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    Dear agony - Breaking benjamin ♪

     

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    Jouer dans de bonnes conditions, poursuivre ce concert avec calme et naturel, Wilfrid n'en pas décidément pas la force. Plus... la force.

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    Il n'y arrive pas. Il n'y arrive plus... Il ne peut plus enchainer les notes correctement, gratter les cordes de sa guitare avec habileté et talent comme il le fait d'habitude. Et ce même si le titre que son ami est en train d'interprêter en ce moment n'est que le sien, qu'il a lui même écrit et composé.

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    Il ne peut plus, ni jouer, ni se concentrer. Et pour cause, toutes ses pensées ne sont dirigées que vers une seule et unique personne, ou plutôt, une seule et unique trainée...

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    Ces photos ignobles, il les revoit encore et encore. Elles le hantent. Le traumatisent, et le harcèlent.

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    Alors, et d'un seul coup, sans prévenir, dans un seul mouvement vif et nerveux, il pose soudain sa guitare au sol et s'échappe brusquement de la scène pour s'enfuir en coulisse, sous les regards ébahis de ses compagnons et de la foule qui ne comprend évidemment pas que l'un des musiciens de ce jeune groupe disparaisse ainsi en pleine représentation.

    Raphaël, plus que surpris par la fuite soudaine de son ami s'en arrête de chanter et se dépêche de s'adresser à la foule désormais sceptique,

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    — Excusez-nous, mesdames et messieurs, mais nous allons faire une petite pause de quelques minutes! Nous revenons très vite. Excusez-nous encore! Qu'il annonce avec calme et sérénité pour « gagner du temps » auprès de ces gens venus gentiment les découvrir sur scène, eux, les petits « TroubleMaker »...

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    Dans les coulisses, Wilfrid se laisse tomber sur le premier canapé qu'il trouve : il n'y en a que deux, l'un couleur orange et accompagné d'oreillers beige, et l'autre rougeâtre délavé et rafistolé par-ci, par-là. Sans doute un très vieux sofa qui a dû en voir passer des fesses..!

    Le jeune homme désespéré explose soudain en larmes. Il craque enfin. Depuis tout à l'heure, il fait bonne figure pour ne pas offrir le spectacle de son être devenu pathétique à ses amis, mais désormais, plus rien ne peut l'arrêter, ni orgueil, ni honneur, parce qu'il n'est, n'a, plus, rien....

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    — Wilf' ? Arrive d'un pas pressé Raphaël dans les coulisses, suivi de ses comparses Vick, Tobias, et Terry.

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    — Qu'est-ce qu'il se passe ? Ajoute le batteur à l'interrogation de son meilleur ami, un air sceptique et inquiet affiché sur le visage. En effet, le spectacle de leur collègue Wilfrid dans un tel état de désespoir n'est pas une chose habituelle, oh que non... Puisque qu'il est même plutôt carrément aux antipodes de la personnalité du jeune guitariste.

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    — Elle.. elle me trompe... laisse tomber Wilfrid en ravalant un sanglot et en s'adossant avec nonchalance contre le dossier du canapé, le regard rivé sur le plafond et les yeux inondés de grosses larmes,

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    — elle, elle, elle... Oui, les mecs... Paula... On est fiancés.. Mais Paula.... me trompe!

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    — C'est une blague ?!! D'où tu sors ça, toi, d'abord?! N'en reviens pas Tobias en se rapprochant à grandes enjambées de son ami pour s'asseoir à ses côtés, sur sa droite ; Terry le suit, pour se poster debout, sur la gauche de son ami désespéré.

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    Ainsi, lui et le batteur entourent leur comparse de leur présence....

    Raphaël et Vick, eux, préfèrent rester devant le canapé pour faire face à leur compagnon effondré.

    — Excusez-moi pour la fuite, les gars... merde, je crains grave.. En plein concert... Mais j'accuse le coup, là... Je, je.. Tout à l'heure, je, j'ai reçu des photos par SMS où elle se fait... enfin, vous voyez, quoi... ! Je vais pas vous faire un dessin, mais... bref, Pao, quoi... Vous voyez ce que... je veux dire! Avec un mec, que je ne connais même pas, apprend Wilfrid d'une voix tremblotante à ses amis ; il a tant besoin de parler, chercher des conseils... - et ce ne sont pas des fakes.. les mecs, j'aurais bien aimé que ce soit le cas, mais non... C'est certain que ce sont des vraies photos... 

    — Faut vérifier si ce ne sont pas des fakes! Je peux voir ? Ose timidement Vick en faisant d'enfantines grimaces de bouche.

    — Vick ! Le gronde aussitôt Tobias, outré par son ami, et très vite repris par Wilfrid qui se contente de refuser poliment à son comparse pianiste, dans un soupir blasé,

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    — Va chier, même pas en rêve que tu vas te rincer l'oeil là-dessus!

    — Mais quel est le contexte de ces photos? Cherche à se renseigner Raphaël, perplexe, — et de quand sont-elles? Je sais que les filles donnaient une soirée chez Pao ce soir, Eva me l'a dit, mais je..

    — Ouais, l'interrompt Wilfrid dans un soupir encore et un haussement d'épaules, — sur les photos j'ai reconnu les oreillers du lit du Pao, ce qui veut dire que se passait dans sa chambre, donc surement au cours de cette fameuse soi-rée...

    — Ça veut rien dire, ça, en même temps, proteste Tobias, — parce que ça pourrait être de très vieilles photos envoyées juste maintenant dans l'unique but de foutre la merde entre vous ! Des photos de la période où vous étiez séparés par exemple ! Voir carrément pas encore ensemble ! L'expéditeur, c'est qui ? Tu as le numéro de l'expéditeur, non ? Et qui pourrait avoir ton numéro, pour t'envoyer des trucs pareils?!

    L'expéditeur c'est le portable de Paula... informe tristement Wilfrid, tête baissée,

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    — Je vais appeler Eva, fait Raphaël en attrapant son téléphone, — je vais lui demander où est-ce qu'elle est, ce qu'elle fait, Et avec qui.

    — C'est ma copine qui me trompe et c'est la tienne que tu appelles ? Ironise Wilfrid d'un air mauvais, — t'es pas culotté, toi, dis donc !

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    — Non, juste plus malin que toi, parce que moi je me souviens que les filles font tout ensemble et savent tout l'une de l'autre, se défend simplement Raphaël en attendant patiemment derrière une première tonalité de son téléphone portable...

     Ouiiiiiiiiiiii, alloooooo? Fini par lui faire joyeusement son Eva qu'il reconnaît bien, d'une voix vive et des plus enjouées à cause d'une certaine quantité d'alcool, c'est certain, — Raaaaaaaaph', mon amouuuuuurrrrrr, ich liebe dich!! Ich liebe dich!! Iiiiich liebe diiich!! que la jeune fille enchaine aussitôt après voir bien réalisé le nom qui s'est affiché sur l'écran de son téléphone.

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    — Coucou ma puce, tu es à la soirée de Pao', là, non ?

    — Ouiii ! Et toiiiiiiiii ? C' était comment le concert ?! Raconnnte moi tout !!!

    — Plus tard, là je t'appelles plutôt pour une urgence, en fait. Alors est-ce que tu pourrais me passer Paula, stp?

    — Pao ? Pourquoi est-ce que tu veux parler à Pao ? Bougonne Eva, mi-sceptique, mi-boudeuse.

    — Je ne veux pas spécialement lui parler, mais disons que.. Bref, où est-elle? Là? En ce moment précis.

    — J'en sais rien, je l'ai perdu de vue y à un peu plus d'une heure, mais elle doit être en train de comater dans un coin !

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    Cherche-la, stp. Tu seras un amour. Va voir dans sa chambre. Et vite, la communication ça coute cher !

    — Je sais pas ce que tu me mijotes, mais bon...! Bon, attends deux minutes, grommelle Eva en attrapant ses deux béquilles posées non loin d'elle pour s'aider à marcher maladroitement vers la chambre de sa meilleure amie. Arrivée à destination, la jeune Beckers pousse doucement la porte d'un air joyeux, prête à s'exclamer vivement quelque chose pour signaler sa présence, quand tout à coup la vision de sa grande amie en train de se faire faire un cinnilingus par un type qu'elle ne connait pas, la fige brusquement de stupeur et c'est un simple « Oh my god ! » soufflé, qu'elle prononcera, avant de ressortir de la pièce au plus vite en refermant soigneusement la porte pour reprendre sa communication avec son petit ami d'amour.

    — Re ! Alors, euhhh, elle est en effet dans sa chambre, mais en train de pioncer comme une grosse merde !

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    — Pourquoi est-ce que j'ai entendu un « oh my god » ?

    — Parce que justement je ne m'attendais pas à ça ! Banane ! La naze quoi, c'est elle qui organise et là, elle est en pyjama en train de pioncer avec son cochon en peluche dans les bras, tssss !

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    — Hum....

    — Il va falloir que je te laisse Raph', la soirée est terminée et on va me ramener à la maison !

    — Qui ?

    — Humm, Kirian, un gars de notre classe de l'an dernier, si tu te souviens de lui.

    — Mouais je me souviens. Mais tu n'as pas le chauffeur pour te raccompagner ?

    — Pas à cette heure-ci, m'enfin.

    — C'est son boulot, hein.

    — Peut-être, mais là non, on s'est organisés différemment! Alors, je fonce, je vais pas le faire attendre ! Je t'embrasse très fort, Ich liebe dich !

    — Ouais, c'est ça, bisous !

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    — Pourquoi est-ce qu'elle disait « oh my god » ? se presse de faire Tobias dès que son meilleur ami a raccroché son téléphone portable, — raconte, raconte, raconte !!!

    — Eva m'a menti, marmonne Raphaël à ses amis en s'en allant ranger son cellulaire dans la poche de son manteau soigneusement posé sur le rebord d'une chaise dans un coin de la pièce, — car derrière le « oh my god », je suis certain d'avoir entendu des petits bruits féminins, peut-être des gémissements. Je suis désolé de te balancer ça, Wil', mais je pense que les photos que tu as reçues sont bel et bien de ce soir. Eva m'a caché quelque chose au sujet de Pao, c'est certain.

    — Putain de salope, grommelle tout bas Tobias en jetant un regard compatissant en direction de Wilfrid qui n'a pas bougé depuis tout à l'heure, — putain mec, j'suis tellement désolé... qu'il lui fait ensuite en lui tapotant amicalement l'épaule, — elle te mérites vraiment pas, putain...

    — Fais comme si tu ne savais rien, ne l'appelles surtout pas demain, propose alors Vick dans un conseil chaleureux, — elle ne sait pas que tu es au courant de son infidélité, donc... fais comme si de rien était. Ignore-la tout simplement. Laisse la mariner et paniquer toute seule. Ça lui fera les pieds à cette garce.

    — Il faudrait qu'on retourne sur scène, tu te sens capable de jouer ? Se glisse discrètement Terry dans la conversation en direction de son ami au regard abattu, — parce que là ça fait déjà plus de quinze minutes qu'on les fait attendre, ça commence à faire long l'entracte... On va passer pour des bouffons.

    — Ouaip, on y retourne, se relève d'un bond Wilfrid de son canapé, revigoré par une force inconnue, la force de la lassitude...  « — Ras-le-bol »... qu'il se met à songer intérieurement et sans même le réaliser, abandonnant déjà une lutte qu'il juge inutile. Usé, épuisé, harassé, exténué... abattu! Oui, c'est bien ce qu'il est ! Cette fille, sa Paula ! Elle l'a tout simplement abattu ! Une nouvelle fois... Mais il pourrait se comporter autrement. Tenter de lui téléphoner. Tenter de lui hurler dessus. De lui demander des explications, voir carrément de l'insulter pour la faire pleurer de désespoir ! La forcer à lui donner des justifications ! Oui, bien sûr, qu'il pourrait tenter tout cela, bien sûr... Mais non. Il n'en a plus envie. Il n'en a plus la force... Ni la motivation. Il faut croire que celle qu'il jugeait pourtant comme l'amour de sa vie, le grand amour avec le grand "A", aura fini par lui enlever cette dernière once d'espoir qui l'animait encore à leur sujet. Parce que malgré toutes leurs différences, il y croyait encore, lui... Oh que oui qu'il la savait volage, comptant les défauts par centaines, dont celui du manque de foi face à leur avenir commun... Oh que oui, qu'il le savait tout ça. Mais malgré tout, il y croyait encore. Il se disait qu'elle finirait par gagner en maturité au fil des semaines. Mais ce soir, toute cette utopie est désormais bel et bien terminée. Il ne peut plus y croire. Il n'en a plus ni le désir ni la capacité... Il n'est qu'un homme après tout. Qu'un pauvre être humain une nouvelle fois humilié, trompé par sa petite amie. Mais cette fois, Et il se le jure solennellement : Paula Lehnard n'est plus qu'une EX à ses yeux.

    ~ This is my last goodbye... ~

    Et elle fera ce qu'elle voudra pour se venger de lui lorsqu'il le lui fera comprendre... ; Mais qu'elle le haïsse, le méprise, souhaite une vengeance et sa mort de mille et une façon... -parce qu'après avoir pleuré, elle réagira ainsi, il la connait, sa Pao-. Mais elle ne fera que se heurter à un mur d'indifférence de sa part. Parce qu'elle n'existera plus, à ses yeux. Car plus rien ne pourra l'atteindre. Car elle lui aura déjà tout ôté. Logique! Que pourrait-elle tenter de retirer de plus à une coquille qu'elle aura elle-même vidé au préalable et dans son intégralité?

    ~ I have nothing left to give... I have found the perfect end... ~

    ~ I will end where i began... ~

    Et le comble et l'ironie de la chose est qu'à ses côtés justement, il était devenu, au fil du temps, quelqu'un de bien...

    Amusant!   

    ~ Please leave me alone! I am blue and cold! Black sky will burn! ~

    ~ Just turn around! There's nothing left...! ~

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