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    - M.. Mon frère! Où.. Où est mon frè.. Mon frère!!! Il.. Il est arrivé quelque chose à mon frère!!

    - Un cauchemar, Eva. Tu as dû faire un cauchemar.. Rendors-toi.

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    - Non. Je le sens, je le sais.!! Il.. Il lui est arrivé quelque chose!!

    - Mais non.. Soupire affectueusement Raphael avec un doux sourire, - ce n'était qu'un...

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    - Mon téléphone! Je.. Il faut que je lui parle!!

    - À cette heure-ci? Tu vas sans doute le réveiller et il t'enverra aussitôt rôtir en enfer, taquine gentiment Raphaël, pas du tout décidé à prendre au sérieux la crise de paranoïa de sa petite amie.

    Petite amie qui se précipite soudain à vive allure vers son Trench pour récupérer d'un geste vif son téléphone portable de la poche du vêtement.

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    - Tu es têtue! soupire Raphaël avec ironie en se relevant à son tour de son lit pour se rapprocher de sa moitié qui compose déjà le numéro de son frère avec nervosité.

    - Etant fils unique, il y'a des choses que tu ne peux pas comprendre, qu'elle lui marmonne en réponse en portant son téléphone a son oreille, attendant sagement au rythme des tonalités.

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    - Alors? questionne quelques secondes plus tard Raphaël en enlaçant tendrement son interlocutrice, - ça sonne ? C'est sa messagerie ?

    - Ça sonne.

    - Cool!

    Mais dix minutes plus tard, le jeune Bauer se rendra vite compte qu'il avait jugé la situation bien hâtivement en la jugeant ainsi : car en effet, elle est désormais tout, sauf cool..

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    - Allez, raccroche, Eva. Tu vois bien que ça ne décroche pas. Il doit être en train de dormir.

    - Fiche-moi la paix, je ferais sonner ce putain de portable jusqu'a ce qu'il y'ait une réaction a l'autre bout du fil! Car s'il était en train de DORMIR, son portable serait éteint!

    - Oh, ça va! Pas la peine de le prendre sur ce ton, pffft, s'agace en conséquence Raphaël en se dirigeant vers sa cuisine pour y chercher un rafraichissement.

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    - Allo?! fais tout à coup et vivement, Eva, dans son téléphone, en réalisant que la communication vient d'être prise, - Jeff ?!?

    - Euh.. Semble hésiter une voix timide de l'autre côté du combiné.

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    Une voix que la jeune fille ne pense pas reconnaitre.

    Une voix fluette.

    Tout l'opposé de la voix grave, parfois rauque, de son frangin.

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    - Qui êtes-vous? Où est Jeffrey?!

    - Euh.. Je suis un ami. Je m'appelle Christofer, et..

    - Où est Jeffrey ?! Passez-moi Jeffrey!!

    - Euh.. C'est-à-dire que là, il est plutôt mal en point.. Mais on l'emmène aux urgences d'Helldenbu...

    - Arrête!! Tais-toi, et raccroche! Tu ne sais pas qui est au bout du fil, bouffon!  entend brusquement grogner Eva derrière son interlocuteur.

    Très vite, elle reprend alors, imperturbable,

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    - Helldenburg? Ok, j'arrive.

    - Euh.. mais... Bafouille le fameux Christofer a l'autre bout du fil, désormais honteux devant ses amis d'en avoir peut-être trop dit a quelqu'un qu'il ne connait pas. Quelqu'un dont il ne sait strictement rien des intentions...

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    - Alors? questionne de nouveau Raphaël avec inquiétude en revenant vers sa petite amie qui vient de raccrocher sa communication, - c'était qui au téléphone ?

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    - Un type qui... qui emmène Jeff a Helldenburg. Il faut que j'y aille.

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    - Ok. Je viens avec toi.

     

     

     *

     

     

    Peu après, c'est livide qu'Eva arrivera dans l'enceinte de l'hôpital que le jeune christofer lui a indiqué. Livide. Oui, la jeune fille est désormais livide. À l'idée de ce que l'on pourrait bien lui apprendre entre ces murs. Le pire, peut-être. Le pire, sans doute. Un affreux pressentiment s'amusant à le lui faire envisager avec certitude.

    - Bonjour, on cherche Jeffrey Beckers, fera-t-elle à l'accueil de l'hôpital, devant cette réceptionniste pas très fute-fute, a moitié en train de se manger les ongles. Mais nourrissez là! nom de dieu, qu'elle lui dirait bien. Agacée par cette attitude désinvolte.

    - Nous pensons qu'il a été emmené chez vous il y'a peu, suite a un accident, enchaine Raphaël pour compléter sa petite amie.

    - Le gamin qui s'est fait poignarder? Oui. Il est en salle d'op. Cinquième étage, tout au bout du couloir.

    À l'écoute cette phrase, Eva sent qu'elle pourrait bien en tomber dans les pommes, mais heureusement, le bras de son compagnon est près du sien pour qu'elle s'y aggripe. Son pressentiment se réalise lentement...

    - Merci beaucoup, reprend poliment Raphaël, avant d'ajouter en prenant la main de sa petite amie, - allez viens, on y va.

     

     

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    Enfin arrivés dans le fameux couloir, les deux amoureux peuvent désormais faire la connaissance de Christofer et Oliver qui sont assis tous deux devant la porte de la salle d'opération qu'on leur a indiquée. Xaver et Angelika n'étant, comme par hasard, pas sur les lieux.

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    - Je.. Jeffrey Beckers? questionnera Eva en se dirigeant vers les deux jeunes hommes, indiquant du regard la salle réservée aux chirurgiens.

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    - Euh, ouais.. Et vous? Vous êtes? répondra en premier Olivier avec inquiétudes : lui et son ami ici présent ont tout de même été témoins d'une tentative d'assassinat et même s'ils ont ensuite très vite réagi en portant ici le blessé, il n'arrive pas à rester serein.

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    - Sa soeur, informe Eva avec suspicion à ses deux interlocuteurs, - sa soeur, qui connait d'ordinaire tout ses amis proches...

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    - Nous ne sommes pas vraiment amis, en fait! apprend Christofer avec honnêteté, - pour tout vous dire, nous avons fait sa connaissance ce soir..

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    - Alors, racontez-nous comment cela est arrivé? intervient froidement Raphaël.

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    - Sûr! ne se démonte pas Oliver.

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    Alors qu'ils sortaient d'une boite de nuit après une soirée des plus arrosées et festives, lui et son meilleur ami ici présent ont retrouvé le jeune Beckers poignardé dans une ruelle, se vidant de son sang avec intensité.

    N'écoutant alors que leur courage à tout les deux, les jeunes hommes se sont aussitôt précipités vers lui pour le secourir.

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    Un bien noble scénario qu'Eva et Raphaël sont aussitôt obligés de croire, bien conscients que leur jeune ami Jeffrey a en ce moment des soucis avec quelques sombres personnalités berlinoises.

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    Une demie-heure plus tard, le verdict des médecins tombe enfin : le blessé est finalement tombé dans un profond coma suite à sa blessure des plus graves.

    Il avait perdu énormément de sang et une équipe entière de chirurgien aura tout de même tout tenté pour lui, ce soir. Mais cela n'était apparemment pas suffisant...

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    Les larmes commencent à couler. Les hurlements à fuser. Ce n'est pas juste !

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    Tout le monde sait ce que signifie réellement le mot coma ! C'est-à-dire que celui qui y entre, a généralement déjà un pieds dans la tombe...

    Et le pire, pour les proches du jeune mourant, c'est qu'ils n'ont personne vers qui se retourner pour hurler leur haine et leur désespoir. Ils ignorent l'identité du meurtrier de leur Jeffrey.. Ils l'ignorent tous.

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    Tous... sauf trois jeunes hommes ce soir abattus par l'acte d'une certaine demoiselle.

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    Xaver le premier. L'amant blasé qui s'est empressé de rompre son union avec la jeune tueuse, trop terrifié par la flagrante folie de la jeune fille pour accepter de continuer quoi que ce soit avec.

     

     

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    Abandonnée par un homme. Angelika vient de se faire de nouveau abandonner par un homme.

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    Mais elle s'en fiche. Fière et droite devant son miroir de salle de bain, elle  contemple désormais  son reflet.

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    Une image qui impose le respect et la crainte. Une image qu'elle applaudit intérieurement, car elle a su rendre la justice rien qu'à l'aide de ses petites mains frêles et fragiles !

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    La brunette jubile et s'aime de plus en plus. Un sourire malsain nait lentement sur son visage. Elle a accompli son devoir...


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    Elle lui a fait payer.. À ce chien. Justice est faite!

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    - Angelika? pénètre soudain sa mère dans la pièce, inquiète pour sa fille entrée là-dedans depuis maintenant plus d'une heure, - est-ce que ça va, ma chérie ?

    Bien sûr, cette mère douce et attentive est prête à tout pour consoler la peine que dois ressentir son enfant unique, la chair de sa chair, l'amour de sa vie. Sa grande chérie.. Son petit ange doux et délicat.

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    - Il est mort... marmonne l'adolescente d'une voix d'outre-tombe, avec une goutte de sang qui lui dégouline le long de la lèvre. Zut, elle ne s'en était même pas rendu compte.. À force de jubiler dans un état second, elle s'est mordu avec délice et folie.

    - Non ma chérie, il va s'en sortir ton petit Jeff, ne t'en fais pas... tente de rassurer la mère, le coeur terriblement gros, - oh, mais tu t'es blessée.. On va t'essuyer ça.

    - Non. Laisse, reprend l'adolescente avec froideur, dévisageant sa mère avec mépris lorsque celle-ci commence à imbiber un coton de syntol.

    - Ça ne va pas piquer, mon ange, ne t'en fais pas.

    - Je t'ai dit de LAISSER!

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    Surprise par le ton haineux de son enfant, la jeune mère arrête brusquement son action et jette son bout de coton dans l'évier à côté d'elle.

    Son coeur bat désormais comme un fou et sans vraiment en comprendre la raison, elle commence à s'attendre au pire..

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    - Voilà, et maintenant.. Tu dégage! Reprend d'une voix glaciale Angelika en revenant admirer son reflet dans le miroir, pour lui marmonner dans un état second et avec satisfaction, une fois sa mère sortie de la pièce,- Niark! Tu as fait ce que tu avais à faire! Il ne méritait que ça!

     

     

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    Deux jours plus tard, la vérité éclate brutalement au grand jour.

    La mère Ritter se décide à dénoncer aux autorités compétentes la culpabilité de sa fille dans l'agression du jeune Beckers : la veille, l'adolescente a tenté de la battre avec une poêle à frire... La mère désespérée n'a donc désormais plus le moindre doute sur la capacité de son enfant à pouvoir tuer. Déjà, ce soir là, dans la salle de bain, elle avait eu de gros doutes.... Son enfant n'avait plus rien d'humain ni de censé au creux du regard.

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    Psychologiquement dérangée, qu'on accusera très vite la jeune Angelika Ritter. Férocement protégée par un avocat payé par sa gentille mère qui ne veut tout de même pas le pire pour son enfant. Un séjour en hôpital psychiatrique serait suffisant... La jeune maman ne veut que retrouver son petit ange. Sa fille à elle, sa douce et pure Angélika, pas encore pervertie par cette chose perfide qu'est l'amour...

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    Et cette sentence, proposée par quelques juges pour enfants, finit par être acceptée par la plus grande majorité d'entre eux. L'adolescente accusée étant mineure et n'ayant été, jusqu'a maintenant, qu'un exemple de petite jeune fille modèle...

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    Voilà donc comment expliquer que deux semaines plus tard, la petite Angelika Ritter se retrouvera dans cet établissement aux murs blancs et a la peinture délavée, entourée de divers fous à lier, psychopathes et arriérés, pensant encore et encore à ce jeune homme qui se tordait de douleur ce soir-là, lorsqu'elle l'a poignardé avec sang-froid et avec délectation. La vengeance étant un plat qui se mange froid, Angelika avait mangé surgelé ce soir-là !

     

     

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    Deux semaines. Cela fait déjà deux semaines que Jeffrey Beckers est plongé dans ce profond coma.

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    Deux semaines. Cela fait déjà deux semaines que Vanessa Beckers devient folle face au mutisme, à l'isolement total et à l'auto-mutilation du dernier enfant qui lui reste...

    "Une entaille par jour sans lui."

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    Tous les jours, cette mère désespérée retrouve son dernier jumeau assis, ou allongé en sang sur son lit. Punissant ses bras et jambes de vifs et violents coups de rasoir pour le sommeil actuel -et peut-être définitif- de son frère. Elle se fait ainsi payer.... d'être encore en vie et en pleine santé, elle.

    "Les plus faibles qui ne sont pas tués par la société finissent par se tuer eux-même" [Damien Saez]

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    Oui, l'adolescente ne parle plus. Ne va plus en cours et ne mange que rarement. Et encore.. Sa mère doit constamment lui abandonner un plateau repas dans sa chambre pour espérer la faire grignoter quelques bouchées.

    "Nombreux sont ceux qui vivent et qui méritent la mort, quand certains qui meurent méritent la  vie" [J.R.R Tolkien]

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    "S'il part, je pars."

    C'est ce qu'elle soufflera soudain d'une voix faible et impassible à sa mère, ce soir là, expliquant ainsi les raisons logiques de son auto-destruction, pour la faire aussitôt tomber au sol, hurlant de désespoir face à sa propre impuissance..

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    Il est certain qu'un jeune homme aurait sans doute pu l'aider à sauver son enfant du gouffre béant dans lequel il s'enlise doucement, attendant patiemment une morte lente et douloureuse.

    Un jeune homme qui n'est pas revenu sur Berlin depuis plus d'une semaine. Un jeune homme qui n'a plus contacté ni sa petite amie, ni son groupe de musique, depuis qu'il est rentré précipitamment dans son village natal.

    Un jeune homme qui devait, il y'a un peu plus d'une semaine, parler d'urgence à sa mère. Allant jusqu'à carrément sauter dans le premier train en partance pour ce port où il a grandi et été élevé, pour parler de vive voix à cette femme qui lui a donné la vie : ses doutes et frayeurs le rongeant beaucoup trop pour qu'il puisse continuer de fermer les yeux sur ses éventuelles origines.

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    Et comme il le désirait, ce soir-là... Deux heures après son retour dans la maison familiale, le fameux voile a été levé.


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    - Ma.. Maman? avait balbutié avec surpriseRaphaël en rentrant chez lui pour surprendre la concernée acculée contre le réfrigérateur de la cuisine et contre un homme que sur le coup, lui ne reconnaissait pas encore.

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    Sur le coup, parce que lorsque la tête de cet intrus mystérieux a soudain pivoté dans sa direction pour réaliser sa présence, l'adolescent a très vite reconnu un détail sur son faciès aux traits tirés : ses yeux...

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    - Vous, vous... qu'il a donc marmonné sans attendre, fronçant les sourcils dans la seconde en s'avançant aussitôt vers l'homme qu"il avait connu masqué,

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    - Raphaël! Je.. Je.. Mais que fais-tu... tenta de lui faire sa mère à ce moment-là, ramenant ses mains vers sa poitrine avec honte et désespoir de se trouver dans une pareille situation devant son enfant.

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    - Tu n'auras pas mis longtemps à revenir à la maison! se pressa de taquiner l'invité surprise et violeur de mère : oui parce que Raphael  n'était pas dupe ! Il avait bien réalisé les intentions du fou aux yeux bleus... Et ça, jamais il ne le lui pardonnerait ! 

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    - Le malade du masque! Matthias Kayne, je suppose!! se pressait alors de grogner Raphaël en poussant violemment l'intrus du foyer familial, avant de le menacer avec haine, en serrant les poings et rn se plantant devant sa mère pour faire barrière, - dégagez et oubliez nous, espèce de fou! Si jamais je vous revois rôder autour de ma mère, je vous jure que ça va très mal aller!

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    - Questionne ta maman sur ton papa, mon poussin, provoqua simplement et en retour Matthias avec un sourire en coin qui en dit long, tout en se dirigeant d'un pas léger et serein vers la sortie de la demeure, - questionne là! Vite! Tu en apprendras de belles!

    - La ferme, Matt''!!! se terrifiait brusquement Jeyne Bauer, de nouveau en larmes, tout en s'agrippant au dos de son enfant, les mains tremblantes et l'estomac noué : le moment de vérité semblait arrivé..





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