• 279

     

    *

     

    Une fois seule dans le petit studio de son petit ami, et après avoir enfilé la chemise de nuit qu'elle laisse pliée toujours sous son oreiller, Eva se traine jusqu'au téléphone fixe accroché au mur et grâce à une acrobatie digne de Néo de Matrix, elle réussit à le décrocher pour le ramener avec elle, sur le lit.

    279

    Sans attendre et d'une main fébrile, elle se dépêche ensuite d'y composer le numéro de portable de son frère jumeau.

    279

    Une tonalité. Deux tonalités. Trois tonalités....

    Huit tonalités.

    Un répondeur automatique qui se lance automatiquement.

    Blasée, la jeune fille raccroche alors sans laisser de messages. Son frère a surement déjà dû retourner sur Paris et ne peux donc clairement rien pour elle. Quelle idiote décidément d'avoir pensé à lui pour demander de l'aide...

    Désespérée, elle sanglote alors et laisse s'écraser sur les touches du téléphone de nombreuses larmes. Elle ne sait plus quel numéro composer. Vers qui pourrait-elle se tourner désormais qu'elle se sent si seule, impuissante et terrorisée.

    Raphaël? Non, surement pas. Il est bien le dernier à qui elle doit parler d'une pilule du lendemain à prendre parce qu'elle a eu un rapport non désiré avec Terry, la veille.

    Erwan? encore moins. Il a déjà assez souffert récemment et n'a vraiment pas besoin de soucis supplémentaires.

    Alors, finalement, une demie heure plus tard et à force de pleurer à chaudes larmes en faisant défiler tout le répertoire de ses connaissances qu'elle a inscrites dans le téléphone de son petit ami, la jeune fille ose enfin se décider a cliquer sur le contact intitulé "maman".

    Une tonalité. Deux tonalités...

    — Allo?

    279

    — Je, je, je... essaie de bafouiller la concernée en entrecoupant ses mots de nombreux sanglots, déglutissant en même temps avec honte et douleur, - je, je..

    — Eva??! Tu pleures?!

    279

    — S'il s'il... s'il te plaît, maman... Viens me chercher..

    — Où ça?!?! Tu m'appelles d'un fixe, là, non?!?

    — A.. A l'appartement de Terry... je, je, je..

    — J'arrive dans dix minutes !

    Ce mot, le premier que les enfants prononcent et le dernier que murmurent les soldats mourants sur les champs de bataille : Maman. [Guy de maupassant]

      

     

    * 

     

     

    Un peu plus de dix minutes plus tard, la Mercedes noire de Vanessa se gare enfin devant l'appartement où la concernée est censé récupérer son enfant et c'est deux par deux qu'elle va grimper les escaliers de l'immeuble pour sonner nerveusement a la porte.

    279

    Que s'est-il passé ici pour que sa fille, en pleurs, l'appelle à l'aide, elle?! qu'elle songe avec effroi en patientant.

    279

    Son instinct de mère lui tord les boyaux avec frénésie pour lui répondre implicitement, quand la porte de l'appartement s'ouvre enfin, laissant apparaitre derrière...

    279

    ... Sa fille, penaude, terrifiée, toujours en chemise de nuit et avec les cheveux -enfin, la perruque, plutôt- complètement emmêlée et en vrac. Les yeux rougis de la brunette trahissent de nombreuses crises de larmes et cela n'échappe pas à sa mère.

    279

    — Eva, que t'est-il arrivé?! panique alors aussitôt celle-ci devant l'allure de son enfant en se jetant sur elle pour enlacer nerveusement, tout en lui caressant ensuite affectueusement sa perruque sale,

    279

    — Il t'a fait du mal, cet enfoiré ?! Mon bébé, ose me dire qu'il t'a fait du mal et je le fais boucler pour le restant de ses jours !!!

    279

    — N.. Non.. Mais il, il était saoul, et on l'a fait sans protection, balbutie en pleurant de nouveau la jeune fille, — maman je t'en prie, il me faut la pilule du lendemain, et je pensais que...

    — Il t'a forcé, ce sale chien ?! ne me dis pas qu'il t'a forcé !!! Dans ton état !!! en a les mains qui tremblent de rage Vanessa en recoiffant les cheveux de sa fille de ses doigts tandis que celle-ci, à bout, lui bafouille avec désespoir,

    279

    ...la tête désormais enfouie dans ses bras et en serrant les dents, —maman, je t'en pries, ramène-moi quelques temps à la maison...

    — Tout de suite mon bébé, dis-moi ce qui est à toi dans ce misérable appartement et on le quitte sur le champ!! se redresse d'un bond Vanessa pour commencer a inspecter la pièce du regard.

    279

    — Mais je ne veux pas tout prendre... Ça lui ferait très mal.. Je veux juste le ballon de jeff, désigne Eva du doigt la balle de basket-ball de son frère, posée à terre près de la porte, — sa souris, que tu dois reconnaitre, qu'elle retrouve ensuite le sourire en désignant l'objet, — et mon porcinet ...

    279

    — Humpff, d'accord, si c'est tout ce que tu veux.. En soupire de dépit Vanessa avant d'ajouter nerveusement, — et ou sont tes vêtements, que je t'habille vite afin qu'on détale d'ici ?! La voiture nous attend en bas.

    — Dans l'armoire de la salle de bain.. répond en baissant les yeux Eva, désespérée d'avoir presque pris la décision de fuir son petit ami qui était pourtant bouleversé par ce qui s'est passé la veille.

    — Relève les yeux, Eva, la gronde sans attendre sa mère, — tu n'as pas à être malheureuse, car quoiqu'il se soit passé ici, tout ça fait désormais partie du passé !

    — Aujourd'hui, tu rentres à la maison et je vais m'occuper de toi, qu'elle reprend en filant vers la salle de bain d'un pas nerveux pour récupérer de quoi habiller son enfant.

    279

    — D'a.. D'accord, se contente de répondre Eva en ravalant un sanglot, mais sans aucune conviction cependant. Lorsque l'on a déjà touché le fond depuis bien longtemps, l'on a souvent du mal à continuer de croire que la surface existe encore...

     

     

     

     

    279

    Trente minutes plus tard, Vanessa et sa fille sont enfin déposées dans le parking souterrain de la résidence familiale -elles sont passées à la pharmacie juste avant afin d'envoyer acheter une pilule du lendemain à ce vieux chauffeur familial qui travaille pour elles depuis plus de quinze ans maintenant : il n'y a pas plus fiable, fidèle, et honnête que lui!-.

    Reconnaissant très vite cet endroit chaleureux où leur voiture vient de se garer, Eva se surprend à sourire de bonheur. La maison... Chez elle. Elle est enfin de retour, chez elle... à la maison. Entre les murs les plus protecteurs qu'elle n'a jamais connus.

    « 278280 »