*

 

 

Peu après la fin du fou rire de Vanessa, les deux jeunes filles se décident enfin à rejoindre leurs musiciens préférés.

 

 

À peine arrivée dans le local, la blondinette se jette sur son chanteur aux yeux bleus et Tania se prépare à l’imiter en se dirigeant rapidement vers le deuxième blond.

Évidemment, elles ont déjà salué les autres membres du groupe, qui n’ont pas attendu plus de dix secondes pour leurs annoncer le nouveau nom qu’ils ont trouvé pour se démarquer dans le monde de la musique ! 

— C’est vraiment la classe, « Apologize », félicite Tania, en chemin vers son petit ami, — Bravo Pikachu !

— Heeey ? Comment tu m’as appelé là ? Grogne immédiatement celui-ci, presque outré par le surnom que vient de lui donner sa camarade. 

Presque tout le reste de la bande éclate aussitôt de rire devant la grimace qu’esquisse le Kylian vexé.

 

 

 

Presque.. Parce que Yann ne peut se joindre à l’euphorie générale quand il voit la jeune fille aux sous-vêtements violets se diriger vers l’un de ses meilleurs amis.

Elle est passée devant lui en esquivant complètement son regard. Elle n’a d’ailleurs même pas prit la peine de se tourner vers lui, lorsqu’elle a lancé joyeusement « bonjour tout le monde ! » a l’intégralité du groupe.

Il a compris le message.

Évidemment qu’il a compris le message.

Il fallait qu’il soit idiot pour ne pas le comprendre, ce fichu message.

Que pourrait-il faire désormais ? Essayer de ruiner le couple de son ami Romuald ?

Un ami qui a souvent été là pour lui.

Un ami qui a toujours été fidèle et sans failles.

Un ami auquel il tient beaucoup, même si désormais il lui reproche d’avoir sauté sur la fille qu’il convoitait.

 

 

Mine de rien, ils ont l’air de former un chouette petit couple, songe-t-il ensuite, en réalisant subitement la tendresse des sourires que les tourtereaux s’échangent.

Seraient-ils déjà amoureux ?

Déjà ?

En si peu de temps ? 

— C’est dégueulasse ce que vous faites, vient râler Gérald pour accuser le silence qui s’est installé dans le local, depuis que les jeunes filles ont sautés sur leurs petits amis respectifs, — aucun respect pour les trois célibataires et frustrés ici !! 

— Humm, mais nous, on est sages ! Fais remarquer Romuald en serrant fort sa petite amie dans ses bras — à la différence des deux autres qui se font des lavements de gosiers !

— Moi je vais aller réviser un peu, car demain j’ai deux partiels ! Annonce soudain Erwan a ses amis, avant de se diriger vers la sortie du local, — allez, ciao les gros !

Sans hésiter, Gérald va s’empresser de le suivre, pour retourner, lui aussi, dans sa chambre.

 — Tu as quelque chose de particulier à faire ? Susurre Kylian à sa petite amie, encore blottie contre lui.

— Du tout, et toi ? Se dépêche-t-elle de lui répondre avec un sourire.

— Ma petite sœur doit passer faire coucou, alors je dois l’attendre dans ma chambre.. Tu viens avec moi ?

— Avec plaisir !

— Alors go ! s’exclame Kylian en prenant la main de sa compagne pour l’entrainer à l’extérieur.

 

 

— Ciao les lâcheurs ! Ne manque pas de les saluer Tania en leur agitant sa main en l’air pour leur dire au revoir, avant de faire volte-face pour revenir vers son blondinet préféré, — et nous ? Qu’est-ce qu’on fait ?

— J’sais pas trop.... commence a réfléchir Romuald, en jetant un œil a son camarade Yann qui semble ranger sa guitare, — et toi, Yann, qu’est-ce que tu fais maintenant ? 

— J’sais pas, pourquoi, ça t'intéresses ? Se contente de lui soupirer celui-ci en commençant à se diriger, lui aussi, vers la sortie.

 

 

Tania sent brusquement une pénible douleur la tirailler entre les côtes : son petit ami vient de lui lâcher les mains, pour laisser ses bras ballants tomber le long de son corps. Elle ne comprend pas vraiment cet éloignement soudain et commence à se demander s’il ne commence à regretter de l’avoir séduite.

Ca y’est. Yann est maintenant à l’extérieur du local : elle vient d’entendre la porte se refermer derrière lui.

 

 

— Romu ? Tente-t-elle alors tout bas, en évitant le regard du concerné.

 

 

 

— Oui ? lui répond immédiatement celui-ci. 

 

— On fait quelque chose ensemble.. Ou ?

Elle tente d’esquisser une grimace idiote pour camoufler les nombreux doutes qui l’assaillent. 

— Ce soir, si tu veux, je t’appelle, lui propose-t-il alors, toujours avec ce sourire charmeur qui la fait décidément craquer — mais là je vais devoir appeler mon père et ça va sûrement me prendre du temps alors... Je t’appellerai dès que possible, d’accord ?

— D’accord, ça roule, se contente-t-elle de lui répondre avant de fondre sur ses lèvres pour s’en emparer.

 

 

 

*

 

 

 

 

Quelques heures plus tard, en début de soirée, Romuald décide d’aller toquer à la porte d’un ami pour arranger une situation qu’il trouve vraiment désagréable depuis quelques jours. 

En effet, le jeune bassiste n’est pas suffisamment aveugle pour ne pas se rendre compte que l’un de ses meilleurs amis semble lui reprocher d’avoir pris la jeune Tania pour compagne.

— Yann ? C’est moi, s’annonce-t-il calmement après avoir cogné deux fois à la porte du concerné.

— Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? Lui répond immédiatement celui-ci, dans un soupir apparemment agacé. 

— Je peux entrer ?

En réponse, Yann aimerait bien l’envoyer balader, ce sale traître. Cependant, il se souvient rapidement que ce sale blond est tout de même l’un de ses amis les plus précieux.

À la place, il lui soupire donc à nouveau,

— S’tu veux... 

— Qu’est-ce que tu fais ce soir ? Reprends alors Romuald en pénétrant dans l’antre de son comparse.

 — Ça se voit pas ?

— Mais à part « regarder un film » ? Tu fais rien ce soir ?

— Non. Pourquoi ? Vous voulez bouger ?

— Non, non, c’était juste histoire de parler.

— Assis-toi, tu me stresses a rester planté comme un piquet. 

Sans attendre, Romuald obéit alors à son ami et part se laisser tomber sur son lit, à ses côtés.

 

 

Quelques nouvelles secondes s’écoulent, pendant lesquelles les deux jeunes hommes ne prononcent pas la moindre parole, puis, le blondinet se décide a mettre enfin sur le tapis, un sujet qui le blesse particulièrement ;

— Yann ? Tu m’en veux ?

— Pourquoi ça ? Fais semblant d’ignorer celui-ci, en haussant les épaules.

 

 

— Pour Tania, pardi. Tu m’en veux. N’est-ce pas ?

— Du tout.

— Menteur.

— Tu m’énerves ! Puisque je te dis que je ne t’en veux pas ! Enfin, « plus », on va dire...

— Donc tu m’en voulais.

— Oui. 

— Mais je t’ai laissé plus d’une semaine pour tenter quoique ce soit avec ! Je veux dire que j’aie pas fait ma pute quoi....

— Mouai... On va pas reparler de ça, d’accord ? S’agace doucement le jeune guitariste — parce que niveau « pute », tu mériterais quand même une médaille.

— Pardon ? Putain, t’abuses là ! C’est toi qui l’as envoyée chier comme une merde !

— Je sais. Et je sais aussi que si je l’avais pas envoyé chier, jamais tu n’aurais pu réussir à te pendre à ses lèvres un jour !

— Prétentieux va...

— Non. Réaliste !

— OK, réaliste. Je ne nie pas que tu lui plaisais au début.

— Voilà.

 

 

— Bref... Qu’est-ce que tu veux Yann ? Que je rompe ?

— Parce que tu serais prêt à la larguer deux jours après l’avoir sautée ? Je te pense pas capable de faire une chose pareille. C’est pas ton genre. 

— Si c’est la seule chose à faire pour que tu me pardonnes...

— Arrête de faire les yeux du chat de Shrek, tu essaies de m’attendrir et ça marche pas avec moi. Et puis j’en ai rien a foutre de Tania maintenant. 

— Elle ne te plaît plus ?

— Non. Maintenant, c’est ta meuf, point barre. 

— Yann.. Entre toi et elle, j’hésite pas une seule seconde, et tu le sais bien... Alors je t’en prie, si jamais ça te fais chier que je sois avec elle, tu me le dis direct. Et je romps illico. 

— Ca te ferai pas chier de rompre avec elle ? s’étonne Yann, plus que surpris de la réaction de son ami.

— Si. J’avoue que ça me ferait chier. Bien fort même... lui répond Romuald dans un soupir, avant d’ajouter en souriant, —.Mais ça me ferait encore plus chier que tu me fasses la gueule, alors...

— Crétin.

— Moi aussi je t’aime

 

 

 

*

 

 

 

 

Une heure plus tard, et après que son ami Romuald ait rejoint sa propre chambre, le jeune Yann décide de sortir faire un tour au lieu de rester a croupir seul dans sa chambre.

Ce soir, tous ses amis semblent occupés chacun de leur côté et il se retrouve donc complètement seul, à son grand désespoir.

  

 

D’un pas lourd, il traverse maintenant le hall qui mène à l’entrée de la résidence, quand tout à coup, il a bien l’impression d’apercevoir une silhouette qui lui est maintenant familière.

 

 

— Tania ? Se dépêche-t-il d’appeler, en reconnaissant les cheveux mi-longs et châtains de la concernée. — Tu as oublié le numéro de la chambre de Romu, c’est ça ?

 

 

— Aaaah, mais ma parole, tu es partout toi !! sursaute brusquement la jeune fille en se retournant vers son interlocuteur.

— Et bien vu qu’ici c’est l’entrée de ma résidence, on peut dire que oui, je passe souvent dans le coin... commence-t-il à se moquer amicalement, en se retenant de rire.

— Mouai, si tu veux... réussit à marmonné la jeune fille, un peu surprise de l’attitude amicale de ce sale goujat, qui n’a pourtant pour habitude que de l’humilier.

— Tu veux que je te montre la chambre de Romu ? lui propose-t-il soudain, d’un air trop sympathique pour être honnête, selon Tania.

Elle se dépêche alors de lui faire comprendre qu’elle n’a aucunement besoin de son aide.

 — Non merci, je sais où est sa chambre ! Et toi, tu n'as pas quelque chose à faire là ? Tu vas t’en aller non ? Allez, ouste !

— Moi, je suis chez moi là, lui sourit un Yann décidément de plus en plus étrange, — mais, et toi ? Qu’est-ce que tu fichais dans notre couloir ? Honnêtement ?

 

 

— Je voulais prendre un café avant de monter ! Mais dis-moi, tu fais partie du KGB ou quoi ?! 

— Non, non ! Rit maintenant Yann, en tentant une approche subtile vers la demoiselle.

Ses pas sont lents, mais pourtant pleins d’assurance.

— Ne bouge pas d’où tu es ! Le prévient immédiatement Tania en le fusillant du regard.

— Pourquoi ? Et si j’ai soif ?

 

 

— Humpfff.... lui déglutit-elle maintenant en s’étouffant a moitié.

Il a réponse à tout.

Ce type a réponse à tout et il l’horripile au plus haut point.

En plus, à ses côtés, elle a l’impression de redevenir une idiote qui ne débite que des âneries sans noms et cette sensation de panique est plus qu’insupportable !

— Tania ? lui fait-il a nouveau, sur un ton calme et posé, — vu que tu va désormais squatter nos vies... Pour sans doute un long moment, tu ne penses pas que ce serait une bonne chose qu’on fait la paix, toi et moi ? 

Il a parlé ? Aurait-il parlé ?

La jeune fille en a bien l’impression oui, mais sans certitude cependant.

Serait-elle en train de rêver ?

Yann qui semble se montrer sympathique envers sa personne ?

Il y’a forcément une anguille sous une roche quelques parts ! 

— Je m’excuse pour tout ce que j’ai pu te dire, voilà. Et c’est sincère.

Il vient de parler à nouveau.

Cette fois, elle en est certaine, il a bel et bien prononcé quelques paroles. 

— Alors ? Tu me réponds ? Ou tu continues de me regarder avec ta tête de marsupilami desséché ?

— Ah, parce que ça se dessèche, un marsupilami ? se décide-t-elle enfin à lui répondre, en levant les sourcils.

 

 

 

— Ben ouaip, regarde ! lui fait-il alors, en esquissant une grimace de circonstance.

 

 

— Yann ? À quoi est-ce que tu joues ? Ose-t-elle maintenant lui demander, pour s’expliquer la raison de ce pas qu’il vient de faire, pour venir se coller contre elle.

 

 

— De quoi ? À quoi je joue ? Chantonne le jeune homme en feignant l’ignorance et en rapprochant discrètement ses mains des hanches de son interlocutrice. 

— Arrête Yann...

— C’est marrant, tu fais ta choquée, alors que tu ne me repousses même pas ! Et ton visage ? Est-ce que c’est normal qu’il soit en train de devenir rouge écarlate ?

— Oui.. Oui, c’est normal, lui répond-elle avec une honnêteté surprenante.

— Alors si je te plaque contre le distributeur là, et que...

 

 

— Non. Car je te giflerai.

 

 

— Je me suis excusé Tania. Il me semble que je me suis excusé... Enfin, je veux dire que...

Il en perd son latin.

Cette fille lui plaît et il est incapable de le lui dire.

Cette fille lui plaît et pour elle, il est prêt à trahir un ami, de la pire façon qui soit.

Il est indigne de confiance et le pire, c’est qu’il l’assume complètement. 

— Il est trop tard Yann... Trop tard. 

Romuald.

Maintenant, il y’a... Romuald.

— Tu viens de me mettre un râteau là ? Fait semblant de se choquer Yann, en plongeant dans le regard de son interlocutrice, — moi, Yann, tu viens de me mettre un râteau ? Alors que j’ai rampé à tes pieds ?

— Ouaip, c’est ça mon chou.

— Oh putain ! lui fait-il vivement, avant de fondre brusquement sur ses lèvres, pour lui déposer un rapide et léger baiser sur le bout des lèvres.

Ensuite, il s’éloigne vivement pour s’élancer vers la sortie de la résidence, mais pas sans s’empresser de lancer une dernière exclamation à une jeune fille encore sous le choc de ce baiser volé ;

— Retiens bien le goût de mes lèvres ! Parce que tu vas crever de jalousie quand je vais débarquer avec une nana canon au bras !

Sur ce, il décampe en courant, et Tania se retrouve maintenant immobile et seule dans ce petit couloir blanc.

Immobile, seule et idiote.

Immobile, seule, idiote et perdue.

Perdue, noyée dans une vague d’incompréhension et de doutes.

Le bras tremblant, elle porte alors sa main à ses lèvres, pour se les effleurer délicatement, afin de réaliser que Yann l’a bel et bien embrassée.

Yann. Yann...

Yann vient de se jeter sur ses lèvres, comme un odieux personnage, pour l’embrasser.

Cet odieux personnage... Ce macaque insupportable...

Son macaque.

Elle rougit rapidement, avant de porter ses deux mains vers ses joues, pour se les plaquer sur le visage, en se grognant à elle-même :

Macaque ! Macaque ! Macaque !...

Et moi... Idiote ! Idiote ! Idiote !

Elle l’a repoussé ! Cette idiote l’a repoussé !

Mais pourquoi ? Elle se le demande maintenant.

Pour Romuald.

Elle déglutit, puis se gratte le crâne, tout en s’adossant contre le distributeur derrière elle.

Elle soupire, grogne, réfléchit rapidement, puis se saisit de son téléphone portable, pour taper un bref message instantané :

« Ma mère est malade, elle m’a demandé de rester avec elle ce soir. On se voit dem1 alors. Big Kiss partout <3333333 »

Ces quelques phrases représentent son premier mensonge, parce qu’elle est maintenant obligée de courir au Reflex, ou au Sabaï, pour tenter d’attraper par le col un guitariste qui lui a fourbement volé un baiser.

 

 

 

*

 

 

 

 

Un peu plus d’une demi-heure plus tard, la jeune fille grimpe tranquillement les marches du nightclub « Le Reflex ». Elle a choisi de venir le chercher ici en premier, car cette boîte de nuit est censée être le lieu de rendez-vous préféré de sa bande d’amis.

 

 

Pourquoi est-elle en train de marcher d’un pas léger, au lieu de trainer derrière elle une lourde culpabilité ?

 

  

Parce qu'il est le seul qu'elle a toujours voulu, elle ne peut pas le nier, d'être tombée sous le charme de ce singe dès le premier regard.

 

 

Mais ce macaque abruti semble avoir mit sa menace a exécution. Tania le retrouve très vite sur l'un des canapés du Reflex, en compagnie d'une très jolie jeune fille.

 

 

Son cœur ne fait qu’un bond dans sa poitrine : que fait cette idiote à côté de SON macaque ?

 

 

Incroyable.

Il lui a affirmé qu’il rappliquerait avec une fille au bras et il applique sa sanction en moins d’une heure.

 

 

Ce type est incroyable...

Il faut qu’elle réagisse.

Qu’elle se précipite devant lui pour marquer son territoire.

Vite !

 

 

Quoique... Tania se fige brusquement et sent sa gorge se nouer.

 

 

Non !

Il ne peut pas faire une chose pareille !

Crétin !

SOMBRE ABRUTI !

Elle pourrait hurler de rage !

Non ! Ce n’est pas possible !

Il ne peut pas lui faire ça, alors qu’elle se préparait à tout lâcher pour ses beaux yeux !

 

 

 

Crétin ! Macaque ! Crétin ! Macaque ! Se répète-t-elle sans cesse, en se mordillant la lèvre inférieure 

— Crétin ! Macaque ! Crétin ! Macaque !....

 

 

Tu as gagné ton pari, espèce d’idiot, je crève de jalousie mais je te hais désormais...