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    — Vous allez m'expliquer? fulmine Wilfrid, les sourcils froncés, en direction de la mère de sa petite amie qui s'est confortablement installé sur le canapé de son salon pour bouquiner un magazine de cuisine.

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    — De quoi, petit Wilou? lui sourit la femme d'age mur avec innocence.

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    — Je peux la rendre heureuse! Alors pourquoi ai-je la désagréable impression que vous ne me faites pas confiance?!

    — Écoute mon petit Wilfrid, tu es un garçon très gentil qui rend heureux Paula, je n'ne doute pas et t'apprécie énormément. Seulement.. Jamais je ne cautionnerais cette demande de fiançailles. Il est trop tôt pour que vous vous engagiez.

    — Il n'est pas trop tôt, je l'aime!

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    — Mais elle, t'aime-t-elle?

    Le jeune musicien en fait un pas en arrière de surprise, son coeur lui donnant subitement un coup violent dans la poitrine.

    Il rétorque immédiatement en conséquence, blessé par la question,

    — Bien sûr que oui !

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    — Écoute, Wilou, je ne veux pas te faire de peine, mais pendant votre rupture, bon nombre de garçons ont défilés ici. Ce qui me persuade donc dans le fait que ma fille est encore instable.

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    — Tout ça c'est le passé, on est ressorti plus fort de notre séparation!

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    — C'est ce qu'ils disent tous, et au final, ce ne sont que des connards.

    — Vous m'insultez, là?! s'offusque le jeune homme en serrant les dents.

    — Je vous insulte tous. Vous, tous, les jeunes adolescents qui s'imaginent que fonder un foyer ce n'est qu'une demande, un sourire et le cadeau d'un anneau. Pathétique! Et le pire dans dans tout ça, c'est que Paula, en acceptant ta putain de bague, n'a pas retenu la leçon que son père nous a pourtant donnée.

    — C'est bon, j'en ai assez entendu, et je ne vous pensais pas comme ça, humpf! Grogne le jeune homme les poings serrés en tournant vivement les talons pour retourner dans la chambre de sa petite amie.

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    — Tu ne me connais pas du tout, Wilfrid Mülher... se sourira à elle-même la belle-mère stressée une fois seule dans son petit salon, — et fais-moi confiance, ton petit couple ne tiendra pas très longtemps... Et le petit rockeur immature que tu es prendra très bientôt la poudre escampette pour retourner jouer dans le bac à sable des gamins de sa trempe.

     

     

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    Pendant ce temps, dans la chambre d'hôpital de la jeune September, la concernée se retrouve désormais seule avec son grand amour, Raphaël Bauer. En effet, Jeffrey, jugé très faible par un médecin, a été rapatrié dans sa propre chambre.

    Erwan, quant à lui, il a pris congé peu après l'arrivée et le départ impromptu de son ex-femme. Le pauvre homme avait l'air si pâle et perdu qu'Eva ne pouvait lui tenir rigueur de son départ plutôt précipité. Elle avait bien conscience qu'il n'était plus dans son assiette.

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    — Tu dois me haïr... marmonne la brunette en fixant un point invisible, honteuse. Ses yeux recommençant à s'humidifier lentement. Décidément.. Aujourd'hui aura été une rude journée, aussi bien physiquement, qu'émotionnellement parlant, pour la demoiselle..

    — Je n'éprouverai jamais un tel sentiment pour toi, Eva, contredit Raphaël en décroisant les bras pour se saisir délicatement de la main gauche de son interlocutrice, — par contre, oui, je t'en veux de m'avoir fait ça... C'était cruel.

    — Je, je.. Je suis désolée.. Ne peux que s'excuser la jeune fille en s'essuyant les yeux de sa main libre, — je, je, je ne me comprends pas moi-même, tu sais...

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    — Ce n'était pas qu'un sacrifice pour Jeffrey, hein... Cela t'arrangeait de mourir. Et c'est ça qui me fait le plus mal, parce que, pourquoi..? On venait de se retrouver, alors je.. Je ne comprends pas. Je veux te rendre heureuse, Eva, même si, même si...

    — Derrière ton "même si" se cache les mêmes appréhensions que moi, hein...n'attend pas pour pointer du doigt la cruelle réalité qui déchirera toujours les coeurs de ces amants maudits.

    — Non ! Je n'ai aucune appréhension ! secoue vivement la tête de gauche à droite Raphael, — car jamais rien ne m'empêchera de t'aimer ! J'en suis certain ! Jamais rien ne nous arrêtera, ni ne nous freinera ! Mais on doit avant tout y croire...

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    — Je ne comprendrais jamais ce que tu peux me trouver finalement.. Sanglote la jeune fille l'estomac noué , — je ne sais pas, j'ai rien de bien, regarde moi, j'assure que dalle, pour rien ! Et aujourd'hui, c'est pire que tout, regarde-moi! regarde-moi, ce que je suis ! 

    Bafouillant cela, elle dirige son regard vers ses jambes inertes.

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    — J'aime tout en toi, Eva. De notre première soirée au Blue's, à la nuit des roses, lorsque tu es venue m'aguicher parce que tu avais bu un coup de trop et ne savais plus ce que tu faisais, à aujourd'hui ou tu te réveilles après avoir failli m'abandonner... Je t'aimais, je t'aime, et je t'aimerais toute ma vie. J'aime ton rire de souris, ajoute tendrement Raphaël en caressant délicatement la joue de son interlocutrice, — j'aime ton mauvais caractère aussi, quand on te contredit... J'aime aussi ton obstination. Tu sais ce que tu veux et tu es prête à tout pour l'obtenir. J'aime ton dévouement pour les autres, même si lui me terrifie désormais... J'aime ta perruque qui donne l'impression que tu as les cheveux gras, j'aime ta couleur blonde qui ne te va pourtant pas vraiment... Il n'y a rien que tu puisses faire ou représenter que je ne puisse aimer...

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    — C'est bon, c'est bon, arrêêêêeête, tu n'as pas le droit d'être aussi parfait!! en baisse les yeux la jeune fille de honte, les joues en feu, — et pour les cheveux, cette putain de perruque me gratte affreusement !! Mais j'ai peur de l'enlever pour découvrir ce qu'il y a dessous... Tu ne réalises pas depuis combien de temps est-ce que je la porte ! Là-dessous, ça doit faire peur...brrrr!

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    — Cela ne serait pas un tue-l'amour assez fort pour que je cesse de t'aimer, Eva Gutter, reprend Raphaël d'une voix encore plus suave en entrelaçant ses doigts avec ceux de son interlocutrice, — alors, je t'en supplie, je t'en conjure, ne me refais plus jamais croire que je vais te perdre.. On est deux, on est ensemble, quoi que tu fasses, dises, tentes, où que tu ailles, on est deux.. Et on sera toujours deux... Je serais toujours à tes côtés, pour t'aimer.

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    — Raph'... en gémit d'émotion la jeune fille, en larmes, — je, je...

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    — Promets-le-moi, Eva.. Promets-moi de ne plus jamais m'abandonner!!!!!!! Je ne plaisante pas!!!! Si tu m'aimes autant que tu l'as dis, jure moi aujourd'hui de ne plus jamais m'abandonner! 

    — Je, je te le jures.. Acquiesce avec un sourire timide et honteux la jeune fille en s'essuyant les yeux, tandis que le visage de son interlocuteur se rapproche soudain du sien pour que leurs lèvres s'épousent très vite et avec une tendresse infinie.

    Pourvu qu'aucun crétin ne se décide à pénétrer justement à ce moment là, dans la pièce...

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    Mais de toute manière, si la catastrophe devait se produire, les deux amoureux n'interrompraient peut-être même pas leur langoureux baiser.

    Parce qu'en ce moment, plus rien ne compte! Le monde pourrait bien s'arrêter de tourner, le soleil geler immédiatement, le sol s'effondrer sous leurs pieds, qu'ils n’en auraient strictement rien a faire! Plus rien ne compte à leurs yeux, en ce moment précis...

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    Mais tout de même par chance, personne n'interrompra leur doux échange ; les amants maudits vont donc alors pouvoir conserver leur secret un peu plus longtemps... Mais un jour viendra où ils s'aimeront aux yeux de tous.

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    Tendrement, ils s'en font la promesse. Chacun dans un doux susurrement de mots d'amour sincères.

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    Un jour, oui, un jour...

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