• 004

    004

     Tout le monde est à table, sauf Ophélia qui joue encore à faire des bulles de savon ; il lui fait un signe de main pour lui rappeler qu’il faut qu’elle vienne s’asseoir avec les autres. Elle obéit immédiatement, dès qu’elle voit s’agiter la main de son père.

    004

     — Tu t’assois papa ? demande Kylian en tournant la tête vers lui. 

     — Euh... Non, en fait j’ai pas faim. J’embauche tôt pour ma première journée alors je vais regarder la télé avant d’aller me préparer. Annonce-t-il avant de détaler dans le salon, loin de cette ambiance glaciale qui règne dans cette pièce. 

     Mais les enfants ne sont pas dupes ; ils ont bien entendu crier hier, alors ils savent bien qu’aujourd’hui l’ambiance est orageuse entre leurs parents. 

    004

     Et puis il suffit de regarder Ophélia pour savoir que quelque chose de triste se passe dans la maison. Quand Ophélia sourit, c’est que son entourage est heureux ; et quand elle arbore une mine vide et sans vie, c’est que des gens souffrent autour d’elle. Et aujourd’hui, elle n’a pas encore décroché un seul sourire depuis qu’elle s’est réveillée. 

     — Et sinon, il est loin d’ici ce bahut ? demande Tiphanie pour relancer la conversation dans cette pièce qui s’enveloppe doucement d’une atmosphère plus que glaciale... 

     — Non, c’est vraiment pas loin, lui répond Claire, vous pourrez prendre le bus les jours de flemme, ou marcher quand vous voudrez vous faire un peu les mollets.

     — Le bus, le bus ! reprend Kylian, marcher c’est le mal, ça fait transpirer et puer !

    — Ca te ferai pas de mal, grosse fénéasse ! se moque Tiphanie en attaquant son bol de céréales.

      — Et sinon, commence Kylian, on fait quoi aujourd’hui nous ?

    — Quartier libre, répond sa mère, allez vous balader et découvrir un peu mieux Berlin, moi j’irai chercher vos uniformes et demain vous commencerez votre première journée.

    — OK, font en chœur Kylian et Tiphanie, avant de commencer à manger, en silence. Le déjeuner se déroule sans sourire et dans et dans une atmosphère des plus pesante et désagréable ; et Ophélia n’est pas dupe, elle se retourne sans cesse pour constater que son père est assis à part, isolé du reste du groupe. 

     Quelques minutes plus tard, les deux cadets de la maison se préparent à remonter dans leurs chambres respectives pour s’habiller correctement et faire ce qui était prévu : se balader dans Berlin aujourd’hui et découvrir un peu mieux leur nouvelle ville.

    004

     Mais Tiphanie reste plantée devant sa mère qui sort enfin de table. Les cris, hier soir, elle les a entendus, et elle n’est pas stupide : elle a bien compris qu’il y’a de l’eau dans le gaz entre ses parents, et ça lui fait terriblement peur.  

     — Qu’est-ce que tu veux Tif ? demande Claire en arrivant devant elle, tu rejoins pas ton frère et ta sœur ? 

     Elle lui répond par un mouvement de tête négatif, avant de la dévisager avec un air suspicieux.

    — Allez, file rejoindre les autres, reprend Claire, pour éviter de devoir commencer une conversation qu’elle ne souhaite pas vraiment voir débuter.

    L’adolescente est furieuse. Pourquoi ne lui parle-t-elle pas ? Elle a dix-sept ans maintenant et elle sait très bien analyser les problèmes qu’il y’a dans leur maison !! À croire qu’elle est mise au même niveau que les petits...

     Elle se retourne furieusement et s’éloigne sans dire un mot ; sa mère ne lui fait même pas assez confiance pour lui révéler que leur famille part en lambeaux !

     Claire regarde tristement sa fille s’éloigner ; elle soupire en réalisant que les disputes ont été parfaitement cernées et que les enfants ont maintenant peur. Il faut qu’avec Sacha ils se calment, pour le bien des petits au moins...  

    004

     Elle s’avance alors pour faire le premier pas ; il est toujours assis sur son canapé, rêveur, les yeux perdus dans le vague.

    — On a pas la télé encore... marmonne-t-elle en entrant dans la pièce. Qu’est-ce que tu regardes ?

    — Rien...

    004

     — Excuse-moi pour la gifle, lance rapidement Claire en évitant son regard. 

    004

     — Excuse-moi pour le « connasse », fait a son tour Sacha.  

     — J’avais déjà oublié, tente de sourire Claire, avec difficultés néanmoins ; ce mot lui a quand même laissé des séquelles.

    — Ce Jo... Il me rend dingue, je pourrai le buter tellement il me fout la haine.. Il peut pas se stabiliser et t’oublier un peu, dit ?

     — Mais il est stable Sacha, il a sa vie là-bas, soupire Claire, c’est juste un ami qui vient nous voir pendant ses congés... Il faut que tu arrêtes de le voir comme un rival, pas après dix-huit ans de mariage et trois enfants...

    — Je sais... Je réalise que je suis con, mais ce mec est une vraie fouine.. Marmonne-t-il en se triturant les doigts de stress, avant de reprendre, après avoir soufflé un grand coup, bon, je vais pas bosser aujourd’hui et on se fait une journée à faire les magasins de meubles pour la maison ?

     — Avec plaisir ! sourit joyeusement Claire en se retournant enfin vers lui, aux anges. 

     — Allez, c’est parti, fait-il en extirpant sa carcasse du canapé, vas te préparer, car tu mets toujours trois plombes !

    — Faut passer au lycée des enfants chercher les uniformes et finir les paperasses d’inscriptions aussi, informe Claire, tu viens ou tu restes ici en attendant ?

    L’idée n’enchante pas Sacha, mais vu qu’il n’a pas envie de replomber l’ambiance, il sourit et accepte de suivre son épouse.

    Claire n’en revient pas : les activités de ce style lui filent la nausée d’habitude, et là, aujourd’hui, il accepte de venir faire les magasins de meubles ET les formalités pénibles liées à la scolarité de leurs enfants ; elle est tout simplement ébahie, mais ravie.

     

     

    *

     

     

    Quelques heures et magasins divers plus tard... 

     — On a de la chance, fait Sacha, ils vont presque tout nous livrer demain ! 

     — Oui c’est sûr, ajoute Claire en sortant du réfrigérateur de quoi faire un fondant au chocolat. Tu as vu le salon qu’on a choisi comme il est beau ! On va vraiment être bien avec, le canapé c’est un vrai régal !  

     — Oui, il est pas mal... sourit Sacha en se rapprochant discrètement de la jeune femme.

    — Sacha, je t’ai vu ! rit-elle, mais sois sage et laisse-moi faire mon gâteau ! Il doit être prêt pour le dessert ce soir.

    004

     — Hmmmm.. Grommelle Sacha, comment tu me captes trop vite, y’a plus de suspens... termine-t-il d’une voix plus sensuelle en lui caressant le bras du bout de l’index.

    — Tututu petit coquin, taquine Claire en l’esquivant pour aller glisser sa préparation dans le grand four électrique.

     — Combien de temps de cuisson ? demande-t-il avec un large sourire qui en dit long, mais que Claire a vite compris puisqu’elle se jette avec passion sur lui en murmurant ; 

    004

    — On a vingt minutes...  

    004

     — Hmmmm, ça devrait suffire... murmure-t-il a son tour en glissant ses mains sous cette robe légère afin de chercher rapidement ce petit string rouge qu’elle doit porter... son préféré : le rouge en dentelle.

    — Mamaaaaaaaaaaaaannnnnnnnnnnnn, hurle soudain une petite voix stridente, suivie de plusieurs bruits de pas pressé qui se rapproche rapidement.

    004

     — Raaah, marmonne Sacha, quand c’est pas le portable c’est un des mômes..

    — Faites des gosses qu’ils disaient.. Rit doucement Claire en se décollant de son époux.

    004

     — Il est hors de question que j’aille en cours avec ce truc !!!!!!!! beugle Tiphanie en pénétrant dans la cuisine, oops... Je vous dérange ?

    — Non non Tif, sourit Claire, qu’est-ce qu’il y’a mon poussin ? Elle est pas bien ta tenue ?

    004

     — Tu te moques de moi ?? reprend l’adolescente. Nan, mais regardes ma jupe !!!!!! Elle est à ras-la-foune !!

    Sacha ne peut s’empêcher d’exploser de rire en entendant cette expression, surtout qu’il constate qu’en effet, cette jupe est tout sauf longue.

    — Le proviseur de ce lycée est un homme, obligé... lui dit-il en ne pouvant retenir un petit rire.

    — Vous vous foutez de ma gueule !!! s’énerve Tiphanie, furieuse de voir que personne ne réalise la honte qu’elle va avoir à porter ça toute la journée au lycée, elle qui ne porte d’habitude jamais de jupes !

    — Mais non ma chérie, on se moque pas de toi, tente Claire pour calmer le jeu, je t’assure que tu es très mignonne comme ça. 

     — Et les talons !! reprend Tiphanie, t’as vus les talons ?? On dirait une pouf !!! En plus je manque de me casser la tronche à chaque pas, c’est génial ! Sérieusement c'est quoi ce téléchargement douteux Minaya ?!?

    — Ca suffit maintenant Tif, soupire Sacha, de toute façon que tu sois contente ou pas c’est la même chose, ce lycée a une excellente réputation et il est près de la maison, alors tu iras là-bas, dans cet uniforme, que ça te plaise ou non. 

     — Trop trop marre !!!!! râle une dernière fois Tiphanie avant de disparaitre dans le couloir en titubant à cause de ses talons. 

     — Il va falloir qu’elle apprenne à marcher avec ça, rit Sacha une fois que l’adolescente les a quittés.

    — C’est pas bien dur, elle s’y fera vite, sourit Claire, ça va nous la féminiser un peu cet uniforme tiens, c’est pas si mal ! 

    004

     — Et sinon... On en était où déjà nous ? demande Sacha en attrapant vivement son épouse pour l’enserrer fermement dans l’étau créé par ses bras. 

    004

    — On a encore... disons.. Un quart d’heure... lui sourit Claire avec un air terriblement coquin qui veut tout dire.

    — Ne perdons pas une minute de plus !! s’exclame Sacha en se jetant littéralement sur sa proie pour s’emparer de ses lèvres avec avidité.

    004

     Affamée, Claire le serre aussi contre elle, répondant à ses baisers avec un désir non dissimulé et regrettant de ne pas pouvoir passer à l'acte immédiatement, sur le comptoir de cuisine !

    004

     Et cette envie semble totalement réciproque, vu qu’elle sent rapidement quelque chose de dur lui pousser le bas-ventre avec insistance ; elle en rougit et s’enroule autour de son homme de la manière la plus sensuelle qui soit, afin de l’exciter encore et toujours plus, avant de lui murmurer tout bas : —on monte, mon coeur?

    004

     — Qu’est-ce qui vibre dans ta poche ? Murmure soudain Sacha, entre deux baisers humides sur le cou de sa dulcinée qui se tortille de plaisir.

    004


     — Hein..? gémit à moitié celle-là, complètement obsédée par l’instant présent pour se préoccuper de son portable qui vibre en silencieux dans la poche de sa robe. 

     — Ton portable sonne ! reprend Sacha en interrompant momentanément son activité, c’est qui ? 

    « 003005 »