*

Arrivée au gymnase de son frère, le coeur d'Eva se serre soudain lorsqu'elle aperçoit que là, sur l'un des bancs spectateurs, devant elle, se trouve une jeune fille qu'elle reconnait bien... et qui est en train d'assister sagement a l'entrainement de son frère jumeau.

Angelika.

Cette petite idiote qu'elle a traité de tous les noms d'oiseaux possibles. Parce qu'elle venait de voler le petit ami de sa meilleure amie.

Cette petite idiote, qui est là pour son frère, elle...

Cette petite idiote qui.. qui.. Qu'elle déteste pourtant profondément, 

... mais qu'elle va soudain se décider à saluer,

- Salut, tout en s'asseyant à ses côtés.

- Salut.. lui réponds aussitôt et d'une petite voix timide. "ais-je l'air cannibale?" se demande soudain Eva, blasée par l'attitude de sa voisine.

- Pas la peine de prendre cet air apeuré, je ne vais pas te manger.

- Mais, mais.. mais mais, je...

- Je ne t'aime pas, c'est vrai. Mais je te respecte parce que tu es là pour lui. 

- Je.. Je.. Je comprends que tu me détestes...

- Encore heureux. Vu ce que tu as fait.

- Je.. Je suis désolée.. De toute façon, pour toi je ne peux être que la méchante, alors..

- Normal, Paula est mon amie.

- Oui, c'est sûr.. Et moi, je.. je..

- Quoi? Tu ne vas pas te mettre à chialer maintenant, tout de même! Après Jeff va croire que c'est de ma faute!

- Et moi je n'ai jamais été ton amie, et ça, je ne l'ai jamais compris! commence a marmonner tout bas la brunette, les yeux emplis de grosses larmes, - alors qu'on est voisines, et que je m'entends bien avec Jeff, et tout.. Mais toi, tu n'es jamais venue vers moi pour me parler..

- On n’a peut-être pas les mêmes centres d'intérêt sans doute! Y a des gens avec qui on accroche jamais! Wah, regarde, ce panier! Il a fait des progrès, j'ai l'impression!!!

- Je l'ai toujours aimé, tu sais.. Bien avant que Paula ne s'intéresse à lui, elle...

- Moui.. Mais ne le prends pas mal, j'aimerai qu'un jour il te brise le coeur de la même manière qu'il a brisé le sien. Pour que tu réalises à quel point la trahison peut faire mal!

- Je.. Je.. Pourquoi dis-tu ça? Est-ce que quelqu'un t'a trahie, toi?

- Non. Moi j'aime un garçon, mais je mets ces sentiments en stand-by pour son bien-être. Chose que toi tu n'as pas su faire pour sauver le couple de Paula.

- M.. Mais.. Tu es injuste! Pour toi, il ne peut pas réaliser qu'il m'aime et qu'il a fait une erreur en étant avec elle!! Tu me détestes tellement que tu..

- Mais il ne sait même pas ce que c'est que l'amour, mon frère! Ouvre les yeux! C'est un coeur tendre qui fond dès qu'on lui fait un sourire! Aujourd'hui, c'est toi, mais demain tu pourrais très bien être cocue juste parce qu'une autre fille, plus mignonne et adorable que toi, lui aurait offert son goûter! J'extrapole à peine.... Tsss... depuis le temps que tu le connais, tu ne sais pas encore comment il fonctionne?!

- Tu.. Tu.. Tu penses que.. que.. ?! commence à paniquer Angelika, complètement terrassée par la possibiltié énoncée par son interlocutrice.

- J'en suis certaine.

- Hey, les filles!! arrive joyeusement vers les demoiselles, le sujet de leur conversation, - vous êtes deux mauvaises groupies! Je ne vous ai pas entendu me crier votre amour!!

- Retourne t'entrainer plutôt, gros laid, le taquine sa soeur jumelle, - on a remarqué que tes dunks, c'était pas encore ça!! Si tu fais les mêmes demain, je peux te dire que tes adversaires vont rigoler!!

- Gniii, oh toi, tu vas me payer ça!! fais semblant de se vexer le jeune homme, avant de faire demi-tour pour revenir en courant sur le terrain.

- Il est beau, sourit affectueusement Angelika, les yeux rivés sur son petit ami. Elle espère ainsi changer brutalement de sujet de conversation avec sa voisine, et peut-être, se trouver quelques affinités avec.

- J'avoue. C'est un beau gosse.

- C'est bon, on a fini, finalement!! revient Jeffrey vers ses groupies, même pas dix secondes plus tard.

- Déjà? Fénéasse!!! l'embête sa soeur.

- Ouais, c'est la pause, saleté!! Et j'ai la dalle! Ca vous dis un mac do?!

- Pas très sain avant de reprendre l'entrainement, ça, lui sourit amoureusement Angelika, complètement émoustillée par sa présence.

- Ouais, je sais, répond le jeune homme en riant, - mais tant pis! Là j'ai tellement la dalle qu'il n'y a qu'un 280 et un Deluxe qui pourraient me calmer!!

- Alors goooo! incite Eva en se relevant de sa chaise, - mais tu vas te laver d'abord, non? Parce que tu fouettes là, un truc de malades!!

- Gniiiiiii, oh mais toi!!! Continue comme ça et tu vas finir enterrée dans une déchetterie!!!

Et sur ce, il détale en courant vers ses vestiaires. Laissant deux jeunes filles amusées derrière lui.

*

Après un copieux déjeuner au Mac Donald, les trois jeunes gens sont de retour au gymnase et Jeffrey entame un petit match amical avec ses amis : l'équipe de basket de son lycée.

De leur côté, Eva et Angelika continuent de discuter de tout et de rien, apprenant ainsi à se connaitre un peu mieux. Tellement, qu'au bout d'une heure, elles finissent par rire ensemble. Ce qu'elles n'avaient encore jamais fait jusqu'à présent.

Puis, et le plus joyeusement possible, elles finissent par se lever de leurs bancs pour jouer les pom pom girl pour leur basketteur préféré : celui-ci étant en train d'exécuter une belle action de défense en bloquant un panier ennemi.

Angelika, plus amoureuse que jamais, ne peut s'empêcher de crier joyeusement le prénom de son petit ami pour l'encourager.

Seulement, ce cri strident perturbe brusquement la concentration du jeune Jeffrey qui est obligé de tourner la tête par réflexe pour chercher sa provenance, relâchant ainsi son attention et sa vigilance.

Alors qu'il était en plein saut. Alors qu'a la place, il aurait dû être plus que concentré, pour réussir a se réceptionner correctement une fois retombé au sol.

Mais Angelika ne pouvait imaginer qu'elle serait responsable de cela. De sa soudaine chute. Suivie très rapidement de son cri de douleur qui a aussitôt paralysé d'effroi tous ses amis basketteurs : le jeune homme étant quasiment le meilleur élément de leur équipe, ils craignent évidemment le pire pour le match qui doit avoir lieu le lendemain.

C'est donc porté par les bras de deux amis que l'adolescent rejoint son vestiaire, en serrant fermement les dents à cause de cette maudite douleur : une entorse surement. Voir une cheville foulée, à tous les coups. Il en est certain, il en est persuadé, en sentant brusquement une rage folle monter en lui ; bien sûr, il se réalise dans la probable incapacité à disputer un match décisif pour lequel il s'entraine sans relâche depuis de nombreuses semaines.

De son côté, Angelika, toujours accompagnée d'Eva, se décide a choisir pile ce moment-là, celui où son petit ami est au bord de la crise de nerfs, pour débouler dans son vestiaire, l'air inquièt.

La réaction du jeune homme est donc prévisible : il craque.

Il craque et se lève d'un bond - en titubant à moitié à cause de sa cheville horriblement douloureuse - lorsqu'elle ose lui demander s'il va bien, s'il n'a rien de grave, pour se jeter sur elle et la plaquer avec violence contre les casiers derrière elle.

- Si jamais je ne peux pas jouer demain, je te tues!!!

Qu'il la cingle d'une voix glaciale et haineuse. Un ton féroce et impitoyable qui surprend même sa soeur jumelle, qui se met rapidement à craindre qu'il en vienne aux mains avec la jeune fille. 

- Toi aussi, me cherche pas!!! en serre les poings de rage et frustration le jeune homme, avant de retourner s'asseoir sur l'un des bancs du vestiaire en bougonnant.

- On va te mettre de la glace et demain ça ira mieux! Pas la peine d'en faire tout un plat! reprend Eva avec assurance.

- Si ça te fais trop mal, on te descend à l'infirmerie, propose Kirian, l'un des amis basketteurs du blessé, - tu veux?Tu as mal comment, à peu près?!

- C'est bon, je vais faire ce qu'il faut. Ne vous inquiétez pas et retournez à l'entrainement! tente de rassurer Jeffrey alors qu'il n'a jamais eu aussi mal de toute sa vie. La douleur qu'il ressent est comparable à une cheville foulée, voire plus encore. Il ne craint évidemment pas que son os soit brisé, mais il ne s'imagine pas pouvoir se tenir debout le lendemain et cela le terrifie au plus haut point.

- Tu es sûr? On peut te laisser? demande confirmation Jerty, un autre ami basketteur, toujours inquièt.

- Ouais! Ça ira, j'ai dit! Alors retournez sur le terrain!!!

- Ok, se résignent alors les jeunes hommes pourtant morts d'inquiétudes.

- Aide-moi à marcher, on rentre, grommelle ensuite Jeffrey en direction de sa soeur qui se presse de lui obéir en soupirant,

- Tout ça pour faire le mariole à dunker...!

- EVA!!!!!!!!!!!! grogne aussitôt Jeffrey face à cette blague affreusement douteuse dans pareille circonstance.

- Quoi? Je ne m’y connais peut-être pas beaucoup en basket, mais je sais que le Dunk c'est surtout pour la frime!

- Ralentiii, ça fait mal!! Tu veux me tuer, ou quoi!!!

- Oh la la mais quelle lopette!!ne peut s'empêcher de taquiner affectueusement Eva, tandis que son frère s'emporte soudain en direction d'une certaine brunette qui les suis à quelques mètres de distance,

- TOI, tu dégages!

- M.. Mais.. Jeff... sanglote Angelika avec désespoir, avant de jeter un regard vers une probable alliée qui pourrait lui venir en aide : Eva... Qui intervient alors, sentant bien la rage de son frère revenir à son paroxysme, 

- Va t'en, stp..

Deux mots, un signe de tête qui en dit long, et la jeune Angelika comprend rapidement le message : « Ne nous suis pas, s.t.p. »

- Go!! On se casse!! incite furieusement Jeffrey pour faire avancer sa soeur et abandonner là, derrière eux, un visage qu'il ne veut plus voir aujourd'hui, - Go go goooooooooooo! 

- Jeffrey...

*

Quelques heures, massages, et bandages plus tard, la nuit tombe doucement et Jeffrey Beckers se tord encore de douleur sous le regard inquiet de sa soeur jumelle qui commence à se demander si cela est normal de souffrir autant pour une simple foulure. Surtout son frère n'avait encore jamais été du genre "douillet" jusqu'à aujourd'hui.

- C'est pas normal, ouais, grommelle son frère en retour, avant de lui demander d'appeler leur mère pour qu'elle le conduise chez leur médecin de famille. Il est désormais plus paniqué que jamais.

*

Une initiative que le jeune homme à bien fait de prendre, puisque celui-ci ne va pas tarder à prendre peur devant l'état de sa cheville, en lui criant qu'il aurait dû venir avant, "ce sale gosse!"

- Mais euh, c'est pas si grave quand même, doc? larmonnera timidement Jeffrey avant de questionner avec anxiété, - et ça m'empêchera pas de jouer demain, hein? Est-ce que tu peux me filer des antis-douleur, s.t.p...

Une question qui aura une réaction immédiate de la part du médecin, sur un ton plutôt ironique,

- C'est une blague, Jeff?

- Euh...

- Ce match est important pour lui, Reise, intervient alors Vanessa pour plaider la cause de son fiston, - alors tu ne penses pas que...

- Mais c'est mort, Jeff! C'est mort! revient le médecin en direction du jeune blessé, - oublie ton match de demain, car pour toi c'est repos jusqu'à nouvel ordre. Et ce n'est pas discutable!

- Pour une entorse à la con?? s'offusque avec agacement l'adolescent,

- On va aller aux urgences pour te faire une radio, histoire de vérifier mes dires. Mais moi rien qu'en constatant ton ecchymose et le fait que ton pied ai déjà doublé de volume, je peux te dire que tu t'es fait une bonne grosse entorse! 

- J'en ai rien à foutre, je joue demain, s'obstine en maugréant tout bas Jeffrey,

- Allez, debout! lui fait son médecin en l'aidant à se relever de son canapé pour qu'il prenne ensuite appui sur lui pour marcher, - je suis désolé Jeff. On en saura plus avec cette radio, c'est sûr, mais je peux déjà t'assurer que pour demain, c'est mort. Tu ne devras participer jouer sous aucun prétexte! Alors pour une fois, ne joue pas au con. Ne te flingues pas définitivement la cheville pour un simple match. Ca serait vraiment trop bête, non ? D'en payer ensuite le prix pour le reste de ta vie ...

*

*      *

Le lendemain, c'est un match qui fait fureur - et auquel Jeffrey Beckers a formellement interdiction de participer - qui se déroule au gymnase Berlinocht.

Le score est pour l'instant exaeco, mais Jeffrey, nerveusement assis sur le banc de touche, n'arrête désormais plus de se ronger les ongles.

Son équipe est déstabilisée par son absence et il le sait ; puisqu'il est leur capitaine et que c'est lui qui mène généralement les attaques.

Et voilà. Il s'en serait douté. L'avantage passe soudain à l'ennemi. Par un Dunk magnifique, en plus!

Jeffrey rage, fulmine. Là, assis sur son banc, aux côtés de son entraineur, il n'en peux plus, se triture les doigts et prie le ciel que son équipe remonte le score.

Mais non. Deux nouveaux points s'affichent brusquement au compteur. Et toujours du côté adverse, bien entendu. Jeffrey craque alors et se relève de son banc pour s'adresser à son entraineur - qui a bien sûr reçu l'ordre de ne le laisser entrer sur le terrain sous aucun prétexte -,

- Je vous en prie, laissez moi y aller !!!!!

- Assieds toi, se contente de lui répondre son interlocuteur, toujours assis avec nonchalance et confortablement adossé contre le dossier du banc.

- Mais on va perdre!

- Au prochain quart-temps, on changera de stratégie.

- Au prochain quart-temps, je les rejoindrai!

- Jeffrey, est-ce que tu as bien saisi ce que t'as dit ton médecin? Qu'une prochaine chute serait fatale à ta cheville et que ce match pourrait être ton dernier si tu y participes?

- Je sais, monsieur! Mais je ne suis pas idiot et ne forcerais pas sur mon pied si vous me laissez y aller. Je vous le promets!

- Je ne peux pas prendre le risque de porter la culpabilité de la fin de tes rêves, mon grand. S'il t'arrivait quoi que ce soit et que ce match te flingue définitivement la cheville jusqu'à compromettre une éventuelle carrière sportive plus tard, je ne me le pardonnerais pas. Tu le sais aussi bien que moi que tu es doué, et tu as très certainement un avenir brillant dans ce sport. C'est à ça que l'on doit penser en cette sombre journée. 

- M.. Mais...Pitié...

- Il n'y a pas de "mais" qui tienne. Rassieds-toi, maintenant. Et penses à tes projets futurs. Dis toi que ce match n'est rien à coté des prochains que tu gagneras !