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    — Je pense que ça vaux mieux, vraiment... et je suis franchement désolée... s’excuse honteusement Vanessa devant le petit-ami a qui elle vient d’annoncer avec douleur, une rupture. 

    — Si tu penses que ça vaux mieux, alors je n’ai rien a dire, se contente de réagir sagement un homme qui vient de se faire poignarder par une femme dont il commençait a tomber sévèrement amoureux. De toute manière, il s’y attendait. Parce que les femmes finissent toujours par revenir vers les salauds, même lorsqu’un autre peut leur apporter un avenir radieux. 

    — Tu m’en veux. Tu me détestesi. Tu m’en veux.

    — Mais non.

    — Ne me mens pas. Parce que tu sais bien que je lis en toi comme dans un livre ouvert... 

    — Et bien il faut croire que tu t’es suffisamment éloignée de moi pour ne plus savoir rien lire, lui répond t-il a nouveau et avec un sourire en coin, avant de se mettre en chemin vers la sortie de cet appartement où il ne pense pas remettre les pieds de sitôt.

     

    Il s’éloigne d’un pas rapide et c’est le cœur gros que Vanessa le suit du regard. Sans dire un mot cependant, à cause de cette honte qui grandit en elle a une vitesse fulgurante. Elle ne réalise même pas encore ce qu’elle vient de faire à l’instant, tant cela lui semblait absurde hier encore.

    Parce que cet homme pouvait tout lui apporter. Parce qu’il est comme elle. Sa réplique exacte au masculin. L’homme parfait. L’homme idéal des contes de fées. Le prince charmant.

    Et pour un salaud... Elle vient de lui indiquer le chemin de la sortie.

     

     

     

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    « Chèr journal ! devine quoi ? Et bien aujourd’hui, j’ai passé une matinée géniale avec.. Avec.. Avec devine qui ?? Avec Kylian !! »  

    « Eh oui !! C’était au bord du bassin chinois. Il est venu me rejoindre, pendant que je nourrissais les poissons, et on a parlé, parlés, parlés, comme encore jamais ! »  

    « Et maintenant je vais te le répéter pour la millième fois : il me plaît !! »  

    « Parce que je suis bien avec lui et qu’à ses côtés je ris, avec l’impression de ne plus être une alcoolo sans avenir. »  

    « Et c’est là que tu es censé penser : mais où est le problème alors ? Pourquoi te retiens-tu de pleurer ? »  

    « Et c’est donc là que je vais te répondre, que je suis consciente de n’avoir aucune chance avec lui. »  

    « ....Parce que tout le monde ici sait déjà qu’il a un gros béguin pour Nicky. »

      

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    « C’est bien simple, ils sont tous le temps ensemble... Même ce matin, lorsqu’on était tous les deux autour du bassin, elle est venue le chercher pour me l’arracher, en prétextant qu’il avait des cachets ou je sais pas quoi a prendre. Des calmants, je crois. Bref... Mon œil oui. Des calmants ?

    Matthias n’en prend jamais, lui.

    Bon d’accord, Matthias n’a jamais arrêté, mais quand même... »    

    « Non.. Moi je sais qu’elle lui plaît. Et que c’est réciproque n plus. »

    « D’ailleurs, tu sais que la majorité des gars l’appellent maintenant “Le Fayot” ? »

    Lol

    « Certains disent même qu’ils couchent déjà ensemble... »  

    « Mais ça, moi j’en sais rien. Et en fait, je pense que je préfère ne pas le savoir. »

     

     

     

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    — Hey, mais tu t’arrêtes jamais toi, ou quoi ? s’étonne à haute voix Kylian, en direction d’un boxeur professionnel, aujourd’hui en cure de désintoxication. Cet homme l’intrigue et il a bien l’intention d’en savoir plus sur sa personne. Pour cette raison, il rejoint la salle de sport dès qu’il a su qu’il allait l’y croiser. 

    — Toi par contre, tu fais pas grand-chose, se moque amicalement son interlocuteur emplit de mystères, — mais je salue quand même ta présence a la salle, vu que je t’aurais plutôt imaginé au premier en train de fumer et jouer au ping-pong avec les autres. 

    — J’avoue que je suis une merde là. J’ai jamais été aussi faible de toute ma vie et j’suis même sûr qu’un bébé pourrait me battre au bras de fer ! 

    — Ton corps était habitué à être boosté par la cocaïne, alors c’est clair que lorsque tu décides de te sevrer, il te fait comprendre son mécontentement.

    — Ouais, il me le fait comprendre, et bien comme il faut ! Dans toutes les langues, cet enfoiré.. 

    — Mais tu y arriveras. Tu as la gniac pour.

    — Merci.. Mais, et toi ?

    — De quoi, moi ?

    — Et bien, est-ce que tu as la..

    — Je suis déjà guéri, moi, Kylian. Depuis bien longtemps.

    — Hmm....

    — Quoi ? C’est ma présence dans le centre qui te perturbe ? Comme tout le monde ? Parce que tu considères que je n’ai plus rien à faire ici ? 

    — Non, non, j’ai pas dit ça. T’emballes pas et m’envoies pas de droite, pitié.

    — Humpf.. Se retient d’éclater de rire un homme qui n’avait plus pouffé ainsi depuis bien longtemps, a la grande surprise de Kylian qui est ravie de l’avoir ainsi fait sourire.

    — Tu dois avoir tes raisons pour être là, lui fait-il ensuite pour lui indiquer qu’il n’est pas là pour percer trop vite les secrets de sa vie, — comme Matt » a les siennes pour continuer de se droguer, et..

    — Et comme toi tu as les tiennes pour être toujours scotché à Nikole.

    — Hey ! Rougit aussitôt Kylian en fixant le sol, — mais tu dis n’imp « !!

    — Tout le monde l’a remarqué Kyle, sourit a nouveau son interlocuteur, étrangement apaisé par sa présence, — Hmmm, je peux t’appeler Kyle au fait ?

    — Ouais. Je préfère même, alors te gênes pas !

    — Parfait alors, Kyle.

    — Nickel alors... euh...

    — Jakob.

    — Jakob ! Désolé si je l’avais oublié, mais vu que tu parles jamais aux réunions !

    — Je parle peu parce que je n’ai rien à leur dire, à tous ces mômes.

    — Je suis flatté.

    — Ne le sois pas. Car t’es un môme aussi.

    — Ouais, mais un môme qui parle a un boxeur professionnel ! C’est la classe, ça.

    — Eheh... Comme moi je suis un boxeur retiré qui parle à une star de la musique.

    — Quand j’étais gamin, j’aurai adoré devenir boxeur. Comme Genki. Tu connais ?

    — De quoi ?

    — C’est un dessin animé qu’on a tous suivi. Non ??

    — Ah non, je suis désolé..

    — Pffft, tu sers à rien.

    — Comme toi, starlette.

     

     

     

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    — Kylian ? Si ça va mieux, tu devrais retourner en salle de repos, rappelle sagement Nicky à son jeune patient qui est une nouvelle fois affalé sur le lit de son infirmerie. Une nouvelle fois et peut-être une de trop a son goût, parce que de nombreux bruits courent désormais dans les couloirs du centre et cela la met terriblement mal à l’aise.

    — OK, je te prends au ping-pong ? On parie quoi cette fois ?

    — Pas maintenant, j’ai du boulot là. Mais vas-y toi, je te rejoindrai sans doute. Au pire on a réunion demain après-mi...

    — Alors je reste. Je suis bien là. 

    — Non Kylian. J’aimerai que tu t’en ailles maintenant. S-il-te-plais. Merci. 

    — C’est que je me sens pas très bien là en fait. Je crois que j’ai des vertiges....

    — Ça suffit Kylian. À quoi joues-tu à la fin ?

    — Et toi ? Depuis quand est-ce que je te dérange au point que tu veuilles que je gicle ?

    — Parce qu’on parle autour de nous. Et que je ne le supporte plus.

    — Et pourquoi donc ? Parce que moi je trouve ça cool. 

    — Je préfère ne pas comprendre ce que tu insinues. Parce que tu es mon patient, et...

    — Et ?

    — Et j’ai déjà donné avant toi, dans une histoire presque identique, alors tu m’excuseras si je prends désormais mes distances. 

    — Tu me compares à un connard, c’est ça ? 

    — C’était tout sauf un « connard » Kylian. Au contraire même, c’était un type génial. Qui a malheureusement échoué ici à cause d’une rupture amoureuse, parce qu’il devait arrêter de trouver refuge dans l’alcool. 

    — OK, tu me compares à une loque d’alcoolo dépressif si je comprends bien.

    — Il me promettait monts et merveilles, les fiançailles, le mariage, l’amour éternel.. Mais dès qu’il a su sortir d’ici, finito. Pas un coup de tel. Ni une carte. Rien. Et je crois même qu’il est retourné avec son ex, qui l’avait fait sombrer. Chouette histoire non ? Alors, excuse-moi de planter désormais une barrière entre nous. 

    — OK, je me casse. Alors à demain, en réunion... DOCTEUR.

    — Oui. À demain en réunion, KYLIAN.

     

     

     

     

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    Ce léger accrochage va perturber Kylian au plus haut point ce soir et c’est pour cela qu’il finira par décider d’aller prendre l’air sur le toit, pour se changer les idées et tenter d’oublier une jeune femme qu’il espérait voir devenir plus qu’une simple amie. 

    Demain, lorsqu’il la retrouvera lors de leur réunion quotidienne, il ne devra plus voir en elle la probable amante, mais uniquement le médecin. Rien que le médecin qui est censé l’aider à s’en sortir.

    À cette pensée, il soupire et se grommelle un gros « merde » à lui-même. 

    — Hey, Kylian, l’appelle soudain une voix masculine, dès qu’il apparaît enfin sur le toit de l’établissement.

    Matthias. Oui, c’est bien Matthias qu’il reconnait, assis en tailleur, là-bas, devant, à quelques mètres. Il est aux côtés de Jeyne, tranquillement installés avec un bon petit nombre de bouteilles d’alcool.

    — Ouais ? leur fait-il alors en faisant la moué. Ce comportement le blase. Comment ces gens peuvent-ils prendre plaisir à rester ici, dans ce centre de désintoxication, alors qu’ils ne font rien pour s’en sortir. À croire qu’ils n’ont plus aucun but dans la vie. 

    — Viens t’asseoir, et peut-être que tu auras droit d’y toucher un peu, semble l’inciter, voir le taquiner, Matthias, sans se retourner cependant.

    De quoi parle-t-il ?

     

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    — Vous venez souvent ici ? Cherche a s’informer Kylian en se rapprochant alors, tout en en scrutant discrètement les faits et gestes du deuxième héroïnomane du centre.

      

    Peut-être était-ce son destin de se retrouver ce soir incrusté dans ce duo de dépravés.

     

    Peut-être était-ce son destin d’accepter sans broncher la petite bourse en plastique pleine d’héroïne, que lui a amicalement tendue son voisin de gauche, quelques minutes après qu’il se soit assis à ses côtés. 

    Peut-être est-ce finalement son destin de ne jamais réussir à s’en sortir, puisque devant chaque issue de secours s’est toujours trouvé un frein à sa propre salvation.

     

    S’il se posait cinq minutes, il pourrait s’insulter et se traiter de tous les noms possibles et inimaginables pour se comporter de la sorte. S’il se posait. Oui, s’il se posait...

    Parce que ce soir, il a envie de tout, sauf de se poser. Et c’est pour cela qu’il rit maintenant aux éclats, assis en tailleur au milieu de ces deux nouveaux et probables amis.

    Probables ? Parce que pourquoi pas finalement. Depuis le début, on lui répète de ne pas les fréquenter. Que ce sont des gens perdus et qu’ils ne s’en sortiront jamais.

    Mais depuis le début, on ignore que lui non plus n’est pas de ceux qui peuvent s’en sortir.

    C’est comme cela.

    Dans la vie il y’a ceux qui réussissent, ceux qui échouent, et ceux qui se résignent en décidant de vivre avec.

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