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    Elle lui a fait payer.. À ce chien. Justice est faite!

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    - Angelika? pénètre soudain sa mère dans la pièce, inquiète pour sa fille entrée là-dedans depuis maintenant plus d'une heure, - est-ce que ça va, ma chérie ?

    Bien sûr, cette mère douce et attentive est prête à tout pour consoler la peine que dois ressentir son enfant unique, la chair de sa chair, l'amour de sa vie. Sa grande chérie.. Son petit ange doux et délicat.

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    - Il est mort... marmonne l'adolescente d'une voix d'outre-tombe, avec une goutte de sang qui lui dégouline le long de la lèvre. Zut, elle ne s'en était même pas rendu compte.. À force de jubiler dans un état second, elle s'est mordu avec délice et folie.

    - Non ma chérie, il va s'en sortir ton petit Jeff, ne t'en fais pas... tente de rassurer la mère, le coeur terriblement gros, - oh, mais tu t'es blessée.. On va t'essuyer ça.

    - Non. Laisse, reprend l'adolescente avec froideur, dévisageant sa mère avec mépris lorsque celle-ci commence à imbiber un coton de syntol.

    - Ça ne va pas piquer, mon ange, ne t'en fais pas.

    - Je t'ai dit de LAISSER!

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    Surprise par le ton haineux de son enfant, la jeune mère arrête brusquement son action et jette son bout de coton dans l'évier à côté d'elle.

    Son coeur bat désormais comme un fou et sans vraiment en comprendre la raison, elle commence à s'attendre au pire..

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    - Voilà, et maintenant.. Tu dégage! Reprend d'une voix glaciale Angelika en revenant admirer son reflet dans le miroir, pour lui marmonner dans un état second et avec satisfaction, une fois sa mère sortie de la pièce,- Niark! Tu as fait ce que tu avais à faire! Il ne méritait que ça!

     

     

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    Deux jours plus tard, la vérité éclate brutalement au grand jour.

    La mère Ritter se décide à dénoncer aux autorités compétentes la culpabilité de sa fille dans l'agression du jeune Beckers : la veille, l'adolescente a tenté de la battre avec une poêle à frire... La mère désespérée n'a donc désormais plus le moindre doute sur la capacité de son enfant à pouvoir tuer. Déjà, ce soir là, dans la salle de bain, elle avait eu de gros doutes.... Son enfant n'avait plus rien d'humain ni de censé au creux du regard.

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    Psychologiquement dérangée, qu'on accusera très vite la jeune Angelika Ritter. Férocement protégée par un avocat payé par sa gentille mère qui ne veut tout de même pas le pire pour son enfant. Un séjour en hôpital psychiatrique serait suffisant... La jeune maman ne veut que retrouver son petit ange. Sa fille à elle, sa douce et pure Angélika, pas encore pervertie par cette chose perfide qu'est l'amour...

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    Et cette sentence, proposée par quelques juges pour enfants, finit par être acceptée par la plus grande majorité d'entre eux. L'adolescente accusée étant mineure et n'ayant été, jusqu'a maintenant, qu'un exemple de petite jeune fille modèle...

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    Voilà donc comment expliquer que deux semaines plus tard, la petite Angelika Ritter se retrouvera dans cet établissement aux murs blancs et a la peinture délavée, entourée de divers fous à lier, psychopathes et arriérés, pensant encore et encore à ce jeune homme qui se tordait de douleur ce soir-là, lorsqu'elle l'a poignardé avec sang-froid et avec délectation. La vengeance étant un plat qui se mange froid, Angelika avait mangé surgelé ce soir-là !

     

     

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    Deux semaines. Cela fait déjà deux semaines que Jeffrey Beckers est plongé dans ce profond coma.

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    Deux semaines. Cela fait déjà deux semaines que Vanessa Beckers devient folle face au mutisme, à l'isolement total et à l'auto-mutilation du dernier enfant qui lui reste...

    "Une entaille par jour sans lui."

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    Tous les jours, cette mère désespérée retrouve son dernier jumeau assis, ou allongé en sang sur son lit. Punissant ses bras et jambes de vifs et violents coups de rasoir pour le sommeil actuel -et peut-être définitif- de son frère. Elle se fait ainsi payer.... d'être encore en vie et en pleine santé, elle.

    "Les plus faibles qui ne sont pas tués par la société finissent par se tuer eux-même" [Damien Saez]

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    Oui, l'adolescente ne parle plus. Ne va plus en cours et ne mange que rarement. Et encore.. Sa mère doit constamment lui abandonner un plateau repas dans sa chambre pour espérer la faire grignoter quelques bouchées.

    "Nombreux sont ceux qui vivent et qui méritent la mort, quand certains qui meurent méritent la  vie" [J.R.R Tolkien]

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    "S'il part, je pars."

    C'est ce qu'elle soufflera soudain d'une voix faible et impassible à sa mère, ce soir là, expliquant ainsi les raisons logiques de son auto-destruction, pour la faire aussitôt tomber au sol, hurlant de désespoir face à sa propre impuissance..

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    Il est certain qu'un jeune homme aurait sans doute pu l'aider à sauver son enfant du gouffre béant dans lequel il s'enlise doucement, attendant patiemment une morte lente et douloureuse.

    Un jeune homme qui n'est pas revenu sur Berlin depuis plus d'une semaine. Un jeune homme qui n'a plus contacté ni sa petite amie, ni son groupe de musique, depuis qu'il est rentré précipitamment dans son village natal.

    Un jeune homme qui devait, il y'a un peu plus d'une semaine, parler d'urgence à sa mère. Allant jusqu'à carrément sauter dans le premier train en partance pour ce port où il a grandi et été élevé, pour parler de vive voix à cette femme qui lui a donné la vie : ses doutes et frayeurs le rongeant beaucoup trop pour qu'il puisse continuer de fermer les yeux sur ses éventuelles origines.

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    Et comme il le désirait, ce soir-là... Deux heures après son retour dans la maison familiale, le fameux voile a été levé.

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