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    - Qu'est-ce que c'est que ça ? s'intrigue ce soir Ana Béranger en direction de son fiancé qui est en train de transporter un téléviseur a bout de bras.

    - Bah, une télé, pourquoi, ça se voit pas?!

    - Si, mais qu'est-ce que tu fais avec?!

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    - Bah je vais la brancher! Parce que j'ai bien essayé de me la mettre dans le cul, mais ça coince!! Alors je me suis dit, tant qu'à faire, autant la brancher pour qu'on puisse la regarder!

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    - Très drôle! Tu sais très bien de quoi je veux parler, d'où est-ce qu'elle vient cette télé?! Ne me dis pas que tu l'as volée?!

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    - Non, je l'ai acheté comptant et c'est de la bonne marque. Avec mon salaire d'hier soir, je t'avais pas dit que mon employeur me payait cash, au jour le jour?

    - Non, tu ne m'avais pas dit que tu avais pris ce boulot de videur, au noir! C'est illégal, ça, Jeff!

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    - C'est pas illégal, je bosse, il me paie, point.

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    - Si un jour il se fait chopper par les flics, tu tomberas avec lui, Jeff! Et ça, c'est hors de question! Alors tu vas démissionner dès que possible!

    - Jamais de la vie, c'est un boulot en or qui rapporte un max de blé, alors perso, le fait qu'il déclare ou pas ses salariés, j'en ai rien à branler. On a besoin d'argent Ana, je te rappelles.

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    - D'argent oui, mais pas de soucis avec les autorités! N'a pas du tout l'air convaincu la jeune femme.

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    - Écoute, ma chérie, arrive tendrement Jeffrey pour enlacer délicatement sa petite amie, - je veux t'offrir ce qu'il y a de mieux, et ce n'est pas avec ton petit salaire de vendeuse que j'y arriverai. Même s'il est très appréciable! Il faut avouer qu'on a besoin de plus, beaucoup plus. Pour que cette coquille vide dans laquelle on vit se transforme en bel appart.

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    - J'avoue que tu n'as pas totalement tort.. Abdique provisoirement la jeune femme avec un doux sourire : provisoirement, car elle reste tout de même sceptique face aux affirmations de son compagnons, bien consciente que ramener de quoi acheter un aussi grand téléviseur -de marque, en plus!- après seulement une soirée de travail est quand même des plus surprenant pour un simple emploi de.. Videur de discothèque.

     

     

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    Et si sa petite amie est désormais des plus sceptiques à son sujet, Jeffrey Beckers, lui, ne s'endort plus l'esprit tranquille depuis qu'il a commencé son petit trafic pour le compte d'un homme à l'allure imposante qui le paie pourtant très bien pour ce qu'il lui demande de faire : écouler du shit et savoir oublier où est-ce qu'il se l'est procuré en cas de rafle de la police.

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    En effet, l'ex-allemand est bien obligé de se souvenir, et ce très souvent, de la façon dont son défunt père s'est donné la mort à l'époque.

    Oh, certes, cette mort n'est qu'un suicide, car ce lâche désirait mourir.

    S'en aller. Disparaitre. Quitter un monde ingrat et abject en laissant derrière lui une famille, des enfants, qu'il ne connaitrait jamais...

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    Se souvenant cela, le jeune Beckers ne devrait pas s'en vouloir de dealer de la drogue à des adolescents désireux de se fumer un bon bédo, puisque chacun est libre de faire ce qui lui plaît de sa santé, après tout.

    Il ne devrait donc pas se sentir aussi coupable.

    Non, il ne devrait pas!

    Surtout que son père, à lui, se droguait surtout à la cocaïne, et non à la drogue douce.

    Il y a tout de même là une grosse différence!

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    Mais cependant... Et malgré tout ces bons arguments, l'adolescent fugueur a sans arrêt l'impression que lorsqu'il deale de la drogue, lui.. Il pisse ouvertement sur la tombe de son père et celui-ci s'en arrache les cheveux en l'observant de là-haut.

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    Et c'est cette horrible et bien désagréable sensation qui l'empêche, cette nuit encore, de trouver correctement le sommeil.

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    Comme toutes les nuits depuis qu'il s'est mêlé, lui aussi, à ce petit trafic pourtant des plus florissants.

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