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    Ana Beckers est dubitative ce soir, alors qu'elle raccroche avec suspicion le téléphone fixe de l'appartement familial. En effet, cela fait quelques jours déjà que la jeune femme cherche à reprendre contact, sans succès cependant, avec son ancien ami Samuel, ce jeune homme avec qui elle avait pourtant lié des liens amicaux qu'elle pensait solides.

    Hier encore, la blondinette ne faisait que tomber constamment sur la messagerie du portable de son ex-ami à chaque tentative d'appel, mais aujourd'hui, les choses évoluent et c'est directement un « ce numéro n'est plus attribué », qu'elle reçoit dans le creux de l'oreille. Une réponse automatique. Un abonnement désactivé. La fiancée Beckers ne comprend évidemment pas ce que tout cela signifie. Son ami aurait-il des ennuis aujourd'hui? Serait-il en danger? D'après Éva, sa vie n'avait pas toujours été rose et son passé était plus torturé et douloureux, qu'épanoui et heureux. Ana commençait alors à se ronger les sangs d'inquiétude en mettant très vite Jeffrey au courant de ses doutes et angoisses,

    — Dis Jeff, comment pourrais-tu expliquer, toi, que le téléphone de Sam soit coupé ?

    — Il s'est peut-être enfin réalisé pathétique et a finalement décidé à sauter du haut d'un pont, dans un lac asséché ?

    — Jeff.. Je te parle sérieusement, là. Je m'inquiète. Il était gentil Sam...

    — Pique-assiette, complètement cinglé, c'est certain! Mais « gentil », j'en doute... Opportuniste, j'aurais plutôt dit !

    — Mon chéri, je ne te demandais pas ton avis sur sa personne, là tu vois, mais qu'est-ce que tu pensais du fait qu'il soit injoignable ! Je m'en fiche que tu ne l'apprécies pas, mais tu pourrais au moins respecter le fait qu'il y ait des gens qui le trouvent agréable à vivre et s'inquiètent pour lui.

    — Il a peut-être brutalement décidé de changer de vie, tirer un trait sur les amis qu'il ne reverra plus, redevient sérieux Jeffrey, - Le coup classique, après tout.

    — Mais avant aujourd'hui son portable était certes toujours éteint, mais le numéro existait! S'il vivait tranquillement sa vie et voulait nous ignorer, Éva et moi, il aurait son téléphone allumé et nous raccrocherait les appels au nez, voire il nous dirait ce qu'il pense de nous, en face ! Samuel est franc.

    — Il s'est peut-être coupé volontairement du monde en éteignant son portable et en le rallumant, il a réalisé qu'il ne voulait pas vous répondre, mais tirer un trait sur..

    — Tu vas arrêter avec ça ? Il nous adorait ! Non, moi je pense qu'il a du lui arriver quelque chose.

    — Il a peut-être assassiné quelques enfants en bas âge et maintenant il se trouve en fuite pour échapper aux autorités, j'ai toujours dit qu'il était louche !

    — Tu es pénible quand tu t'y mets, Jeff...

    — Oublie le, sincèrement, Ana, oublie ce type. Il n'avait rien de sain et de « gentil ».

    — Ta mère n'est pas ce qu'il y a de plus sain et « gentil » aussi, mais pourtant tu lui as pardonné.

    — Et comme tu l'as souligné, elle, c'est ma mère ! C'est différent. Elle, ce n'est pas une psychopathe. Et puis t'inquiètes, va, tu en auras des nouvelles du pique-assiette débile. On n'est jamais débarrassés de ces gens-là, crois-moi. Un jour il aura besoin d'argent, ou d'un toit ou crécher, et tu le verras réapparaître comme par magie dans nos vies ! Faut d'ailleurs que je prévoie le coup en m'achetant dès maintenant une batte de baseball pour préparer ce jour !

     

     

     

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    === Juillet ===

     

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    Les jours les plus ensoleillés de l'année ; période estivale oblige ; arrivent à vive allure et c'est une belle surprise qui va surprendre Raphaël pour commencer la saison. En effet, sa mère aura lourdement insisté pour venir passer toutes les vacances d'été auprès de lui et de sa belle : la rouquine prendrait une chambre à l'hôtel et ne dérangerait en rien le petit couple, elle le promettait. Mais Raphaël refusait immédiatement cela, préférant que sa mère s'approprie le confortable canapé clic-clac du salon de l'appartement Bauer/Gutter. Jeyne acceptait alors et sans se faire prier la proposition de son fils et atterrissait une semaine plus tard, sur le sol américain, après un long voyage en avion. Au fil des jours, Jeyne était aux anges, car grâce à son séjour en Caroline du Nord, elle découvrait un pays qu'elle ne connaissait que grâce à la télévision, tout en passant du temps avec le chérubin de sa vie et la femme qu'il avait choisie. Sa demi-soeur... Mais Jeyne prenait sur elle et tentait d'être compréhensive face à cela. Il en allait de sa relation avec son fils et elle ne prendrait le risque de l'abîmer pour rien au monde.

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    Pleine de bonne volonté, elle allait même jusqu'à réfléchir, au fil des jours, à l'éventualité de vendre le petit appartement familial sur Klausdorf afin de se prendre un pied-à-terre, ici, en Caroline du Nord. Ainsi, elle continuerait de couler des jours heureux auprès de son enfant et de sa... belle-fille, jusqu'à voir naître son futur petit-fils. Cette vision-là de l'avenir commençait à la tenter de plus en plus, même si s'imaginer mettre en vente le domicile Bauer où elle a élevé son fils et vécu les plus beaux jours de sa vie lui fendait véritablement le coeur. Mais il faut savoir avancer, dans la vie, n'est-ce pas...

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    Éva, de son côté et entre deux contractions douloureuses, se satisfaisait plutôt du retour de sa belle-mère dans sa vie, même si ses angoisses au sujet de son affreux cauchemar restaient toujours présentes et bien vivaces. Prémonitoires peut-être, qu'elle craignaient toujours un peu, mais sans en parler de nouveau à Raphaël cependant. Elle l'agacerait, c'est certain, et le pauvre n'avait pas besoin de ça en ce moment, avec les journées harassantes que sa formation lui infligeait... 

    Pourtant, le détail de la coiffure de sa belle-mère qui est la même que celle que la concernée portait dans son rêve terrifie la future mère au plus haut point. En effet, comment ce rêve, qui s'est produit bien avant l'arrivée de la rouquine avec cette nouvelle coupe de cheveux, a pu l'imager avec une telle exactitude? Éva se souvient bien que la mère de son fiancé n'était pas coiffée ainsi, à l'époque ; et elle ne l'avait plus revue réellement depuis l'Allemagne... mais la magie n'existant pas, elle ne devait plus s'arrêter sur ces puérilités et se concentrer sur sa grossesse... Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de craindre un éventuel signe du destin qui lui serait transmis par l'intermédiaire de ce rêve insipide et cruel.

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    Et si ce cauchemar n'était en fait qu'un message de la morale infâme qui voudrait prévenir les amants maudits que le bonheur éternel ne leur serait jamais accordé. Que cette grossesse qui se prolonge après neuf mois dépassé n'est pas le fruit du hasard... Ôh certes, les médecins affirment tous et sans exception qu'il ne faut pas s'inquiéter de la situation, car ce petit bébé finira bien par sortir, tôt ou tard! Qu'il est en pleine santé, mais juste pas vraiment pressé, confortablement installé au creux de sa mère. Ôh oui, tous sont utopistes et ne voient le mal nulle part, tous.. Sauf elle. À tort ou à raison...

     

     

     

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    Lorsque les armes sont baissées, elles ne le sont pas qu'à moitié en Caroline du Nord! Car petit à petit, Vanessa et Jeyne apprennent lentement à se connaître et à s'apprécier, tout d'abord sous la contrainte de leurs enfants qui ne les désirent pas ennemies, mais ensuite c'est d'elles-mêmes que les deux mères commencent à se lancer mutuellement des conversations via des logiciels de messagerie internet ; ce qui a pour effet d'éloigner lentement mais sûrement, les rancoeurs diverses du passé. Ainsi, et petit à petit, les deux mères qui ne pouvaient pourtant pas se voir en peinture apprennent à s'apprécier. Il faut dire que Vanessa, tous les jours au chevet de son Erwan, s'ennuie à mourir et déprime tellement qu'elle serait bien prête à se créer une fiche profil sur J'ai-besoin-d'amis.com. Et Jeyne de son côté n'est pas mieux lotie que sa nouvelle comparse, socialement parlant, au vu de la longue descente aux enfers que lui a fait endurer la mort plutôt récente de son compagnon Jakob.

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    — Je te jure, il fait vraiment bon ici ! J'ai d'ailleurs été fais quelque courses cet après-midi et je me suis pris une petite robe d'été ! S'exclame la rouquine en gesticulant devant l'ordinateur portable connecté à Skype  -Tu veux la voir ? Qu'elle propose ensuite à son amie - Il faudrait qu'on passe sur MSN pour avoir la webcam ! Ça te dit ??

    Je te crois sur parole, certifie Vanessa à sa comparse - Ici aussi il fait drôlement chaud, cette année, mais la chambre d'Erwan étant surclimatisée, et vu que je n'en sors pas, je m'en fiche un peu, ah ah ah ! Au fait, ma fille n'est toujours pas réveillée ? Il commence à se faire tard, j'aurais aimé lui parler un peu.

    — J'entends bouger dans la chambre, alors je pense que si, elle a dû émerger ! Attends, je te l'appelle ! EVAAAAAA ! TA MEEEEEERE SUR SKYPE SI TU VEUX !

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    Hiyaaaaaaaaah !!!!!!!!!!! Non c'est pas possible, non ! Non ! Non ! Nonnn ! Hurle Éva à plein poumons en arrivant justement dans la pièce principale de l'appartement,

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    — E.. Éva.. ? Mais enfin, qu'est-ce qu'il t'arrive.. ? Tu, tu as mal quelques part.. ? S'interloque évidemment Jeyne, choquée de déclencher de tels hurlements ; l'on ne peut pas dire que ce soit une réaction des plus flatteuses !

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    — Je veux Raph, vite, où est Raph.. OU EST RAAAPH ????

    — Il.. Il n'est pas encore rentré, mais je peux l'appeler si tu veux.. en bafouille Jeyne d'incompréhension,

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    — Ne t'approche pas de moi, MONSTRE !! Je le dirais à Raph ! Si tu me fais quoi que ce soit, il te tuera ! Mère ou pas mère !!!!

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    — Euh ouais, OK ! Et en effet je crois que je vais l'appeler pour le laisser régler cette histoire, parce que les hormones chez les Beckers c'est quelque chose d'assez impressionnant !

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    Jeyne ??? EVAAA ??? Qu'est-ce qu'il se passe iciiii ? Expliquez-moi ! Jeyne si tu touches à un seul cheveu de ma fille, je t'arrache les poils pubiens un à un et je m'en fais un paillasson, sale Portugaise !!! Evaaaaaaaaaa, ma chériiiie, réponds moi, dis moi que la sorcière rousse n'es pas en train de manger ton cerveau, j'ai toujours qu'elle avait un grain, mais personne n'a jamais voulu m'écouter !!!

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    — Mouais... Bah en fait, y a pas que les hormones qui sont impressionnantes chez ces gens....Famille de cinglés !

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