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    — De quoi ? Semble s’étonner Yann, en direction de son camarade — que c’est con qu’il nique son couple ? C’est ça que tu ne comprends pas ? 

    — Et pourquoi est-ce que ça serait « con » ? Questionne une nouvelle fois le jeune pianiste, sur un ton que ses deux amis jugent suspicieux, voir agressif, — Vanessa, vous ne la voyez avec personne que Kylian ? C’est bien ça ?

    — Arrête ça tout de suite... tente de lui grogner Yann en déglutissant avec colère, — fais pas le con dans cette histoire, s’il-te plaît. Tu as bien vu ce qu’il s’est passé entre Tania, Romu, et moi. 

    — Là, c’est totalement différent, parce que... Kyle n’a jamais été mon meilleur ami, a moi, termine alors Erwan avant de se relever pour rejoindre sa chambre.

     

    Ses deux amis le regardent disparaître, complètement médusés par ce qu’il vient de leur faire comprendre.

    Pourtant, ils s’en doutaient tous au moins un peu.

    Oui. Qui, ici, ne se doutait pas que leur pianiste en pinçait fortement pour la jeune chanteuse de variétés ? Personne.

    Cependant, tous lui faisaient une confiance presque aveugle. Parce qu’il est droit. Honnête. Sincère et sans défauts. Parce qu’il n’est pas de ceux qui se permettent de poignarder les affaiblis. Parce qu’ils le respectent trop pour l’imaginer capable de semer la zizanie dans leur groupe, qui se relève à peine d’une profonde déchirure.

    Comme quoi.. Il faut apparemment réussir à croire que même les plus angéliques peuvent parfois révéler un côté des plus obscurs.

     

     

    Antissa — Posthumus ♪

     

     

     

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    Le lendemain, Kylian n’est pas au mieux de sa forme. Oh que non, puisqu’il est assis autour de la table de sa chambre d’hôtel, la tête posée dessus et les bras croisés. Ainsi, il espère se protéger le visage des rayons du soleil qui tentent de le réveiller pour le ramener à la réalité. Chose qu’il ne veut pas encore faire. Chose qu’il ne veut peut-être plus faire. Chose qu’il a sans doute peur de tenter désormais.

     

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    Hier soir ? Il n’a presque rien fait finalement. Non, il ne s’est même pas vengé...

    Il est tout simplement allé au restaurant avec sa petite amie du moment, Avril Lavigne, avant de la raccompagner sagement jusqu’à sa chambre. Il ne pouvait en faire plus. Il n’en avait peut-être plus la force. En fait, il n’en sait rien. Il ne sait plus.

    Il l’aime. Elle. Sa Vanessa. Oh, seigneur, qu’est-ce qu’il l’aime, sa Vanessa. Pour elle, il pense bien pouvoir se damner. Mais il l’a perdue. Mais il n’a aucun moyen de revenir sur le passé. De réparer ses fautes. De lui demander pardon.

    Aurai-elle cessée de l’aimer ? Vraiment ?

    Mais comment serait-il possible... Non. Elle ne peut pas.

    Comment pourrait-elle oublier tous ces mois de bonheur en un claquement de doigts ? Non...

    C’est impossible.. Elle ne peut pas avoir la cruauté nécessaire pour révéler une telle indifférence face à leurs sentiments réciproques. Parce qu’il l’aime. Parce qu’elle l’aime. Et ça, il en est certain !

    Mais que faire... Que peut-il faire pour lui parler. Lui prendre à nouveau la main. Lui asséner un regard des plus malheureux pour lui exprimer son malaise. Lui faire comprendre son amour démesuré. Que peut-il faire... Vraiment.. Que peut-il faire..

     

    L’heure tourne. Il devrait maintenant s’habiller pour rejoindre ses amis au local. Parce que ce matin, ils sont censés s’entrainer quelques heures, avant de se rendre en studio.

     

    Il soupire. Gémis. Déglutis, puis sanglote à nouveau. Renifle. Se gratte le nez. Gigote légèrement et s’enferme encore plus dans ses bras. Non. Ce matin, il n’ira pas rejoindre ses amis. Il n’en a pas envie. Il n’en a pas la force. S’il reçoit un coup de téléphone de l’un de ses camarades, il exprimera son désir de rester seul. Un peu. Le temps de souffler. De pleurer. De geindre, seul, ici, dans sa petite chambre d’hôtel, comme un idiot qui a tout perdu. Tout détruit. Tout saccagé.

     

     

     

     

    *

     

     

     

     

    Pendant ce temps, au local, l’ambiance est aussi morose que du côté de Kylian, voire un peu sceptique. En effet, Erwan n’a pas été vu ce matin. Sa chambre s’est révélée vacante lorsque ses amis ont fini par y pénétrer, après avoir toqué au moins une dizaine de fois a la porte. 

    Avec un pianiste et un chanteur en moins, ils n’iront pas bien loin aujourd’hui, ils en ont bien conscience. Mais fichtre, que peuvent-ils bien fabriquer à la fin ? Kylian... Serait-il à nouveau en train de déprimer ? C’est ce que se met à songer Romuald à haute voix, tandis que Yann grommelle de son côté, sur le nom d’Erwan.

     

    — On les appelle ? Propose alors Gérald pour tenter de trouver des réponses à ces absences — qui le fait ? Yann ? 

    — Chai pas, lui répond aussitôt celui-ci, — admettons qu’Erwan soit sorti hier soir et qu’il ait tout simplement découché chez une fille.. Ça la fout mal.

    — Kyle, faudrait l’appeler, intervient Romuald en grattant doucement les cordes de sa basse — il a sans doute fait des conneries la nuit dernière.

    — On devrait appeler Erwan en premier, reprend Yann avec sérieux — en fait, je ne pense pas qu’il soit chez une fille... Qu’est-ce que t’en penses toi, Romu ?

     

    Les deux amis se comprennent rapidement. Ces deux amis sont toujours sur la même longueur d’onde. Un clin d’œil, une intonation de voix, une mimique, et ils se font passer même les plus compliqués des messages.

     

    — Ça serait tordu ça, Yann... 

    — De quoi ? Tente de comprendre Zell en essayant de saisir les informations que ses camarades diffusent en vrac — vous savez où peut être Erwan ? 

    — Moi, j’en suis certain, se persuade Yann en fouillant les regards de ses compagnons — ça serait tordu, mais de toutes... Erwan est tordu.

    — Tu appèles Kyle ? Lui propose alors Romuald sans attendre — préviens-le. Qu’il y aille. Lui aussi.

    — Vous voulez dire qu’Erwan serait allé au... se met brusquement a saisir Gérald en sursautant d’effroi.

     

     

     

     

    *

     

     

     

     

    Ce n’est pas ce début d’automne qui empêchera ces vacanciers de profiter de la plage du camping où ils logent en ce début de septembre.

    Oh que non, puisqu’ici, tout le monde semble s’amuser et se prélasser dans la joie et la bonne humeur. 

    Tania et Vanessa ne font évidemment pas exceptions à la règle. 

    La brunette se dépêche de se glisser dans cette eau encore chaude et délicieuse, tandis que son amie préfère profiter des doux rayons du soleil, allongée sur sa serviette de bain.

     Ici, allongée, si paisible et sereine, Vanessa ne songe plus à rien.

    Ni a lui. Ni a lui.

    Ni au chanteur. Ni au pianiste. Ni a la trahison. Ni a l’amour. Ni a la rupture. Ni aux choix. Ni a la déception... Ni a... rien.

    Non. Ici, elle ne pense désormais plus à... rien.

    Et elle se sent bien. 

     

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    Et c’est peut-être pour cette raison qu’elle ne réalise pas tout de suite que quelqu’un vient de se planter derrière elle, pour se mettre à la taquiner affectueusement

     

    — Alors poupée, on fait sa crevette sur la plage ? 

    — Erwan ? sursaute-t-elle immédiatement en se redressant pour se rendre compte qu’en effet, elle ne s’est pas trompée : elle reconnaitrait cette voix entre mille... 

    — En personne ! L’informe alors le concerné de sa voix la plus séductrice, — ça va ?

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