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    D'un pas lourd et le coeur plus gros, Eva rentre alors chez elle d'un pas rapide en essayant de ne pas se redessiner les traits de leurs expressions à ces deux là. Au moment où ils se sont retrouvés. Sous cet abribus.

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    Leur amour était palpable ; et la jeune fille l'a bien senti.

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    Le proverbe dit que c'est lorsque l'on perd une chose que l'on réalise réellement sa valeur.

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    « Et bien ce ne sont pas des paroles en l'air! »

    Réalise Eva avec douleur et peine, une fois de retour dans la chambre qu'elle occupe avec son frère pour constater l'absence de celui-ci en ces lieux. 

    Absence qu'elle se met très vite à bénir ; désireuse de profiter d'un peu de solitude pour encaisser douloureusement ce qu'elle vient de perdre ce soir.

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    Ce qu'elle a perdu. Ce qui aurait peut-être pu,  se construire.

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    Quand elle en avait encore l'occasion. Ah ah... Voilà qu'elle se met à le désirer plus que tout, désormais qu'il n'est plus libre, cet idiot de Raphaël avec son milliard de défauts insupportables.

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    Avec sa belle gueule de petit péteux à laquelle elle ne sait pas résister...

    Une faiblesse qu'ont apparemment beaucoup de jeunes filles. C'est à cet instant qu'Eva se réalise affreusement pathétique. Elle n'est finalement rien de plus qu'une simple idiote émoustillée parmi tant d'autres !

    Car il n'y en a qu'une seule que le beau Raphaël a dans la peau et le regard qu'il a affiché en la retrouvant ce soir la désignait sans difficulté.

    La fameuse Jane. L'ex que sois disant, Raphaël ne saura jamais remplacer.

    Cette ex-petite amie qu'il a aimée au point de lui dédier une chanson au lyric magnifique. Jalouse. Oui. Eva Beckers meurt désormais de jalousie.

    De peine. De jalousie. De rancoeur. De remords. Rongée par les regrets...

    Quand son téléphone portable se met soudain à sonner. Avec cette petite sonnerie bien stridente et insupportable dans pareil moment.

    Profondément blasée, elle décroche alors,- avec une lassitude cependant bien palpable -,

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    - Oui?

    - Coucou... C’est moi.

    Terry. Qui a pourtant son nom affiché sur l'écran du téléphone de son interlocutrice. Et qui va maintenant subir les conséquences d'une souffrance dont il n'est même pas la cause,

    - Je suis désolée de faire ça par téléphone, Terry. J''espère que tu ne me haïras pas trop pour ça... Mais on ne peut pas continuer...

    - Hein? Mais pourquoi?

    - Je suis désolée, Terry...

    - Mais pourquoi ?! Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?

    - Non. Tu es parfait... C'est moi, Terry. Je... Je ne veux pas continuer. C'est tout. Pardonne-moi...

    Et sur ce, elle raccroche vivement. Plantant ainsi un petit ami qu'elle appréciait pourtant énormément.

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    Parce qu'il ne mérite pas d'être aux côtés d'une fille qui se découvre peu à peu amoureuse d'un autre.

    « Amoureuse.. Amoureuse.. »

    Mais sait-elle au moins ce que signifie ce mot ? Finalement, elle commence à en douter. Puis hésite.

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    Avant de se dire que si l'amour est cette vive douleur qui est en train de lui perforer le coeur jusqu'à n'en laisser que des miettes, alors oui ! Elle est folle amoureuse de Raphaël Bauer... 

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    "Chaque coup de foudre est une incarcération"


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    Peu après et au local, Terry tire une tête de six pieds sous terre - à cause de sa toute récente rupture - mais ce n'est pas le cas de ses amis musiciens ; qui eux sont tous en train de saluer de bon coeur le retour d'une jeune fille qu'ils ont toujours appréciée, et pour cause ; elle est un peu l'icone féminine de leur bande.

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    En effet, Jane est aimée, dans ce groupe. Puisqu'à la base, elle siégeait ici en reine, au milieu de ses plus grands amis ; et de son amour, Raphaël. 

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    - Tu es donc restée deux jours, dehors ? vient pimenter Lydia pour remuer les retrouvailles heureuses. La jeune fille est légèrement frustrée par le retour qu'elle juge précipité, de sa plus grande rivale.

    Elle ne s'attendait pas à ce que LE couple de la bande, finisse un jour par se réconcilier. Vraiment pas.

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    - Et toi ? Tu n'as pas de maison ? À part le local des garçons ? réagit aussitôt Jane avec autant d'animosité qu'elle. Son franc-parler faisant partie de ses nombreuses qualités ; voir rares défauts.

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    - Je peux te renvoyer la pareille. Et toi, où vas-tu dormir, sur Berlin ?

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    - C'est une question idiote, ça, intervient Raphaël, tout en serrant un peu plus fort dans ses bras, son ex-petite amie récupérée.

    A cette intervention, Lydia fulmine. Baisse les yeux ; et tente d'engager la conversation ailleurs. N'importe où.

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    « Terry, tiens..» Quoique, non. Lui est encore en train de tirer une tête de cadavre desséché : mais que peux t-il bien avoir, à la fin??

    « Tobias, alors. » Oui, elle va discuter avec Tobias, tiens. Pour se montrer intégrée aux yeux de la petite reine. Voilà. Tobias... Qu'elle constate désormais en chemin vers la salle de bain ; pour sans doute aller faire sa toilette du soir.  Et zut...

    « Wilfrid, alors ? » Qui lui, est maintenant en train de fouiller son sac de cours pour en extraire quelques manuels. La jeune fille en déduit alors que ce n'est pas vraiment le moment d'aller lui parler de la pluie et du beau temps pour juste faire enrager son ancienne meilleure amie.

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    Jane jubile. Désormais allongée et lovée dans les bras de son amour de toujours qui la couvre de baisers, elle jette parfois un oeil sur son ancienne meilleure amie, pour apprécier le spectacle de sa frustration.

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    La roue semble avoir tourné.


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    Le lendemain soir ; le fameux samedi - le jour qu'attendaient Paula et Jeffrey avec impatience - ; Eva se retrouve rapidement à tourner en rond, toute seule, dans ce qui lui sert de chambre. Il n'est pourtant pas tard et d'ordinaire, à cette heure-ci, elle est encore au local de ses amis musiciens..

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    D'ordinaire, oui, d'ordinaire... Lorsqu'elle était encore en couple avec son Terry.

    D'ordinaire... Oui. D'ordinaire. Lorsqu'elle avait encore cette petite routine... qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. N'ayant plus aucune attache réelle au sein de son ancienne petite bande.

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    Alors, ce soir, elle se retrouve donc toute seule. Isolée telle une cloporte. Un paria.

    Seule à méditer. Dessiner. Gribouiller. Voir, à.. Écrire. Des mots. Des phrases.

    Des faits. Des regrets.

    Tout en rougissant soudain en réalisant ce qu'elle est bêtement en train de faire : coucher sur papier sa rencontre avec Raphaël.

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    Bêtement, oui, bêtement. Parce que cette petite histoire ne concerne qu'elle, finalement. Et elle ne souhaite pas la re-écrire en l'état. À l'exactitude. Afin d'éviter tout soupçon. Toute question indésirable.

    Alors elle s'empresse de rayer, d'effacer, et de modifier certains passages de l'histoire. Pour se retrouver, ce soir, a simplement écrire une jolie petite histoire. Une gentille petite amourette.

    Qui n'a jamais pu se concrétiser.

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    - Tu ne sors pas avec Jeff, ce soir ? la fait brusquement sursauter son beau-père, en l'interrompant soudain dans son écriture. L'intrus vient d'entrer sans frapper dans la pièce et la jeune fille se presse de le lui rappeler,

    - Tu n'as pas toqué ! J'aurai pu être en train de me changer !

    - Oops, oui, désolé! Je me demandais juste ce que tu faisais, puisque Jeff vient de sortir, seul.

    - Rien. Je ne fais rien, là.

    - Qu'est-ce que tu écris ? Une lettre à ton amoureux ?

    - Des gribouillis. J'essayais de m'amuser à écrire une sorte de petite chanson ! Ça fait passer le temps.

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    - Tu me montres ?

    - Hum... Vas-y. Mais c'est un truc de filles, je te préviens! Alors ça pue le niais a 15 km!

    - Je t'ai vu et j'ai pensé, aller à ta rencontre, voir si tu as du temps à m'accorder! Mais toi tu ne sais pas, que je t'aurais tout donné! lit Erwan avec assiduité, avant de se retourner pour sourire à sa belle-fille, - C'est mignon comme tout, lapin!

    - Arrête de te moquer!

    - C'est bien triste, ce sera, youhou, dans cette chanson seulement! ♪

    - Erwan!!

    - Si je te donne le ton au piano, tu peux essayer de me la chanter?

    - Euh.. Non. Ce n'était pas prévu. Et je ne vois pas du tout comment faire.

    - Je te donne une mélodie, et tu t'appuies dessus! Allez, viens! Ça peut être amusant. Et puis ça sera toujours mieux que de rester dans ta chambre, comme une pauvre malheureuse!

    Son beau-père ayant plus que raison de lui conseiller de lever ses fesses du sol, pour se bouger un peu, Eva se décide à le suivre au salon ; pour tenter de s'amuser à interpréter cette petite chanson qu'elle vient d'écrire.

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    Et petit à petit, au fil des notes habiles de l'excellentissime pianiste Erwan Muller, la chansonnette d'une adolescente amoureuse prend forme.

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    Il faut dire qu'elle n'est pas épaulée par n'importe qui, mais par un artiste de renommée. Le synthé des célèbres MemoriesMais aussi un chanteur de variétés connu sous le pseudonyme d'Aaron.

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    - Salut, les enfants, rentre enfin Vanessa Beckers d'une interview affreusement longue et pénible, - tiens, tu t'intéresses au piano, toi, maintenant? qu'elle interroge très vite sa fille avec intérêt.

    - Elle a écrit une petite chanson, et je la lui fais chanter en lui donnant un air ! explique rapidement Erwan à son épouse, - Et d'ailleurs, elle est sacrément douée, tu sais ! Tu as du souci à te faire, chérie ! Car la relève est largement assurée !

    - Ah ah, à l'air d'en rire Vanessa, l'air un peu aigri cependant, - Hum, je peux te parler cinq minutes, chéri ? On va dans la chambre. A tout de suite, Eva.

    - J'arrive, acquiesce simplement le musicien de la maison, en se relevant de son piano pour rejoindre sa femme.

     

     

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    De nouveau toute seule, Eva se remet à chantonner. Dans sa propre chambre, cette fois et en accompagnant chaque couplet d'images... le concernant.

     

     

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    Et pendant ce temps, Vanessa n'y va pas par quatre chemins. Une fois isolée avec son époux.

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    - Qu'est-ce que tu étais en train de faire, là ? La faire chanter ??

    - Euh, oui, et ? Ça pose un problème ? 

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    - Ça pose un problème que tu l'inities à la chanson sans m'en parler, oui !

    - Je ne saisis pas. 

    - Eva est une adolescente comme les autres, Erwan! Une jeune fille comme les autres! Et elle le restera. C'est-à-dire qu'il est hors de question qu'elle suive mes traces! Qu'elle s'intéresse de trop près à la musique! C'est bien compris??

    - Déjà, de un, on ne faisait qu'essayer de mettre en musique quelques paroles à l'eau de rose qu'elle a gribouillée, et ensuite, de deux, je ne vois pas pourquoi elle aurait l'interdiction de s'intéresser à la musique.

    - Je sais comment ça commence Erwan, au début, ce n'est rien. On chantonne lors de soirées Karaoké, on reçoit des compliments divers et variés, etcétéra, etcétéra, jusqu'à s'imaginer sous le feu des projecteurs!

    - Et ?

    - Et on commence à négliger les cours, parce qu'on sait qu'on va faire carrière dans la musique, etcétéra, etcétéra! m'enfin, tu veux tout de même pas que je te fasse un dessin, tout de même!!!

    - Tu transpires l'égoïsme par tous les pores, Vanessa! Au lieu de réaliser que ta fille a une très jolie voix et qu'avec rien qu'un tout petit coup de pouce de notre part, elle se propulserait en un rien de temps!

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    - Je ne suis pas égoïste!! Mais je refuse que mes enfants mettent les pieds dans ce monde impitoyable!! Jeffrey veut être chirurgien plus tard! Et bien ça, tu vois, c'est un projet que je soutiens!! Parce que c'est un métier d'avenir! Sain! Et stable!

    - Tandis qu'Eva, souhaite quoi ? Aller glander à la fac et perdre des tas d'années de sa vie. Bêtement. Comme tous les jeunes de son âge!! soupire Erwan, - c'est vrai que c'est mieux que la musique, pour un jeune qui pourrait éventuellement avoir le talent d'aller loin !

    - Ne dis pas de bêtises, voyons! grogne Vanessa, - Eva a l'intention d'aller en Lettres pour devenir professeur des écoles plus tard! C'est brillant ça, comme projet!

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    - Je ne suis pas d'accord et je vais continuer à la faire chanter. Après, si la chanson ne l'intéresse pas et qu'elle préfère suivre un cursus banal, de monsieur tout le monde, et bien cela sera son choix. Et uniquement le sien.

    - Je te préviens que ça va mal aller si tu lui bourres le crane avec la musique, Erwan! Parce que tu sais très bien que dans ce monde, il n'y a pas que des époques dorées!!! Je ne te laisserais pas pourrir l'avenir de ma fille!!

     

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    Comme tous les soirs, Hanz Cobain rentre chez lui à pieds, ce soir.

    La station de métro l'ayant jeté à quelques mètres d'ici, il n'a désormais plus qu'un pâté de maisons à parcourir avant de retrouver son petit et chaleureux appartement.

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    - Salut, Hanz, lui fait soudain une voix glaciale, dans le dos.

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    - Que.. que.. , en sursaute-t-il aussitôt de surprise, tout en se retournant vivement pour chercher du regard son étrange interlocuteur,

    - N.. Non... Ce n'est pas possible! qu'il tremble en ramenant sa main vers son coeur pour sentir les palpitations devenues brutales de celui-ci.

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    - Tu m'as donc reconnu... C'est flatteur!

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    - Non, non, c'est impossible! C'est impossible! en tremble d'effroi Hanz Cobain, devant cette silhouette qui ne peut être ce que ses yeux essaient de lui faire croire ; en vain cependant, parce qu'il n'est pas dupe! Parce qu'il sait bien que cet homme planté là, devant lui, est mort! Mort! Mort, et enterré depuis belle lurette!

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    - Rien n'est impossible, Hanz, puisque même l'incroyable se réalise de nos jours! un frère qui donne le coup de grâce a son jumeau, par exemple... Pouah. Ça, tu vois, c'était impossible et improbable! Et pourtant.. On sait toi et moi que c'est bel et bien arrivé.

    - Tais toi, espèce d'hallucination en carton! crache avec colère et désespoir, Hanz, à son mystérieux interlocuteur ; qui s'avance maintenant vers lui, d'un pas lent et plein d'assurance. Tout en lui soufflant de manière glaciale que,

    - Tu sais ce qu'elle te dit, l'hallucination?





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