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    — Tu peux sortir un instant, Kyle, s’il te plaît ? Il faut qu’on parle avec Iwan quelques minutes, seuls à seuls...

    — C’est moi qui gicle et c’est sa version que tu vas écouter ? Grogne avec mécontentement l’interpellé, les sourcils froncés par la colère.

    — Non. Maintenant, si tu veux bien...

    — OK, OK, je me casse. Je vais allez attendre dehors comme un bon paria !

    — Tu sais que t’es con quand tu t’y mets ?

     

    Kylian est déjà à l’extérieur lorsque ces mots taquins s’échappent dans l’air. Franz en soupire avec un haussement d’épaules.

     

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    — Je suis désolé... s’excuse tout bas Iwan, en direction de son meilleur ami ; et unique famille ; maintenant qu’ils se retrouvent seuls dans ce grand local poussiéreux.

     

    — Au moins tu reconnais tes torts. C’est bien.

    — Il m’énerve. Je ne le supporte plus Franz...

    — Et bien il va falloir apprendre a mettre de l’eau dans ton vin. 

    — Je.. Je.. OK, je vais essayer. Je te le promets...

    — Et essuie-toi les yeux. Tu chiales vraiment pour rien Mickey, tain...

    — Je... Je suis désolé...

    — J’accepte tes excuses, ne t’en fais pas. Mais imprègnes bien que si jamais tu t’avises de tenter une connerie contre lui, je te tuerai. Sans la moindre hésitation. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

    — O...Oui.... 

    — Alors c’est parfait.

    — Fr.. Franz... ? Dis-moi.. Est-ce que tu.. Est-ce que tu... Est-ce que tu l’ai...

    — Kyle ? Ramène ton cul. On a terminé, appelle doucement Franz en ouvrant la porte de la bâtisse. Il a préféré interrompre la dernière question d’Iwan. Par simple pudeur, et peut-être aussi, par légère honte.

     

    — Et sinon ? Quoi de neuf dans l’poulailler ? Fais sereinement Kylian en revenant alors vers le seul ami qu’il possède ici.

    — J’ai pas reçu de Coke. Par contre, il me reste un peu d’Héro, si ça peut te dépanner, lui répond simplement son interlocuteur pour en venir directement a la raison de la visite de son vieux camarade ami d’enfance.

    — Humpf.. Bon, OK.. Ça fera l’affaire, soupire Kylian dans un haussement d’épaules.

    — Troisième tiroir en partant de la droite, l’informe sans attendre Franz en se dirigeant vers l’unique canapé de la pièce où s’est déjà affalé Iwan. 

    — Y’a vraiment rien a la TV a cette heure-ci... tente de meubler Iwan, en essayant d’oublier l’humiliante leçon de morale qu’il a reçue pour le sermonner d’avoir osé lever la main sur cette espèce de larve prénommée Kylian.

    — Tu devrais aller te passer de l’eau sur le visage, lui conseille Franz avec sympathie, tout en suivant Kylian du regard : celui-ci revient s’asseoir autour de la table devant eux, avec un petit sachet d’héroïne en main. 

    — Ouais... J’y vais, lui grommelle-t-il alors en réponse, avant de se relever pour rejoindre le premier étage : la salle de repos où sont installés quelques lits de camp, ainsi qu’un lavabo et des toilettes. 

     

    — J’suis désolé, s’excuse à son tour Kylian, quelques minutes plus tard, une fois que l’indésirable a disparu de la pièce — J’aurai pas dû répondre ni l’inciter à devenir de plus en plus taré.

     — Vous êtes aussi tarés l’un que l’autre, sourit simplement Franz avec amitié, conseillant ensuite, légèrement inquièt, — Et va plus doucement quand tu sniffes. T’es pas aux pièces non plus...

    — Ouais, c’est vrai, lui rit amicalement Kylian en continuant d’humer sa poudre blanche.

    — Tu veux qu’on en parle ? se décide soudain à proposer Franz, — je veux dire.. De ce qui t’est arrivé récemment.

    — Tu lis les journaux ? Alors j’ai rien à ajouter de plus. Ils ont tout déballé, sans exception.

    — J’ai maté quelques gros titres, sans plus.

    — Bah voilà. Tout est aussi dit dans les gros titres.

    — Je pensais que tu l’aimais vraiment. Mais j’ai dû me tromper.

    — Tu ne t’es pas trompé.

    — Alors même Kylian, l’amoureux transi et plus fidèle qu’un saint-bernard, peut fauter ? C’est dingue. Ça veut donc dire que toi aussi, tu n’es finalement qu’un homme ?

    — Arrête de te foutre de ma gueule, c’est pas drôle !

    — Je sais, excuse moi.

    — Pas grave, j’ai l’habitude avec toi, vieux débris.

    — Et avec Avril Lavigne, ça roule ?

    — T’es encore en train de te foutre de ma, de ma... de ma... gueu... 

    — Kyle ?!?

    Ce n’est que le bruit sourd de la tête de Kylian, chutant lourdement sur la table devant laquelle il est assis, qui va lui répondre.

    — KYLE, PUTAINNN ! Reprend alors Franz d’une voix plus forte et avec panique en se précipitant vers son interlocuteur pour lui attraper les épaules et le ramener en arrière alors qu’il commence à convulser en perdant peu à peu connaissance.

    Seigneur ! Il est en train de lui faire une overdose ! Le jeune métissé n’attend alors pas une seconde de plus pour appeler d’une voix forte son autre comparse : 

    IWAN ! DESCENDS TOUT DE SUITE ! J’AI BESOIN DE TOI !

     

    Pour ? Sans doute, amenez aux urgences son pire ennemi ? En rit jaune Iwan de là où il se trouve : juste en haut de l’escalier de colimaçon. Il préfèrerait mourir que d’aider à sauver ce type qu’il méprise plus que tout.

    Des bruits de pas lents lui parviennent aux oreilles. Cela ne peut être que Franz qui traîne Kylian vers l’extérieur. La porte d’entrée s’ouvre et se referme doucement. Ca y’est, ils sont partis. Certainement en direction de l’hôpital le plus proche...

    En espérant que cette overdose lui soit fatale.. Se met alors à espérer Iwan en descendant tranquillement cet escalier. Le même qu’il aurait du dévaler en courant il y’a quelques minutes.

     

     

     

    *      *

    *

     

     

     

    C’est dans une salle de réanimation que Kylian va brusquement sursauter, avant de retomber lourdement sur le lit d’hôpital où il repose maintenant.

    Son regard erre rapidement autour de lui : des hommes en blouses l’entourent, le regardent avec suspicion, marmonnent des mots qu’il a encore du mal à ouïr parfaitement.

     

    — Ça va ? Vous pouvez me dire quelque chose ? Semble lui demander l’un des types, sûrement un médecin, voir réanimateur.

    — J.. Je.. Tente-t-il alors de répondre avec difficultés, dans un gémissement à peine audible.

    — OK, il est conscient, reprend en souriant son interlocuteur, avant de faire un signe de main à l’un des infirmiers ici présents. Sans doute pour que celui-ci l’emmène dans une chambre de repos.

     

     

     

    *      *

    *

     

     

     

    Une overdose.. Merde.. Se met enfin à réaliser Kylian, après un court sommeil réparateur. Il se réveille doucement, en remarquant soudain que quelqu’un pénètre dans la pièce.

    Un infirmier.

    — Vous avez eu de la chance, lui fait celui-ci en se rapprochant, avec un sourire amical dessiné sur le visage.

    — Qui m’a emmené ici ? Cherche rapidement a s’informer Kylian en scrutant le regard du jeune homme.

    — Un homme seul a la peau basanée. Mais il n’est pas resté.

    — D’accord, merci.

     

    Kylian n’est pas étonné que son ami se soit enfui peu après l’avoir déposé aux urgences, puisqu’il n’a pas vraiment pour habitude de s’éterniser trop longtemps dans les lieux publics.

     

    — J’adore ce que vous faites. Et je me demandais si ça serait abusé que d’oser vous demander...

    — Bien sûr, acquiesce sans attendre Kylian. Un peu gêné cependant d’avoir été si vite reconnu.

    — Merci encore, sourit le jeune infirmier en lui tendant un bout de papier et un stylo pour que la jeune célébrité allemande lui signe un autographe.

    — Est-ce que... qu’il serait possible d’éviter de l’ébruiter ? Ose tout bas Kylian, en s’acquittant de sa tâche.

    — Je.. Je ne suis qu’infirmier moi. Mais je crois avoir entendu l’un des médecins demander que l’accueil contacte vos proches. Je suis désolé...

    — Génial...

    — Kylian !! appèle brusquement Claire en déboulant dans la chambre, suivie du père du concerné qui tire déjà une grimace de quinze kilomètres de long.

    — Je vais vous laisser, sourit timidement l’infirmier en sursautant de surprise, — Et merci encore pour l’autographe. 

    — Bouffon va ! Cingle immédiatement et avec violence Sacha, lorsqu’il n’y a plus que la petite famille Gutter dans la pièce.

    — Sacha, s’il te plaît, tente doucement Claire pour apaiser son époux.

    — Je suis désolé, marmonne discrètement Kylian, en priant pour que son paternel ne vienne pas lui en coller une. Il en serait capable. Pour Sacha, il n’y a pas d’âge pour prendre une claque, lorsque l’on fait « des conneries ».

    — Je te déteste Kyle ! Reprends avec colère le père outré — quand tu es comme ça, con et pitoyable, je te méprise !

    — Tu va aller dans un centre maintenant poussin, se contente d’affirmer Claire en s’asseyant sur le lit aux côtés de son rejeton, — Et ce n’est plus une demande aujourd’hui, mais un ordre.

     

    Étant aujourd’hui majeur et vacciné, le jeune chanteur pourrait se montrer borné et refuser cet ordre qui l’humilie au plus haut point. Bien sûr qu’il pourrait le refuser... Seulement, les regards désespérés de ses deux parents vont l’en empêcher en le forçant à acquiescer.

    Même s’il sait qu’il pourrait être amené, dans un futur proche, à regretter amèrement cette décision.

     

    — Ne l’ébruitez pas, s’il-vous plaît, tente t-il en conclusion, d’une voix faible, et la gorge nouée, — je vous en prie.

    — C’est trop tard, vient le blaser froidement Sacha, — il y’a déjà deux types avec des caméras, devant l’entrée de l’hôpital.

    — Mais comment ont-ils su ?? se paralyse alors d’effroi le jeune chanteur, en cherchant désespérément un moyens d’échapper aux futures critiques médiatiques.

    — Ils nous ont sans doute suivis, tente d’expliquer Claire, — mais tu pourras toujours leur mentir. Par exemple, tu as simplement fait une crise d’appendicite, un truc tout con, je sais pas...

    — Ouais.. Je dirai ça.. Hausse les épaules Kylian, finalement dépité par son manque de chance.

     

     

     

    *      *

    *

     

     

     

    Un manque de chance.. c’est effectivement ce que Kylian va pouvoir constater en chaîne dans les jours qui vont suivre.

    En effet, la rumeur du chanteur héroïnomane va faire son petit bout de chemin, beaucoup plus vite qu'il ne l’imaginait, même dans ses pires cauchemars.

     

    Tout d’abord, et dès sa sortie de l’hôpital, c’est à dire trois jours d’observations plus tard, il devra s’expliquer devant son groupe, puis devant le directeur général de leur maison de disques. Sans succès cependant, puisque celle-ci va rapidement décider d’annuler brusquement leur contrat en cours.

     

    Un coup dur.

    En effet, c’est un coup dur.

     

    Et dire qu’il n’a même pas le temps de sortir « Lemon Tree ».. Pensera-t-il rapidement, en se retenant de fondre en larmes, seul dans la salle de bain de sa chambre d’hôtel.

    Elle n’entendra jamais ce message. Ni cette souffrance. Comme ce manque, qu’elle lui fait endurer.

     

    Tout chavire et tout s’écroule.

    Et c’est sans attendre que se tourne la foule.

    Évidemment. Tous les regards vont se tourner vers ce groupe qui commençait à percer dans le pays.

    Les « Apologize ».

    Certains resteront fidèle, prétendant qu'ils ne s'intéressent qu'à la musique du groupe et non à leurs culs, tandis que d'autres hurleront que ces musiciens sont un très mauvais exemple pour la jeune générations et qu'il faut les oublier ! 

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