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    « Bonjour a tous. »

     

    « Je m’appelle Matthias Kayne, et cela fait maintenant 4 ans que je suis héroïnomane. »

     

    « Bonjour Matthias »

    « Bonjour Matthias »

    « Bonjour Matthias »

     

    « Et si j'ai décidé de commencer cette cure, c'est parce-que je veux que ça change. Et vite. »

     

    « Bien. »

     

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    « Nous sommes heureux de t'accueillir parmi nous »

     

    — Eeeuh... Salut... Alors, je...

     

    « Et blablabla, et blablabla.... Pauvre p’tit père va. »

    « Allez, courage ! »

    « On est tous passés par là à notre arrivée. »

     

    « Le pénible moment où l’on se retrouve ici, au milieu de cette pièce, seul devant tous, pour expliquer nos réelles motivations pour entamer une cure de désintoxication. » 

    — Et bien une nouvelle fois, bienvenue parmi nous, Kylian.

     

     

     

     

    *

     

     

     

     

    — Matt, dis, t’en penses quoi toi, du nouveau ? 

    — Il est... plein d’espoir. 

    — Et il a l’air de connaître Lulu.

    — Aussi.

    — Bon je monte moi. Bonne nuit.

    — Bonne nuit, « rouquine ».

     

    Il exactement comme moi à l’époque.

    Trop plein... d’espoir.

     

     

     

     

    *

     

     

     

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    — Hey Candide, qu’est-ce que tu fous ici tout seul ?

    — Je m’appelle Kylian.

     

    Regardez le qui grogne et me fusille du regard. Je suis mort de rire. Bambin, va.

     

    — C’est dur, hein ?

     

    Là, il est censé m’envoyer paître.

    Parce qu’il commence à être en manque, mais qu’il veut tenir bon.

    ...À cause de cette petite chose fragile qu’il possède encore : l’espoir.

     

    — J’aimerai être seul, c’est possible ?!?

    Tiens, il reste courtois... ?!

    Alors qu’un autre m’aurait sans doute hurlé « d’aller me faire enculer chez les Grecs »

     

    — J’étais exactement comme toi, je tente de meubler pour engager la conversation. Ce gamin m’amuse et j’ai envie d’en savoir plus. Il n’est si naïf..

     

    — Ah ouais ? Pourquoi « étais » ? Tu es guéri aujourd’hui ? Alors qu’est-ce que tu branles encore ici ?

     

    Oula, il m'enchaine le petiot. Je vais donc me dépêcher de rétorquer,

    — Je ne suis pas « guéri ».

     

    Je termine ma phrase et m’assois sur un autre banc. Celui le plus proche du sien. Immédiatement, il grimace avec colère pour, je pense, me faire comprendre qu’il maudit ma présence.

     

    J’adore ! Pour cette raison, je resterai ici le plus longtemps possible !

    Il est trop marrant, ce petit chaperon bleu. Un vrai clown sur pattes.

     

    — OK, alors tu restes par plaisir si je comprends bien. Ca dois t’éclater de faire une désintox dans le vent. 

    — Je ne m’étais donc pas trompé sur ton compte, je me moque alors, pour le faire cruellement réfléchir — tu possèdes encore l’espoir.

    — Ca y’est, je vois quel est ton problème, commence-t-il a ironiser a son tour, comme s’il allait réussir à me blesser, tssss, — en fait tu as tenté de nombreuses cures, sans jamais réussir à te sevrer. Et maintenant, tu cherches désespérément à plomber le moral des autres, pour qu’ils suivent tes traces. Pfiou... C’est pathétique.

     

    Non. Il ne m’a pas atteint. Au contraire même, puisqu’il m’amuse encore plus.

     

    — Personne ne t’attendras, Candide. Parce que pendant que tu es là à te battre contre ton corps qui souffre et te réclames ce dont il a besoin pour aller mieux, et bien eux, de leurs côtés... Ils vivent. Et t’oublies. 

    — C’est peut-être ce qu’il t’est arrivé, persiste-t-il avec entêtement, d’une voix que je réalise tremblante, — mais moi, j’ai une famille. Ainsi que des amis.

    — Exactement comme moi. Qui avait surtout, en plus, une fiancée.

    — Ah ouais ? S’intéresse-t-il soudain.

     

    Tiens, il semblerait que j’ai touché le jackpot.

     

    — Ouais. Et c’est même pour elle que je suis entré ici.

     

    — Oh... Je suis désolé. Souhaite-t-il rapidement s’excuser, sans sincérité cependant, car il ne me connait ni d’Adam ni d’Ève, alors on ne me fera pas croire que mes malheurs le chagrinent un minimum. 

    — Tout a commencé après cette violente dispute. Elle me hurlait qu’elle n’en pouvait plus, que cela devait cesser. Que je devais « arrêter mes conneries, avant qu’il ne soit trop tard ». Qu’elle n’en supporterait pas davantage.

     

    Son visage s’obscurcit peu à peu pendant mon discours. Peut-être suis-je en train de lui rappeler ses propres expériences.

    Sans attendre, je reprends alors,

     

    — Alors j’ai fini fini par céder. J’ai acquiescé, puis accepté de me faire soigner. Plein de bonne volonté, j’ai donc décidé de suivre une cure draconienne, ici même. Zephy était ravie. Elle s’en était même mise à pleurer de joie. En se blottissant dans mes bras.

     

    À ce moment-là, j’étais alors, moi aussi, plein d’espoir.

     

    — Et elle t’a remplacé, pendant ton séjour ici ? Se met soudain à m’agacer Candide, en m’interrompant dans mon discours.

     

    L’air de rien, je reprends, comme si de rien était. Oui, je déteste que l’on me coupe la parole. Je trouve cela très impoli.

     

    — Inquièt, je lui ai demandé si elle saurait m’attendre. Si elle saurait m’aimer encore, même si je suis loin d’elle quelque temps.

    — Loin ? Elle ne vit pas à Berlin, ta copine ?

     

    C’est la deuxième fois qu’il m’interrompt... Je vais finir par le jeter dans la fontaine.

     

    — Lorsque tu es en cure, tu n’es pas censé sortir du centre. Et enfreindre cette règle, sans autorisation, signe ton renvoi immédiat.

    — Ah ouais, c’est vrai. Désolé, j’avais oublié. 

    — En réponse, elle m’a immédiatement sourit, puis taquiné qu’elle viendrait me voir très souvent. Tellement, que je finirai même par être lassé de sa présence. Ses paroles m'avaient réconforté, tout comme ses bras, qui m’ont enlacé tendrement, me rappelant son amour sans failles. À ce moment-là, j’étais alors plus confiant que n’importe quel homme sur terre. Confiant et plein d’espoir. J’allais donc entrer dans ce centre, et m’en sortir.

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