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    Le lendemain, en pleine après-midi, les deux tourtereaux Berlinois en cavale arrivent enfin dans l'enceinte de la résidence du petit appartement qu'ils ont loué il y'a quelques heures à peine, dans cette petite agence immobilière du centre-ville parisien qui leur a volé presque toutes leurs économie en leur réclamant trois mois de loyer d'un seul coup!

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    Alors lorsque le couple arrive devant l'enceinte de cette résidence, plus fauché que jamais et après une lutte contre la difficile langue française, ils sont finalement très heureux d'arriver lentement au bout de leurs peines! 

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    Une chance pour eux que le pays dans lequel ils arrivent aujourd'hui soit si compatissant envers les jeunes qui démarrent difficilement dans la vie, avec pour seules et uniques armes, leur courage et leur volonté.

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    Des jeunes français ayant vécu depuis leur plus jeune âge sur Berlin, qui sont désormais de retour sur Paris, leur ville natale, qu'ils baragouinaient avec assurance devant le gérant de l'agence immobilière avide de petites aventures de jeunesse :

    - "Que c'est beau d'être jeune! qu'il répétait sans cesse. Moi aussi, vous savez, quand j'avais votre age.. Et blablabla, et blablabla, pouvaient bien avoir envie de lui répondre ses deux interlocuteurs alors qu'ils plissaient frénétiquement les yeux pour tenter de comprendre un minimum le contenu de sa phrase.

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    Les Français parlent vite et en machant leurs mots, n'a pas tardé à remarquer Jeffrey ; et cela est des plus désagréable quand à l'école, on n'a jamais dépassé le onze de moyenne en français. Ana a plus de facilité à comprendre la langue que lui, cela dit. Fayotte! Lui a aussitôt rit Jeffrey en découvrant son aisance avec la langue des mangeurs de grenouilles.

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    Sans parler de cette obligation de payer d'un coup trois mois de loyer avant même d'avoir mis le premier pied dans son futur logement.. Non mais qu'elle aberration, franchement! Les jeunes allemands le digèrent encore difficilement. Les français sont des voleurs!!!

    Mais l'argent ne fait pas le bonheur et les deux amoureux sont fermement persuadés qu'ils ne mangeront des pâtes au beurre que durant leur premier mois de vie parisienne, puisqu'ensuite, ils auront trouvé tous les deux des emplois qui feront dégringoler avec délice et dans leurs comptes en banque, des salaires bien juteux!

     

     

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    De son coté, Raphaël Bauer, lui, n'a pas de soucis d'argent, nonchalamment assis sur le canapé de la maison familiale, mais plutôt de douloureux de... moralité.

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    En effet, être responsable de deux assassinats est dur à vivre, avec le recul, pour ce jeune homme à la droiture habituellement exemplaire. Est-ce qu'il doit se pardonner, est-ce qu'il en a le droit, n'avait-il pas d'autres moyens de régler ce conflit?

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    La veille, de sa propre main et de ses propres doigts, il a ôté une vie : celle de Matthias Kayne, quand derrière lui, et avec une placidité à faire peur, son père de substitution en ôtait une autre : celle d'un ami, collègue, de celui qu'il venait d'assassiner...

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    Puis, et juste après ces deux et effroyables meurtres, les deux cruels assassins se sont pressés de charger les corps de leurs victimes sur un voilier afin d'aller les enterrer soigneusement sur une petite île non loin d'ici. Une petite île où plus personne ne va aujourd'hui... à part peut-être quelques familles aisées à bord de leurs bateaux de plaisance, pour aller se dorer la pilule sur la petite plage de galets blancs de l'endroit.

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    - C'est ouvert, annonce assez fort Raphaël en remarquant soudain que quelqu'un est en train de toquer à la porte de chez lui ;

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    ...une vieille amie, qu'il remarquera très vite en la saluant d'un timide sourire,

    - Tiens, salut, toi..

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    - Oh, oh, Lydia ne s'était donc pas trompée! Elle t'a donc bel et bien aperçu rentrer chez toi!!

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    - Comme tu peux le voir, oui.

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    - Et même pas tu te précipites nous passer le bonjour?! C'est moche!! taquine sans attendre la jeune fille en se rapprochant de son interlocuteur et ex-amant afin de se laisser tomber a ses côtés sur ce petit sofa.

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    - J'ai eu, disons... quelques petits soucis. Et toi sinon, ça va? En tout cas, tu es radieuse.

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    - Hum, merci! Mais de quels ordres, les soucis? n'attend pas pour questionner Jane avec curiosité : après tout, pourquoi serait-elle gênée vis-avis de ce garçon, alors qu'il est presque l'homme de sa vie?

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    - Hum.. C'est que j'ai pas vraiment envie d'en parler...

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    - Oh.. Hmpff..! Hum.. Des soucis musicaux? Mais à ce que j'ai cru entendre de la part de Tobinette, tout va pour le mieux pour vous, en ce moment!

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    - Oui de ce côté-là, tout baigne, on avance doucement, mais surement! Mais HUM...alors comme ça, tu discutes souvent avec Tob', toi? Il s'est bien gardé de me le dire, le saligaud!

    - Ça ne t'intéressait peut-être pas! taquine avec ironie la jeune fille, titillant ainsi la culpabilité de son interlocuteur qui l'a tout de même abandonnée pour une autre, alors que tout les deux étaient déjà, aux yeux de tous, le couple modèle du nouveau millénaire.

    - Tsss, j'avoue que je suis moins téléphone que Tob', se justifie très vite le jeune homme avec honte, - mais cela ne voulais pas dire que je t'avais oublié..

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    - Et avec, euh.. Machine, là.. Ça va toujours? met sans attendre un pied énorme dans le plat Jane avec un sourire large de quinze kilomètres qui en dit long sur sa tentative.

    - Fourbe, cette question est terriblement fourbe.. N'est pas dupe Raphaël dans un long soupir, - mais je vais te donner l'occasion de jubiler, puisqu'entre nous c'est fini depuis un petit moment maintenant...

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    - Oh, je suis désolée, s'excuse sans franchise la jeune fille, - mais pas attristée, pour être honnête, uh uh.

    - Méchante..

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    - J'avoue! Mais que s'est-il passé pour que celle qui t'a volé à moi réussisse ensuite à te perdre ? Elle a dû commettre une énorme.. connerie. Non?

    - Elle n'a rien commis du tout... Mais il y'a peu, j'ai découvert mes origines réelles. Et ça compromet tout.

    - Tes origines? Comment ça?

    - Et bien mon père n'était pas celui que je croyais, puisqu'il était en fait.. Le sien aussi.

    - La vache! Gutter?! s'en étouffe presque la jeune fille en écarquillant grand les yeux, - tu déconnes, non?!

    - Garde ça pour toi, Jane. Je ne veux pas que Lydia soit au courant, c'est mon petit secret, et je te fais confiance... en reste blasé et imperturbable Raphaël, - mais tu as le droit de rigoler, je comprendrais.

    - Je ne vais pas te cacher que c'est atrocement ironique ce qui t'arrive et que je me retiens d'exploser de rire, en effet.

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    - Bah ne te retiens pas, moi aussi je trouve ça terriblement...

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    - Même avec toute la cruauté du monde, je ne pourrais jamais rire de toi, Raph', alors ne me propose pas ça, idiot. Tu oublies qui je suis, tout de même!

    - Hmmm... Erf.. En effet, j'oubliais.. Ne peut s'empêcher de sourire avec émotion le jeune homme en passant délicatement un bras autour des épaules de son interlocutrice pour la ramener contre lui ; en effet, il oubliait bel et bien ce qu'il représentait pour cette jeune fille et ce qu'elle, elle représentait réellement pour lui...

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    Ce premier amour..

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    ~ Mais le premier amour n'est-il pas toujours le dernier ...? ~

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    "La magie du premier amour est d'ignorer qu'il puisse finir un jour" [Proverbe afhan]

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