• 116

    *

     

     

    Deux jours plus tard, Kylian est de retour parmi ses amis, ragaillardi.

    À croire qu’il a profité de ce break chez ses parents pour se muer en un nouvel être : il ne semble plus de douter ni souffrir aujourd’hui.

    Peut-être était-il en possession de beaucoup plus de ressources qu’on ne lui en attribuait. Cette découverte ravit évidemment ses amis qui sont rapidement enchantés de le retrouver heureux, souriant, plein de vie, et surtout, audacieux.

     

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    Audacieux ?

    En effet, parce qu’il a osé.

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    Il leur a ramené au local sa nouvelle compagne, Avril Lavigne.

    Sans gêne ni honte, il lui tenait la main pour la leur présenter...

    Pour leur faire comprendre qu’ils sont ensemble désormais, et que tout le monde doit bien l’imprégner.

    Le reste du groupe n'a pas semblé mécontent de sa franchise, bien au contraire.

    Lentement, ils font connaissance avec Avril pour découvrir qu'en fait, elle est très sympathique et agréable à fréquenter.

    Elle a du punch, du répondant, de la répartie ainsi que de la conversation. En plus, elle partage leurs goûts musicaux

     

     

     

     

     

    *

     

     

     

    Un peu plus tard dans la journée, lors d’une pause pendant la répétition, Gérald va se dépêcher de profiter de l’absence momentanée de Zell, pour lancer une conversation des plus sérieuses au sein de son groupe d’amis.

    — Kyle, avec Yann et Romu, on se demandait, la dernière fois, si... 

    — S’il faisait encore partie du « noyau », vient aussitôt le compléter Yann pour appuyer son camarade.

     

    Ils ont déjà discuté de tout cela et souhaitent maintenant mettre Kylian au courant. Lorsqu’ils se sont tous mis d’accord, tout à l’heure, leurs opinions coïncidaient. Alors il n’y a aucune raison que celle de leur chanteur ne s’aligne pas à son tour. 

     

    — De quoi ? s’étonne sans attendre Kylian, pas vraiment certain de comprendre ce que ses compagnons tentent d’insinuer. 

    — Erwan. On parle d’Erwan, l’informe alors Romuald, tout en continuant de jouer de son instrument favori : son violon. 

    — Je saisis toujours pas, continue de s’étonner Kylian avec franchise.

    — Dis plutôt que tu ne veux pas saisir Kyle, vient le taquiner Yann avec sérieux.

    — C’est moche ce dont on parle, mais on a déjà bien réfléchi... ajoute alors Gérald en s’arrêtant de frapper sa batterie, — dans notre groupe, on a pas besoin de synthé.

     

    C’est bien ce que Kylian avait eu l’impression de comprendre. Ils ont l’intention d’évincer leur pianiste. Ce sont des amis, des vrais. Pour lui, ils ont décidé d’évincer celui qui l’a poignardé dans le dos. Il n’en revient pas et en reste bouché bée. Préfèrent fixer le sol et enfouir ses mains dans ses poches. Il réfléchit. Cherche comment réagir a leur proposition de jeter comme une vieille chaussette celui qui a tout partagé avec eux depuis le premier jour.

     

    — Romu est toujours là, lui, alors... marmonne-t-il, avec une hésitation flagrante qui sera rapidement interrompue par Yann,

    — Romu est mon meilleur ami et le meilleur bassiste de la ville.

    — Mes chaussures deviennent étroites, se presse de plaisanter le blondinet, évidemment flatté.

    — Non Yann, reprend alors Kylian avec un sérieux qu’il emprunte rarement, sauf cas extrêmes — je veux pas qu’on le vire. Franchement. Tout ça, c’est déjà oublié. Je lui en veux même pas et je me fiche de sa relation avec Vanessa.

    — Quand il va revenir des « vacances de l’amour », tu vas avoir du mal à le regarder dans les yeux, tente de le faire réagir Gérald, bien certain que le pianiste malfaisant n’a plus sa place parmi eux.

    — Gégé a raison, approuve alors Yann en hochant la tête — imagine-le revenir, s’asseoir devant son synthé.. Est-ce que tu sauras le regarder avec autant d’amitié qu’avant ? Non Kyle.. Non.

    — Je saurai l’ignorer et passer au-dessus de tout, fait simplement Kylian en haussant les épaules — y’a vraiment pas de soucis de mon côté..

    — L’ignorer, justement, l’ignorer, Kyle, reprend Romuald pour souligner un passage délicat de la dernière phrase de son camarade — le truc c’est que nous ne sommes pas un groupe où les membres peuvent se permettre de s’ignorer.

    — Voilà, approuve une nouvelle fois Yann — la tête blonde a tout dit. Erwan n’a vraiment plus sa place parmi nous. Y’en a pas un ici qui approuve ce qu’il a fait et son instrument n’a jamais été primordial dans notre musique.

    — J’vais passer pour un connard si on le vire, soupire alors Kylian en se résignant devant l’insistance générale, — et les médias, pfiou. Ça va être folklo...

    — Ça nous fera de la pub ! Encore ! Ne peut s’empêcher de rire Gérald en se remettant a frapper sa batterie.

    — Ouais, c’est clair ! Ris à son tour Yann pour partager son insouciance — Apologize, le groupe qui fait parler de lui ! Oyeah ! Non, mais moi je vois bien les futurs gros titres ! Bouh ! Les méchants Apologize ont jeté le pianiste angélique !

    — Le pianiste au double visage, s’il te plaît, lui complète Gérald en s’esclaffant — le pianiste maudit au double visage !

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    — La pause est terminée, leur rappelle brusquement Kylian dans un grommellement de dépit, — allez hop, on reprend. Parce que celle-là, je veux la sortir le plus vite possible.

    Pour qu’elle l’entende. Pour qu’elle sache ce qu’il pense d’elle et comprenne avec douleur qu’il n’en a désormais plus rien a faire de sa petite personne.

     

    ♫ Lemon Tree ♫

      

    I'm sitting here in a boring room
    It's just another rainy Sunday afternoon
    I'm wasting my time, I got nothing to do
    I'm hanging around, I'm waiting for you
    But nothing ever happens, and I wonder
    I'm driving around in my car
    I'm driving too fast, I'm driving too far
    I'd like to change my point of view
    I feel so lonely, I'm waiting for you
    But nothing ever happens, and I wonder


    I wonder how, I wonder why
    Yesterday you told me 'bout the blue blue sky
    And all that I can see is just a yellow lemon tree
    I'm turning my head up and down
    I'm turning, turning, turning, turning, turning around
    And all that I can see is just a yellow (another) lemon tree


    La, la da dee da...


    I'm sitting here, I miss the power
    I'd like to go out taking a shower
    But there's a heavy cloud inside my head
    I feel so tired, put myself into bed
    Where nothing ever happens, and I wonder
    Isolation is not good for me
    Isolation, I don't want to sit on a lemon tree
    I'm stepping around in a dessert of joy
    Baby anyhow I'll get another toy
    And everything will happen, and you'll wonder


    I wonder how, I wonder why
    Yesterday he told me 'bout the blue blue sky
    And all that I can see is just a yellow lemon tree
    I'm turning my head up and down
    I'm turning, turning, turning, turning, turning around
    And all that I can see is just a yellow (another) lemon tree


    I wonder how I wonder why
    Yesterday he told me 'bout the blue, blue sky
    And all that I can see
    And all that I can see (dit dit dit)
    And all that I can see is just a yellow lemon tree


  • 117

     

     

    *

     

     

    Nocturne - Secret Garden ♫

     

    117

     

    Quelques jours plus tard, celui que redoutait le plus que tout Tiphanie Cobain/Gutter, est arrivé.

    L’enterrement de son défunt époux.

    C’est une cérémonie calme qui se déroule ici, dans ce petit cimetière où les Gutter sont fatigués de revenir aussi souvent. À croire qu’ils ne sont destinés qu’à ça. Enterrer leurs proches. Leurs amis. Leurs amours. Leurs moitiés..

    Le prêtre continue son discours. Toujours le même. Comme a son habitude, il répète inlassablement que le défunt sera désormais heureux. Que le seigneur l’a simplement rappelé. Que tout le monde ici, et sur terre, est son enfant et finira, de toute manière, par le rejoindre. Un jour où l’autre.

    Mais pourquoi ce jour est-il toujours si court pour certains ?

    À l’inverse, pourquoi semble-t-il toujours interminable pour d’autres ?

    Notez que les raclures finissent centenaires, quand les êtres exceptionnels n’atteignent pas la trentaine...

    Une injustice ? Oui. Il faut le dire. Le ciel est injuste. Et Tiphanie le hurlerait bien, si elle ne tentait pas de garder bonne figure pour rester digne. Ici. Sage et silencieuse aux côtés de ses parents. De son frère. Toute sa famille est là. Tous ses amis. Son collègue. Peter. Qui a bien du mal à empêcher ses yeux de s’humidifier. C’est un homme bon et il ne détestait pas Kurt Cobain. Il lui reprochait juste de ne pas savoir juger les gens.

    Hanz Cobain ? Le frère jumeau de la défunte victime ? Il est là, lui aussi. Légèrement isolé cependant. Cela n’a rien d’étonnant. Hanz n’est pas quelqu’un qui apprécie les bains de foule lorsqu’il est malheureux. Et aujourd’hui, oui, il est malheureux. A en crever. Parce qu’il se sait responsable. Parce que depuis ce soir là, cette nuit tragique, il n’a presque plus fermé l’œil, poursuivi et harcelé par mille et un cauchemars. Parce qu’il l’a tué. Parce qu’il a plongé tous ces gens, ici présents, dans le désespoir. Parce qu’il a ôté la vie à un homme bon, respectable et aimé de tous.

    Son frère... Son propre frangin.. Non. Jamais il ne se le pardonnera. Jamais il ne revivra heureux et insouciant. Jamais. Sa vie est définitivement ruinée aujourd’hui. Non. Depuis cette nuit-là surtout. Oui. Depuis cette nuit-là, où il l’a tué... Pour quoi ? Pour quoi finalement ? Il n’en sait rien. Un instant de grande folie. Son frère souffrait. Puis il s’est brusquement souvenu qu’à cause de lui, il n’aurait jamais cette femme. Mais son acte était irréfléchi. S’il devait revenir en arrière, il ne le referait pas. Il le jure. Il se le jure. Il en pleure. Tout bas. En baissant la tête pour que personne ne le remarque. À nouveau, il en pleure. Parce que son acte était irréfléchi. Il ne le voulait pas. Il demande qu’il lui pardonne de là-haut. Il veut le rejoindre. Pour s’excuser. Il ne le voulait pas. Il le jure. Il se le jure. Il veut le hurler. Qu’on le croit. Qu’on ne le juge pas.

    Oui, parce qu’on le juge déjà. Il en est certain. Tiphanie s’est éloignée de lui depuis ce soir-là. Pourquoi ? Il est son meilleur ami... Elle aurait dû venir frapper à sa porte pour pleurer avec lui. Mais elle ne l’a pas fait. Parce qu’inconsciemment, elle lui en veut. Inconsciemment, elle l’aime déjà moins. Inconsciemment, elle ne lui fait déjà plus confiance.

    Même ici, pendant ces funérailles, elle ne le regarde plus. Pourquoi ?

    Pourquoi ne vient-elle pas près de lui ? Telle une vraie amie ? Pourquoi reste-t-elle dans son coin, avec eux ? Sa famille, certes. Mais lui... N’est-il pas une sorte de famille pour elle ? Apparemment non.

    Finalement, Hanz n’avait que Kurt dans sa vie. Son jumeau, et sa mère. Qui pleure à chaudes larmes a ses côtés. Elle aussi s’en veut. Elle aussi se sent détruite.

    Son cher Kurt est parti trop tôt. Et elle le répète inlassablement. Il est parti trop tôt. Et surtout, avant qu’elle n’ait le courage de lui dire qu’elle l’aime. Lui aussi. Elle aimait profondément ses deux fils. Toute sa vie, Kurt a eu un sentiment d’infériorité vis-avis de son frère. Il a toujours été persuadé, à tort, qu’il était moins aimé. Alors elle aurait tant aimé réussir à le contredire. Comme elle désirait tant le voir devenir père un jour. Père de plusieurs marmots, bruyants et adorables, qui les auraient rapprochés...

    Comme quoi.. Il ne faut jamais parler au futur.

    — Où vas-tu ? Appelé t-elle soudain dans un chuchotement, en direction de son dernier fils qui commence a s’éloigner à grandes enjambées. Il s’en va et ne prend pas la peine de lui répondre. Elle baisse alors les yeux et ne bouge plus. Le pauvre. Il ne supporte pas cet enterrement et préfère disparaitre. Il n’y a là rien d’étonnant dans ce comportement. Il vient de perdre son double. Une partie de lui.

    Puisse-il simplement s’en remettre avec le temps... C’est bien tout ce qu’elle peut lui souhaiter. Parce qu’il ne lui reste que lui. Et si un jour il décide de s’en aller à son tour... Elle se sentira bien évidemment obligée de suivre son chemin, ne pouvant continuer sa route sans ses fils.

     


  • 118

     

     

    *

     

     

     

    Peu après que la nuit soit tombée, Vanessa ne manque pas d’exprimer sa surprise à son petit ami du moment, qui vient de lui rendre une visite imprévue a son domicile personnel. 

    Cela fait maintenant deux jours qu’ils sont revenus de leurs petites vacances, en décidant dans un accord commun, de s’afficher ensemble, aux yeux de tous, pour assumer leur relation.

     

    — Tu ne m’avais pas dit que tu passais ! sourit affectueusement Vanessa à son homme qui la serre tendrement dans ses bras.

    — Eh oui ! Je suis un homme plein de surprises !

    — Un peu plus et tu me manquais, car j’allais sortir là.

    — Ah ? Et tu allais où ?

    — Chez une amie, lui sourit-elle à nouveau, avant de lui proposer affectueusement, — je fais du café, tu en veux ?

    — C’est pas de refus, mais d’abord... Je veux... 

    — Hmmm... Laisse-moi deviner...

     

    Un baiser. Évidemment... La jeune femme sait lire dans ces yeux passionnés.

    C’est donc sans attendre qu’elle se jette sur ces lèvres qu’elle aime tant, tandis que les doigts de ce même propriétaire se promènent déjà dans son dos, jusqu’à se profiler sensuellement jusqu’à ses fesses. Erwan est du genre coquin et elle est habituellement friande de ses caresses érotiques...

    Seulement, ce soir, elle avait l’intention de sortir, alors elle doit se dépêcher de calmer les ardeurs de son homme pour qu’il arrête de lui déboutonner son pantalon. Affectueusement, elle lui murmure alors de l’attendre à table, pendant qu’elle leur prépare un bon café. Il ne rechigne pas et lui obéit, en grommelant cependant. Il aurait bien apprécié la prendre immédiatement, sur cette table même, avant de la porter jusqu’au lit derrière eux pour lui faire l’amour toute la nuit.

     

    Elle s’agite maintenant sous ses yeux, cherchant les filtres à café pour doser attentivement la poudre brune, tout en lui faisant la conversation. Il la regarde, souriant, tendre, fou amoureux.

    Puis, peu à peu, son esprit se met à vagabonder. Ailleurs. Bercé par ce flot de paroles affectueuses.

     

    Discrètement, il s’évade dans ses souvenirs. Dans un passé qu’il a vécu et adoré. Ce passé qu’il s’imaginait futur et indestructible. Ses yeux s’embuent déjà de larmes. Il ne s’en rend même pas compte. Quand soudain, Vanessa le fait sursauter, se plantant devant lui, un air suspicieux et inquièt affiché sur le visage,

    — Erwan ? Ça va ?

    — Eeeuh, oui, se reprend-il alors vivement en esquissant un sourire gêné — je suis un peu fatigué et j’étais presque en train de m’endormir ! Je m’excuse.. Tu disais quelque chose d’important ?

    — Non. Mais, toi tu devais être en train de penser à quelque chose qui te fait mal.

     

    Il a les larmes aux yeux et ce détail ne lui a pas échappé, même s’il a rapidement fait semblant de se les gratter pour se les essuyer l’air de rien.

     

    — Du tout, tente-t-il de la convaincre, tout en se relevant pour la prendre a nouveau dans ses bras, — je te le promets.

    — Ne promets pas lorsque tu mens Erwan, lui fronce-t-elle les sourcils, — je ne supporte pas que l’on me mente et suis très douée pour reconnaître les menteurs, alors...

    — OK, il s’est passé quelque chose aujourd’hui.

    — Et ce quelque chose est ?

    — Ils m’ont jeté.

     

    Lorsqu’il prononce cette phrase, une larme humiliante se met à rouler le long de sa joue. Rapidement vexé, il l’essuie avec hâte. Vanessa sent son cœur se serrer et lui enlace affectueusement le visage — de quoi.. ? Mais de qui ?

     

    — À ton avis..

    — Ce n’est pas possible. Ils n’ont pas pu !

    — Mais je ne regrette rien. Si tout était à refaire, je le referais. Parce que tu vaux tous les groupes du monde Vanessa...

     

    Quelle phrase magnifique.. Et pourtant, la jeune femme ne peut s’empêcher de fondre en larmes, dans les bras d’un homme qui se retient de l’imiter. Fierté masculine.

     

    — Je... Je suis désolée Erwan.. Tellement désolée.. Sanglote Vanessa. 

    — Ce n’est pas grave. De toute manière, je m’y attendais et je m’étais préparé à cette éventualité.

     

    En effet, il se doutait bien qu’il serait mal accueillit par ses amis lorsqu’il rentrerait de vacances. Par contre, ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que tous le rejetteraient ainsi avec autant de mépris. Tous. Oui tous. Et pas uniquement Kylian. À croire qu’il y’a eu une sorte d’effet de groupe. De masse. Un complot commun.

     

     

     

    *

     

     

     

    Peu après avoir dit au revoir à son petit ami, Vanessa se rend donc chez cette fameuse amie qu’elle tenait absolument à voir ce soir. 

    Tiphanie Gutter, la jeune veuve qui vient tout juste de rentrer chez elle, après avoir passé un bon moment chez sa famille pour se remettre doucement du décès de son époux bien-aimé.

     

    — C’est gentil d’être passée, je ne m’y attendais vraiment pas ! fait-elle rapidement à son invité surpris. 

    — Et bien en fait, j’aurai aimé te parler après l’enterrement, mais vu que tu étais entourée et tous et toutes... lui répond aussitôt son interlocutrice, un peu gênée d’être restée complètement à l’écart tout le long de la cérémonie.

    — Ce n’est pas grave. C’est déjà gentil d’être venue aux funérailles...

    — Je t’en prie, c’est normal... Et donc tu reviens chez toi sinon ? Tu vas revivre ici donc ?

    — Le temps de trouver un nouvel appart et d’emménager, oui. 

    — Parce que je venais justement te proposer de venir habiter avec moi si ça te dit. Vu que maintenant je suis célibataire ! Par exemple le temps que tu sois complètement réinstallée !

    — C’est gentil, mais c’est trop Vanessa, je ne peux pas accepter, s’émeut rapidement Tiphanie devant tant de sollicitude, — mais ça va aller maintenant, je te le promets. Merci quand même pour tout !

    — Allez, fais pas de chichis et accepte ! Ça te changera les idées et ça ne peut nous faire que du bien de rester entre filles ! 

    — Mais tu as quelqu’un dans ta vie toi maintenant, non ? Il m’a semblé entendre dire quelque part que...

    — Déjà ? Les rumeurs vont vite !

    — Oui... Et c’est grand à couettes, Erwan, n’est-ce pas ?

    — Exact. Mais ce n’est qu’une aventure pour l’instant et je ne veux pas accélérer le mouvement. Et c’est aussi pour cela que ça me ferait très plaisir de t’héberger.

    — C’est vrai ? Hummm, bah alors si ça te fait plaisir... accepte enfin Tiphanie avec un sourire amical, bien consciente qu’elle doit vite fuir son appartement qui ne peut que lui révéler de magnifiques et douloureux souvenirs.

     

     

     

     

    *

     

     

     

    Ainsi, quelques heures plus tard, les deux jeunes femmes se retrouvent à discuter de la pluie et du beau temps, assises en tailleur sur le lit de Vanessa. 

    De la pluie et du beau temps. Des hommes et du prix de la vie. Des émissions intéressantes ou pitoyables qui ont pour habitudes de passer à la télévision... 

    De tout et de rien en quelque sorte. 

    Puis, après de nombreux échanges d’anecdotes diverses, et après un court silence pendant lequel les interlocutrices ont semblé à court de sujets de conversation, Tiphanie se décide enfin à laisser tomber, dans un soupir

     

    — J’ai jamais cautionné ses conneries.

    — Hein ? commence par s’étonner Vanessa, avant de comprendre, en haussant les épaules — oui, j’en doute pas... Ne t’inquiète pas. Je ne vous ai jamais mis dans le même panier.

    — Tu regardais souvent Kylian au cimetière, je me trompe ?

    — Je... Mais non !! Je... Je..

    — Vanessa.. Pas à moi.

    — OK, OK. Je l’admets.

    — Et c’est humain. Et puis lui aussi, il te regardait.

    — Hummm... Il devait surtout se demander ce que je fichais là, oui.

    — Peut-être, mais il te regardait. Et ça, c’est bon signe.

    — Je pense pas Tiph'... Ma meilleure amie m’a raconté comment il est au local et tout, et... enfin... Il a pas du tout l’air déprimé. Il vit très bien avec l’autre maintenant.

    — Chez nous il était très malheureux en tout cas. Il en a même écrit une chanson. 

    — Ah oui ? Écarquille grand les yeux Vanessa, — dis-moi en plus, dis-moi en plus !!

    — Rien de bien particulier, il s’est juste vidé sur des notes de musiques. Et je crois même qu’il va la sortir celle-là. Le titre devrait être « Lemon tree », s’il reste sur sa première idée.

    — Il te l’a chantée ? Et qu’est-ce qu’il disait dedans ?

    — Tu le découvriras par toi même dès qu’il l’aura sortie ! Le spoil, c’est mal !

    — Mouais... Enfin de toute manière je ne pense pas que ça pourrait recoller entre nous.

    — Et avec Erwan, ça colle bien ? 

    — Avec Erwan ? Oh oui. Il est adorable. Tu le connais un peu ?

    — Non.

    — Et bien je te le présenterai. Tu verras, il est vraiment gentil. Et en ce moment, il traverse une sale passe. Kyle et les autres l’ont jeté du groupe à cause de notre histoire, alors...

    — Non ? Tu plaisantes ?

    — Malheureusement, non. Mais ça m’étonne pas. Kyle c’est le petit chef de leur bande, alors forcément...

    — Attend, mais les torts ne viennent pas de vous, mais de Kylian justement !

    — Je sais, mais ils sont sévères en amitié. Je sais pas si tu as suivi l’histoire Romuald..

    — Un peu, oui. En fait, ils ont trouvé le bouc émissaire à tout ça. C’est le « Erwan » qui va porter le chapeau pour toute cette merde. Et comme ça, mon frère garde l’image du bébé à protéger.

    — Le bébé a protégé ! C’est excellent. C’est exactement Kylian ça, en effet !

    — Ben oui. Kyle c’est le bébé aux yeux de tous.

    — Et c’est pour ça qu’on l’aime, ne peut s’empêcher de s’attendre Vanessa, dans un moment de nostalgie flagrant.

    — Ouaip, mais il en profite ce petit saligaud. Trop. Avec sa petite bouille d’ange machiavélique ! Tssss. Il peut tout obtenir de tout le monde ce vilain. Il suffit qu’il te fasse les yeux du chat de Schrek et ça y’est, tu pars lui décrocher la lune. C’est de l’abus !

     

    L’image d’un Kylian mi-ange/mi-démon, mais terriblement attachant, fait rapidement éclater de rire les jeunes femmes, jusqu’à ce qu’elles se calment pour décider d’éteindre les lumières et d’aller se coucher. Tiphanie, en essayant de ne penser à rien, pour tenter de s’endormir sans le souvenir de son défunt époux, et Vanessa, en réfléchissant attentivement a ce que pourraient être les paroles de cette fameuse chanson. Et s’il pensait encore à elle ?.. Et s’il l’aimait encore ? Est-ce que tout serait encore possible ?





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