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     — Je comprends.. semble-t-il tenter de conclure à ma place, en vain, parce que je me hâte de reprendre les rênes de la conversation,

    — Non. Non, tu ne comprends pas Candide. Parce que tu ne l’as pas encore vécu.

    — Sympa pour le « encore »... Je vois que tu ne me souhaites que du bonheur avec mes proches décidément !

    — Elle s’est mise à voir quelqu’un d’autre, seulement deux semaines après mon entrée ici. Et elle n’est jamais venue me voir. Jamais. La rupture, elle me l’a annoncé au téléphone.

    — Ouais.. Horrible. Mais...

    — Arrête de m’interrompre ! Ou je te brise les os !

    — Et toi, arrête alors de me miner le moral pour que j’aille me jeter du haut du toit ! Si tu crois que j’ai pas compris ton petit jeu ! Tu as souffert pour une nana, et maintenant tout ce que tu souhaites, c’est que je suive ton chemin !

    — Non ! Je souhaite seulement que tu n’y croies pas trop ! Parce que sinon tu souffriras comme moi j’ai souffert !

    — Va te faire foutre maintenant ! J’en ai assez entendu !

    — Nous ne sommes que des parias Kylian ! Que des parias ! Pire que des taulards ! Et tu le découvriras bien assez tôt ! Quand tous les gens auxquels tu tiens refuseront de se souvenir de toi !

    — La ferme ! Se met-il brusquement à me crier, en se mettant en boule sur son banc.

    — Fais toi une raison.... je lui laisse finalement tomber en commençant a m’éloigner, — car elle ne t’attendra pas, et elle finira par avoir honte de t’avoir connu... je termine dans un soupir, une fois que je me sais suffisamment loin pour qu’il puisse m’entendre.

     

    Ouais. En effet.

    Je ne tenais pas à ce qu’il entende ces dernières phrases.

    Pour qu’il puisse encore y croire.

    Encore un peu...

     

     

     

    *

     

     

     

     

    — CONNARD !! CONNARD !! CONNARD !! se met a hurler Kylian avec violence, une fois seul, en enchainant de coups de pied la première lampe de jardin qui a croisé son regard. 

    Il aimerait ignorer le récit de son collègue d’infortune, Matthias. Oh oui, qu’il aimerait ne pas assimiler son propre futur au sien.. Parce que leurs histoires sont différentes. Bien différentes !!

     

    — Et bien ? Pauvre petite lampe ! Vient soudain le faire sursauter une voix qu’il pense reconnaître.

    Celle qu’ils appellent Doc', lors des réunions.

     

    — J’suis désolé... s’excuse-t-il sans attendre en arrêtant sa tentative de destruction. 

    — Il n’y a pas de quoi s’excuser. 

    — Eeuh.. Si, quand même. Parce que je crois que l’ai un peu abîmée..

    — Tu veux en parler, Kylian ?

    — De... De quoi ?

    — De n’importe quoi.

    — Non merci.. Ça ira. Je vais remonter dans ma chambre, je pense. 

    — Je m’appelle Nikole. Mais tout le monde ici m’appelle Nicky, ou Doc ».

     Doc', ouais, c’est ce que j’ai cru entendre...

    — Mais je préfère quand même Nicky.

    — OK. 

    — Tu es sûr que tu ne veux pas en parler ? Tu sais, je suis là pour ça. Et je sais garder les secrets, les peines, tout... Alors, n’hésite pas.

    — OK, je m’en souviendrai. Mais je vous promets que je n’ai ni envie, ni besoin, de parler.

    — D’accord, d’accord, je ne vais donc pas insister ! ... Mais n’oublie pas d’accourir vers moi lorsque cela sera le moment. Parce que je te promets, que je serai là.

     

    Moi, je serai là... c’est bien ce que Kylian semble comprendre, dans ces phrases pleines de non-dits.

    Elle, elle sera là...

     

    — Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit... finit-il enfin par conclure en s’éloignant, le cœur gros... parce qu’il vient enfin de faire le lien entre les deux conversations qu’il vient d’avoir ce soir.

     

     

     

    *

     

     

     

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    — Jeudi 16 octobre —

      

    Cher journal, aujourd’hui je vais t’apprendre qu’un nouveau est arrivé au centre !!

    Il s’appelle Kylian et c’est le chanteur des « Apologize ».

    Je crois qu’il est ici parce qu’il est héroïnomane. Comme Matthias en fait. 

     

    Mignon. Mignon. Oui il est vraiment mignon, et pour tout te dire, il me plaît beaucoup !! Mais je ne me fais pas d’illusions. Parce que je suis certaine qu’il a une copine. Ça se voit dans son regard. Il est toujours ailleurs...

    Sûrement en train de penser à elle...

    Et puis si ça se trouve, il est exactement comme Matt ».

    Il essaie d’arrêter... pour elle.

    Qu’en penses-tu, toi ?

      

    Heeey, j’oubliais !! Pendant la réunion d’accueil, il avait presque tout le temps les yeux rivés sur Ulrich !! Le p’tit Lulu ! Tu sais, je t’en ai déjà parlé !

    Bon, je me trompe peut-être, mais je suis presque sûre qu’ils se connaissent tous les deux.

    J’en ai déjà parlé à Matt', qui pense exactement comme moi. 

    Enfin bref !!!

    Il faudra qu’on tire tout ça au clair !!

    Amoureuse ? Noooon !! Tu sais bien que j’ai jamais eu de chance en amour, alors j’y crois même pas!.

    Si j’avais été jolie, blonde et bien foutue.. Alors là oui, peut-être que...

    Enfin bref, je vais arrêter de chouiner pour ce soir, car ça le fait vraiment pas !!

    Alors je vais t’embrasser, petit journal, et te dire a demain, pour de nouvelles aventures !!

    (Oui, c’est promis, je te ramènerai des nouvelles fraîches sur Kylian !! ^o^)

     

     

     

    *

     

     

     

    Le lendemain matin, Kylian va recevoir une bien agréable visite et cela va le ravir au plus haut point.

    Surtout après le coup de blues que lui a déclenché Matthias la veille.

     

    — Sisi, c’est une sacrée surprise de te voir, je te dis, susurre-t-il affectueusement à sa petite amie du moment, Avril Lavigne. En effet, celle-ci n’a pas attendu longtemps avant de venir le voir et cette attention l’émeut particulièrement.

     — Je t’en prie, c’est normal. Et je tenais à ce que tu saches que je suis très fière de toi. Vraiment.

     

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    — Tu pourras être fière de moi quand je sortirai, lui murmure-t-il avec sensualité, tout en la ramenant doucement contre lui pour l’enfermer dans ses bras possessifs.

    — En fait, je voyais pas ça comme ça, un centre de désintoxication, lui avoue-t-elle ensuite, tout en observant les lieux avec attention, — disons que, tu vas rire... Je voyais plutôt ça comme une sorte de prison ! Avec une grille pour empêcher les gens de fuir et tout le tintouin !

    — Fuir ? Manque de s’esclaffer Kylian, avant de reprendre avec ironie, — ça serait un comble de vouloir fuir d’un endroit où l’on a fait soi-même une demande d’admission !

    — C’est sûr. Mais je n’avais encore jamais vu de centre de désintox de ma vie, alors ça plaide un peu en ma faveur !  

    — Au fait... reprend Kylian avec un sérieux qui intrigue rapidement la jeune femme, — hier soir, dans la salle de repos, j’ai lu une interview de toi, et... 

    — Oui, je sais... En fait, ils ont commencé a me casser les pieds avec des tas de questions sur toi, alors je...

    — Je comprends.

    — Je suis désolée. Tu m’en veux ?

    — Non. Mais je me dis qu’on t’a peut-être suivie jusqu’ici. Alors ils sauront que tu as menti, puisque tu es dans actuellement dans mes bras.

    — C’est pas grave, parce que je rentre ce soir. 

    — De... ?

    — En fait c’était surtout pour te prévenir que je suis venue ce matin. Je.. Je suis désolée, mais je dois rentrer.

    — OK, OK. Hmmm.. Combien de temps ?

    — Je ne pense pas revenir sur Berlin avant la prochaine tournée. Si on passe dans votre ville, évidemment...

    — Ah ouais.. OK. 

    — Je suis désolée Kylian. Mais on pourra toujours s’écrire... Non ?

    — Ouaip. Y’a pas de soucis la miss, tente-t-il de rester indifférent en ramenant ses mains dans ses poches.

    — La voiture est garée juste devant. Elle m’attend, lui fait-elle à nouveau, en évitant désormais de le regarder droit dans les yeux — alors je te dis... À la prochaine. Je.. .

    — OK. Et moi je te souhaite un bon voyage, ne peut-il s’empêcher de lui rétorquer sur un ton glacial, avant de faire demi-tour pour retourner d’où il vient. Le centre. Ces bâtiments de briques blanches aux pièces parfumées d’une désagréable odeur d’hôpitaux. 

     

    — Kylian ? Le ramène soudain a la réalité une voix féminine, tandis qu’il se plaisait a se perdre dans ses souvenirs et sa mauvaise humeur, — on va faire une partie de ping-pong dans la salle de repos, est-ce que ça te dis de te joindre a nous ?

     

    Jeyne. Si ses souvenirs sont bons, cette rouquine s’appelle Jeyne. À moins que ce soit Kayne. Ou Layne..

     

    — Mouais, OK. Pourquoi pas, lui hausse-t-il simplement les épaules en aquieçant de dépit. Il n’a finalement plus rien à faire d’autre que des jeux dans une salle de repos, puisqu’il vient de se faire larguer comme une vieille chaussette. 

    — Allez, sourit le gros, tente de le réconforter son interlocutrice rousse, avec un large sourire qui l’effraie presque, — faut pas te laisser abattre par les connes.

    — Eh, eh, ouais, lui marmonne-t-il à peine en réponse, un peu gêné de constater que son entrevue et sa rupture aient été observées par une tierce personne.

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