Par une nuit calme et étoilée...

...Pendant laquelle j'effectue ce qui est rapidement devenu une sorte de petit rituel de vie, depuis pas mal d'années maintenant ; en fait, depuis que ma mère et moi avons quittés le château pour habiter dans une petite maison des environs ; très mignonne selon les goûts de ma mère ; mais hideuse selon les miens.

Hideuse, classique, et banale ; la maison de monsieur tout-le-monde, quoi.

Mais ce château était le nôtre.

Celui de la famille maternelle depuis des générations.

Pour cette raison, nous ne devions pas déménager!

Pour cette raison, je l'ai maudite du plus profond de mon être lorsqu'elle prit cette décision a l'époque ; seule.

Sans se soucier du moindre de mes avis et ressentiments.

Certes, oui, je n'étais encore qu'un gamin très jeune.

Certes...

Mais cela ne m'empêchait pas d'aimer profondément cette demeure!

Et je le lui disais. Parfois même en tapant du pieds, pour tenter de me faire comprendre ; oui, ma mère était, et est toujours, plus tétue qu'une mûle.

Mais rien n'y faisait. Trop de souvenirs ici. Il fallait partir. Changer d'air. De vies. Essayer de ne plus ressasser le passé.

Un passé douloureux selon elle. Un époux qui se sacrifia pour sauver le monde ; la laissant ainsi seule avec un enfant a charge.

J'en aurai bien versé une larme de crocodile tiens ; si je ne méprisais pas autant le geste héroïque de mon père.

Je paraîs abjecte ? Egoiste, de parler ainsi ?

Peut-être. Mais revoir ; encore et encore ; sa tombe, là, dans ce petit caveau familial, me donne toujours autant la nausée.

Parce-qu'il n'a pas sa place en ces lieux.

Parce-que cet homme était Eternien.

...Et que nous sommes ici sur Octavia.

Parce-que cet homme était le prince d'Eternia.

Le prince, et futur roi, d'une toute autre nation.

...Un futur roi donc, qui s'est sacrifié pour un peuple qui n'est même pas le sien!

Un futur roi donc, qui repose sur des terres qui ne sont même pas les siennes!

Un caprice de ma mère.

La pauvre était si malheureuse qu'elle tenait a le garder, même mort, a ses côtés !

Tant de naiveté. De naiseries. Et d'hypocrisie...

Oui. Cela fait bien longtemps que je ne peux plus.

Que je ne sais plus.

L'aimer, parce-qu'il était un père et héros.

Un héros. Un héros...J'en éclaterai bien de rire tiens.

Un héro qui est allé se sacrifier pour une cause qui n'était même pas la sienne ; en abandonnant ainsi son propre fils.

Ouais, égoistement, c'est bien ça qui me fait le plus mal.

Ouais, comme une enflure, moi le destin du monde...

Je m'en contrefous.

...En pensant très sincèrement que mon père aurait dû avant tout sauver sa propre peau ce jour là. S'en aller. Fuir au loin.

Sur son Eternia, pourquoi pas.

Il m'aurait ensuite emmené avec lui.

Et ainsi, j'aurai eu un père.

Que j'aurai peut-être pû considérer comme un héro.

Un modèle. Quelqu'un a suivre. A imiter.

Une autorité paternelle.

Un peu comme Denzel...

Parmis tout mes vices, se trouvent aussi la jalousie...

Je l'avoue.

Parce-que des fois, Hideki ; mon meilleur ami depuis toujours : ne réalise pas toujours la chance qu'il a.

Et ça m'énerve...

 

 

*

 

 

- J'suis rentré, je grogne de dépit en poussant la porte d'entrée de la maison.

Il commence a faire nuit noire et je n'ai pas hâte d'entendre les futurs beuglements que ma mère va émettre dans moins de cinq minutes.

Je lance les paris.

- Daï!! Tu as vu l'heure?? me fait-elle aussitôt que j'ai posé un pieds sur le plancer du salon.

Elle me dévisage de haut en bas, cherchant sans doutes a deviner où est-ce que j'ai pû trainer a une heure pareille.

- Je monte. Je crois que j'ai encore des devoirs! Je n'hésite pas a lui mentir en haussant les épaules et en me dirigeant d'un pas rapide vers l'escalier qui mène au premier.

- Minute jeune homme! Me gronte t-elle maintenant ; réaction que j'attendais en fait ; je ne suis donc pas surpris ; - Jusqu'à preuve du contraire, tu n'es pas a l'hôtel ici! Alors tu vas me dire où est-ce que tu étais!

- Il est que 21 heures hein, je n'attend pas pour lui rappeler, en arrêtant mes pas pour lui faire face ; dieu qu'elle me fatigue quand elle s'y met...

- On avait dit qu'en semaine tu étais a la maison a 18 heures maxi ! Et c'est déjà largement suffisant je trouve. Après, il fait nuit, et...

- Et ?

Là, elle m'agace. A toujours s'imaginer que je ne suis qu'un enfant faible et vulnérable.

- Et je me fais du soucis, moi ! Et le pire, c'est que tu le sais! Mais tu fais exprès de ne pas respecter nos horaires pour...

- J'ai 17 ans maman, je l'interrompt rapidement d'une voix glaciale ; dans l'unique but de la blesser le plus profondément possible, je la sens sensible - Et tu dois bien imprégner que tu ne vas pas pouvoir me torcher toute ma vie.

Sur ce, je me remet en chemin. Vers ces escaliers que je vais gravir deux par deux pour me retrouver le plus vite possible dans ma chambre.

 

 

*

 

 

Je sais. Que je me suis conduis en enflure de première catégorie.

Je sais, que je suis un sale gosse. Un ado débile.

Mais je fais une overdose de ma petite vie de prince d'Octavia.

De gentil adolescent qui suit sagement les décisions de maman.

Je n'en peux plus.

D'elle. De cette vie. De ces brides. Je ne suis pas un ado banal. Un gosse. Non.

Parce-que j'en veux plus. Beaucoup plus.

Exister. Etre quelqu'un.

De grand. De respecté.

D'effrayant peut-être. Voir de craint, pourquoi pas.

 

 

*

 

 

A chaque nouvel accrochage avec son fils, la réaction d'Isis est toujours la même.

Celle de retenir ses larmes le plus longtemps possible, avant de finir par craquer en se jetant sur son téléphone, pour appeler un vieil ami a la rescousse ; Aaron.

Pourtant, tout n'a pas toujours été compliqué avec Daî, puisque les premières années, son éducation était des plus agréables et amusantes, tant il était encore un enfant joyeux et éveillé.

Puis il est entré dans l'adolescence ; avec toutes les questions existencielles que cette période implique. Et là.. Ce fût le début des accrochages.

Un homme.

Un homme a la maison. C'est bien ce qui lui a manqué, a cette pauvre veuve sans autorité, en est bien consciente Isis en ravalant un nouveau sanglot.

- C'est bon, je suis désolé, la fait brusquement sursauter l'objet de son malaise en se plantant soudain a ses côtés. A croire qu'il s'est senti coupable et a dévalé l'escalier en sens inverse pour venir s'excuser.

La jeune mère en est immédiatement émue et s'essuie en hâte les yeux avant de revenir plonger dans ce regard d'un bleu si magnifique... qui lui rappèle ceux de celui qui l'a quitté il y'a déjà 17 ans de cela.

- On oublie tout alors, lui sourit-elle ls yeux encore humides, en le ramenant vers elle pour l'enlacer affectueusement.

- J'en ai marre maman.

- De quoi chéri ?

- De notre vie de merde.

- Daï!!! recommence a s'agacer Isis en faisant reculer son fils pour le fusiller du regard, - Je te défends de parler comme ça!

- Je veux faire quelque chose... Où j'existe!

- Mais tu existes Daï! Seigeur dieu, qui est-ce qui t'as mis des idées aussi idiotes dans la tête??

- Mon père était un héro! Et Denzel est un héro aussi! Un.. Un grand guerrier!

- Et?!

- Et alors c'est ça mon destin maman!!

- J'ai peur de comprendre où est-ce que tu veux en venir...

- Je sais que tu as déjà deviné! Et je t'en pries, ne me le refuse pas maman! S'il-te-plaîs..

- Mais tu sais très bien que notre armée est aujourd'hui a moitié dissoute et que nous sommes en paix!

- Je la remonterai.

- De.. De quoi?

- Nomme moi général des armées maman!! Que je gouverne a tes côtés et m'occupe de tout ce qui est militaire!

- Qu..Quoi??? Mais tu es tombé sur la tête mon fils???

- Je tiendrai ce poste a la perfection maman, et tu seras fière de moi!!

- C'est bien ce que je disais, tu es tombé sur la tête!!! Et de très haut, en plus!!

- Je t'en pries, maman!! Laisse moi cette chance de suivre les traces des grands, et fais moi confiance..

- Les grands, les grands.. J'ai l'impression d'entendre parler mon frère là! ...Et la suite de l'histoire, tout le monde la connaît!

- Tu me considères moins compétent qu'oncle Keichi?

- Mais Octavia n'est plus en guerre Daï! Et c'est pour cette raison que le peuple ne comprendrai pas qu'une armée décente soit remontée!

- Posséder une armée digne de ce nom ne signifie pas forcément qu'on entre en guerre maman!

- Ok, ok, admettons... Mais tu vas me laisser en parler a Aaron d'abord, puis on décidéra s'il est utile et intéressant d'accéder a ta requête...

- Aaron par-ci, Aaron par-là, blablabla!! Mais on se fiche de lui maman!! Il n'est ni mon père, ni un Octavien, alors il a rien a...

- C'est notre ami, ainsi que notre plus fidèle allié. Alors tu lui dois le plus grand des respects.

 

 

*

 

 

- Mais respect devant le futur général des armées quoi!! Je me vante fièrement devant l'un des êtres les plus chèrs a mes yeux.

- Bwoofff ! Me répond aussitôt celui-ci en me regardant m'agiter d'un air sceptique.

C'est ma mère, qui m'a ramené ce chien il y'a quatre ans. Ce n'était encore qu'un petit chiot a ce moment là et elle cherchait ; je pense ; a me responsabiliser en m'en offrant la charge.

Ma foi... Je n'ai jamais eu a détester ce geste ; bien au contraire.

- Ouais, Zephyr, ouais, je commence en m'abaissant vers lui pour lui caresser le haut de la tête, - Je sais qu'il ne faut pas que je crie victoire trop vite..

- Bwoofff, bwoofff !

- Mais tu vois, moi je pense que c'est une nouvelle page de mon histoire qui est désormais en train de se tourner...

...Pour que je puisse y écrire dessus des tas et des tas de choses...

 

 

 

*     *

*

 

 

- Merci infiniment de t'être déplacé Aaron, mais ça pouvais attendre tu sais! Remercie timidement Isis en direction d'un ami qui est venu en personne a son domicile aujourd'hui.

- Je n'avais rien de particulier a faire, alors autant venir prendre un café avec une belle blonde !Lui fait-il en réponse, armé de son plus beau sourire ; celui du sexy quincagénaire qu'il est maintenant, - alors comme ça, le monstre t'as fais un caprice ? Ramène t-il ensuite sur le tapis un fait qu'il l'a fait sursauter de deux mètres quand il l'a apprit au téléphone ce matin.

- Voilà.. Mais ce n'est pas un caprice.. Enfin, je ne pense pas...

- Ne me dis pas que tu as hésité sur la réponse a lui donner ? ironise aussitôt Aaron en retour, - Parce-que là, je vais vraiment commencer me poser des questions ; avant d'appeler les monsieurs en blanc !

- J'y ai beaucoup réfléchis la nuit dernière tu sais... Pour finir  par me dire que je n'ai aucune raison valable de lui refuser ce poste...

- Tu plaisantes Isis ?

- Aaron, toute ma vie j'ai essayé de le responsabiliser au maximum, d'en faire un homme, et...

- Mais ce n'est encore qu'un gamin !

- Non, tu te trompes Aaron. Mon fils possède une grande maturité.

- Ne me dis pas que tu as déjà accepté ?

- Pas encore.. mais je ne pense pas lui refuser sa demande...

- Tu as peur Isis.

- Quoi?

- La vérité, c'est que tu as peur de ton propre fils. Et c'est pour ça qu'il te mènes par le bout du nez.

- Tu dis n'importe quoi! C'est moi qui commande ici et il le sait!

- Avant, oui, peut-être. Mais certainement plus depuis qu'il a apprit a te cerner.

- Me cerner??

- Tu es faible et complètement perdue face a ton rôle de mère. Voilà tout.

- Non! Tu dis n'importe quoi! C'est juste qu'après reflexion, je me dis que gouverner aux côtés de mon fils pourrait être une très bonne chose!

- C'est bien ce que je disais Isis. Tu es faible et tu as besoin d'un homme a tes côtés pour écouter et suivre ses directives. Et ça.. Daï l'a bien comprit.