pleurer ! Tu sais bien que je ne peux pas résister à tes grands yeux quand tu essaies de m’amadouer.

    — Tu me pardonnes alors ? Tu m’en veux plus ? Tu m’aimes encore alors ? Toujours autant ? À la folie ? À en crever ??

    — Plus que ça même, idiot va !

    — Alors où étais-tu hier soir ?! Quand je suis revenu à l’appart tu n’étais plus là toi !! Heureusement que je suis pas parano, parce que j’aurai pu croire que tu étais partie te venger en allant te taper un gigolo !

    — J’étais chez Hanz ! Mais maintenant que tu m’en parles... Je note l’idée du gigolo !

    — Quoiiiiiiii ?? Fait semblant de s’offusquer Kurt en prenant vivement son épouse dans ses bras, — retire ce que tu as dis, et tout de suite !!

     — Je sais pas... Si tu m’embrasses immédiatement, et pendant très longtemps, peut-être que...

     

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    ~ C'est le temps qui mûrit l'amour. L'amour grandit et se solidifie dans la patience. ~

     

     

     

    *

     

     

     

    Aujourd’hui, Yann est seul dans le petit local où il répète habituellement avec son groupe de musique, les désormais, et presque déjà célèbres, « Apologize ».

     Tous ses amis semblent avoir quelque chose à faire en cette journée des plus enneigées et lui ne sait pas vraiment comment occuper ses dix doigts, à part en grattant sur l’unique amour de sa vie : sa belle et douce guitare.

    Cette solitude ne le dérange absolument pas, puisqu’il peut tranquillement s’éclater sur le micro de Kylian sans aucun complexe.

    En effet, ce jeune guitariste a toujours adoré chanter depuis sa plus tendre enfance, et ce malgré sa voix un peu traître : lorsqu’il chantonne, il a toujours beaucoup de mal à extraire certains sons de sa gorge et ce petit défaut l’empêche donc de suivre correctement un lyric.

    Un comble pour quelqu’un qui adore chanter.

    Lorsqu’il était plus jeune, pendant sa vie écolière, il avait réussi a haïr profondément son professeur de chant : cette idiote n’avait rien trouvé de mieux a faire que de l’humilier devant tous ses petits camarades, en lui demandant s’il pouvait suivre le groupe en playback.

     

    — Déjà de retour, les pots de colle ?!?  braille-t-il soudain en sortant de sa rêverie.

    La porte du local commence à s’ouvrir et il craint que ce soit l’un de ses compagnons. 

    — Tu chantes toi maintenant ? lui piaille Tania en pénétrant dans la pièce sous son regard agacé.

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    — Et alors ? Ça te dérange ? Grogne t-il à cette insupportable commère. 

    — Non, non, tu fais ce que tu veux de ta vie, j’en m’en contrefiche.

    — Romu n’est pas là. Au revoir !

    — Oh... zut... Mais c’est pas plus mal finalement, car ce n’est pas vraiment lui que je cherchais !

     — Ceux que tu cherches ne sont pas là, alors si tu peux faire de l’air en faisant demi-tour...

    — Mais qui t’a dit que j’étais venue chercher mes amis ?

     

    Qu’est-elle en train d’insinuer ?

    Et pourquoi s’avance-t-elle maintenant vers lui, d’un pas plutôt rapide ?

    Il reste sceptique.

    — T’approches pas, laideron.

    — Moi ? Moi laideron ?

    — Ouai. Toi, laideron !

    — Casserole va !

    — Pétasse !

    — Je viens chercher ce que tu m’as volé, espèce de crétin fini.

    Qu’est-ce que c’est que cette affirmation ? Que lui a-t-il volé ?

    De nouveau dans l’incompréhension, il se met a lui grogner,

    — Pardon ? Qu’est-ce que je t’ai volé, moi ?!?

     

    Sans prendre la peine de lui répondre, elle attrape le micro qui se trouvait devant lui, pour le décaler sur le côté.

     — Ça va, c’est la fête, tu te crois où ? lui marmonne-t-il maintenant en essayant de ne pas se souvenir de la plastique parfaite qu’il avait remarquée, lorsqu’il l’a découverte la dernière fois en sous-vêtements.

     — Oui, c’est la fête...

    — À quoi tu joues ?? lui braille-t-il maintenant en faisant un pas en arrière : cette idiote s’est brusquement rapprochée de lui jusqu’à se coller contre sa guitare, et cette soudaine proximité le perturbe au plus haut point.

    — Tu as peur, macaque ? Semble-t-elle se moquer en se trémoussant sensuellement contre lui. 

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    — Hmmmm... Je serai toi, je me méfierai... Tu me connais, non ?... Tu sais donc que je suis capable de te prendre ici même, sur le piano d’Erwan !


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    Sa phrase est soutenue par un ton tellement prétentieux que Tania préfère le faire taire en se jetant sur ses lèvres. 

    Il ne la repousse et se met même à participer à ses yeux de langues.

    C’est parfait. Tout semble parfait. Il faut qu’il continue d’être à fond pour que son plan soit une réussite totale. 

    Au bout de quelques minutes de baisers langoureux et affamés, la jeune fille se décolle enfin de ces lèvres, pourtant délicieuses, pour murmurer doucement à leur propriétaire, avec un regard des plus assassins, 

    — C’était pour que tu te souviennes bien du goût de mes lèvres... pour que tu puisses, toi aussi, crever de jalousie quand je dévorerai Romu sous tes yeux dépités.

    Sa phrase achevée, elle se détache vivement de sa proie, pour se diriger vers la sortie du local.

    Mission accomplie.

    — Qu..Quoi ? Arrive à peine à grogner un Yann complètement abasourdi, — mais que.. Quoi ???

     

    La porte s’est refermée.

    Son interlocutrice n’est déjà plus dans la pièce.

     

    — Putain.. La garce... finit enfin par souffler Yann, en se passant la langue sur les lèvres pour se souvenir, en effet, de ce goût délicieux.

    Garce. Salope... Dieu qu’il la hait.

    Garce. Salope... Dieu qu’elle lui plaît.

     

     

     

    *

     

     

     

    Ce soir, Élodie rend une petite visite à sa cousine, après une dure journée de travail.

    Cela fait un moment maintenant que les deux jeunes femmes ne se sont plus retrouvées seules à seules pour discuter de la pluie et du beau temps, et elle a bien l’intention de remédier à ce petit changement dans leurs habitudes.

    — Alors si je comprends bien, tout baigne maintenant, sourit Elodie, pour conclure une longue conversation où celle-ci lui a raconté les derniers évènements qui ont perturbé sa petite vie.

    — Oui, ça va là, je pense que la tempête est passée, lui confirme sagement son interlocutrice, avant de reprendre plus sérieusement, — et toi ? Ça va avec Hanzounet ?

    — Hummm... Oui. Enfin... maintenant que tu m’en parles...

    — Allez, dis-moi tout !

    — Non, mais je sais pas trop comment le dire, mais... mais il est bizarre.

    — Comment ça ? 

    — J’ai l’impression qu’il me trompe, se décide alors à soupirer Élodie en haussant les épaules, — je sais pas, mais... mais... enfin je veux dire que... qu’il ne me touche plus. Alors je sais pas trop comment l’interpréter...

    — Il a peut-être été blessé par quelque chose, tu ne penses pas ?

    — Hein ? Mais par quoi ? s’étonne Élodie, d’un air trop sincère pour que Tiphanie puisse douter de sa bonne foi.

    — J’sais pas ! Mais peut-être qu’il a été vexé que tu lui annonces le désir de faire un enfant, alors qu’en fait tu n’en veux pas réellement ? Non ? Qu’en penses-tu ?!





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