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    À quelques kilomètres de là, Eva est chez Raphaël, assise sur le lit du concerné, en train de travailler avec difficultés ses exercices de rééducation.

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    Elle ne vit évidemment quasi plus chez sa mère, vu l'ambiance morose qui règne désormais dans le domicile familial. En effet, Vanessa n'a pas chassé sa fille de la maison pour sauver les apparences, mais elle n'en pense pas moins et elle le faisait bien comprendre à la concernée, cohabitant avec elle sous le même toit, mais sans jamais lui adresser le moindre regard ou la plus petite parole. Elle l'avait bien prévenue.. Qu'entre elles, tout était définitivement terminé!

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    Alors, complètement désespérée par cette situation figée avec sa mère, Eva avait fini par craquer, fuyant la nuit chez son demi-frère "bâtard ", comme sa génitrice se mettait à l'appeller, pour se retrouver à carrément rester chez lui toutes les journées qui suivaient.

    Et deux jours plus tard, Raphaël filait au domicile Beckers pour lui récupérer quelques affaires afin qu'elle soit bien, chez lui... La jeune fille lui avait passé ses clefs, se doutant bien que la marâtre des lieux ne lui aurait pas ouvert sa porte.

    Harpie qui lui avait d'ailleurs balancé au visage tout ce qu'elle pouvait, tandis que lui remplissait sagement une grosse valise pour sa "trainée", "demi-soeur", et on en passe.. " Tant de mots glorieux qui s'échappent des lèvres d'une mère", n'oubliait alors pas de cingler froidement Raphaël en direction de sa furieuse interlocutrice qui ne rêvait sans doute que de le poignarder à vif.

    "— Dégage de chez moi, connard!!" que celle-ci lui hurlait en retour et dans la seconde, outrée, vexée, par sa réplique, tandis que lui sortait tranquillement de son appartement. "L'indifférence restant le meilleur des mépris..."

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    "Ils s'aiment, et alors.. ?"

    Mais Vanessa appréciait cette toute nouvelle solitude qui s'offrait désormais à elle. Solitude qui n'en était pas vraiment une, en plus. Parce qu'elle recevait du soutien... En effet, Claire et Sacha avaient été obligés de venir la consoler, lui dire à quel point ils étaient désolés et honteux que leur fils lui ait fait ça.. N'omettant pas de rajouter discrètement -pour tout de même protéger leur rejeton-, que celui-ci ne devait surement pas être au courant! Qu'une salope avait dû le piéger! " Ce pauvre amour qui plaisait tant aux femmes..". " La rançon de la gloire!". Leur Kylian n'était pas à blâmer. Il fallait lui pardonner...

     

     

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    ♪ Adagio - Secret Garden ♪

       

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    Pas à blâmer? Mais Vanessa le hait tout de même du fond du coeur, aujourd'hui.

    "Aveuglés par notre propre colère, on perd souvent toute logique..."

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    Et c'est ce qu'elle lui hurle en donnant de vifs coups de pieds sur sa pierre tombale ce soir.

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    " Sale connard qui aura décidément été faux avec elle, du début à la fin..."

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    "La frontière entre l'amour et la haine est si mince"

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    Puis, et entre deux vagues de larmes, elle se met soudain à réfléchir. " Qui pouvait donc être la salope de son éternel amour?" La femme d'âge mûr a comme un trou de mémoire à ce sujet. La connaissait-elle, à l'époque?

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    " Bauer.. Bauer... Raphaël, Bauer...", un nom de famille peut-être pas si inconnu que ça, pour l'ex-chanteuse blonde, qu'elle réfléchit encore, plus sceptique que jamais.

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    "La haine, c'est l'hiver du coeur" [Victor Hugo]

     

     

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    Raphaël aurait beaucoup apprécié faire une rentrée des classes normales aujourd'hui, mais il a malheureusement vite dû se résigner à rebrousser chemin, agacé comme jamais.

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    En effet, et alors qu'il franchissait l'enceinte de la faculté, une étudiante hystérique se mit soudain à crier son prénom en l'apercevant

    — Unknown Sooooldier!!!!!!!!!

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    Et voilà. Il le craignait. Il le savait, et le redoutait. Que ce concert signerait la fin de sa vie semi-paisible -déjà bien persécutée par les Peoples pour ados, cela-dit-.

    Il aurait du le parier! Que dès qu'il accepterait cette pathétique révélation d'origines, plus aucun allemand ne saurait croiser son regard sans voir en lui le rejeton du célèbre Kylian Gutter.

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    Il avait pourtant gardé espoir. Peut-être qu'à la lumière du jour, peut-être que dans la peau de monsieur-tout-le-monde, il aurait pu avoir une chance de continuer une petite vie normale. Peut-être que les Memories avaient suffisamment perdu en notoriété pour que les gens se fichent des erreurs de leurs défunt chanteur.

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    Raphaël avait été bien utopiste sur ce coup et c'est avec honte et lassitude qu'il le réalise aujourd'hui en tournant les talons pour détaler de cette faculté au plus vite. Il ne manquerait plus qu'on lui demande un autographe pour qu'il explose et colle une beigne bien mérité à l'une de ces hystériques agaçantes. 

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    En fuyant d'un pas rapide, il jette un regard à ses amis TroubleMaker qu'il aperçoit à quelques mètres en train de discuter entre eux. Il aurait tellement aimé pouvoir aller leur serrer la main, avant d'entrer en cours à leurs côtés. Tout ce qu'il désirait, ce n'était qu'une vie normale... 

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    Tobias et Terry, qui n'ont pas encore remarqué sa présence, entrent aujourd'hui en deuxième année.

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    Wilfrid, le plus jeune du lot qui est de dos au jeune Bauer qui détale, entre en première année. Il est tout juste détenteur du baccalauréat et débute aujourd'hui sa vie d'étudiant dépravé, comme il s'amuse à en rire aujourd'hui.

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    — Vous avez remarqués comme y'a d'la d'meuf partout les gars?! qu'il n'attend pas pour rappeler à ses amis, impressionné par le nombre de jolies filles que son regard peut croiser.

    — Y a Raphaël qui vient de détaler la queue entre les pattes, apprend tout d'un coup Terry avec ironie à ses comparses qui ont malheureusement raté le spectacle du Raphaël qui fuit la honte, " Mais il y a de quoi, car le faire avec sa soeur, c'est dégueulasse", continue Terry, plus amer que jamais, tandis que Tobias lui fulmine finalement avec agacement, "— c'est bon on a compris, ferme-la, maintenant."

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