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    Une nouvelle fois, on toque à la porte.

    Kurt sursaute avant de lancer un bref ; — c’est ouvert, en direction de la porte.

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     Dirk pénètre alors dans la pièce, en balbutiant un timide ; — Euh, salut... 

     — Salut, réussit répondre Kurt, tout bas, en se tournant vers son invité.

    — Je fais le premier pas, commence Dirk avec un air calme et posé — parce que te connaissant, toi tu le feras jamais et cette situation me pèse..

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     — J’y pensais, mais.. Marmonne Kurt en se raclant la gorge, — mais disons que beaucoup d’évènements se sont bousculés depuis et ça m’est un peu sorti de l’esprit..

    — Trop occupé avec une petite Tiphanie pour se soucier de son meilleur ami ! le taquine immédiatement Dirk avec un petit rire.

     Gêné, Kurt lui répond un bref,

    — « Ouép..» avant de reprendre, — reste pas sur le pas de la porte comme un bouseux et entre t’asseoir va, tu paieras pas plus cher !

    Sur ce, il lui montre le chemin en se dirigeant lui même vers les chaises qui entourent l’unique table de la pièce.

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     Ayant aperçu ces photos placardées au-dessus de ce lit, Dirk décide de continuer de taquiner son ami ;

    — Hey, tu y tiens a ta petite Tiphanie dis donc !!

    Gêné, Kurt hausse les épaules et ne répond rien, préférant s’asseoir à table en silence.

    Dirk l’imite en prenant place sur la chaise voisine, en poursuivant, avec un sourire :

    — Tu as changé Kurt, en bien !

    — Ah ? souffle le concerné, l’air apparemment étonné. 

     — Jamais j’aurai cru que toi, un jour, tu puisses placarder une nana au-dessus de ton lit !!

    Il rit en terminant sa phrase et Kurt le fusille aussitôt du regard en répliquant ; 

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     — J’avais des photos d’Elsa aussi ! Y’a rien d’extraordinaire là-dedans ! Et puis j’ai aussi des photos d’Anja !!

    — Ne te justifies pas mon poulet ! rit encore Dirk en lui tapotant amicalement l’épaule,

    — Je trouve ça génial que tu te sociabilises, on dirait que grâce a Tif, tu sors enfin de ta coquille ! 

    — Nawak !! Et puis arrête de me parler de Tif !! se défend l’adolescent qui a trop de fierté pour admettre qu’en effet, il s’attache à une fille.

    — Et sinon, quoi de neuf de ton côté ?? Toujours célibataire ??

    L’art de changer de sujet de conversation !

    — Ouèp, rit Dirk, amusé par la gêne qu’a éprouvé son ami quand ils ont abordé le sujet" Tiphanie ».

    — Quelqu’un en vue ?! questionne a nouveau Kurt pour que la discussion ne tourne qu’autour d’une seule et même personne.
    Sa vie amoureuse a lui, il ne veut pas en parler ! Cela ne regarde que lui !

    — Chai pas.. Peut-être. Réponds Dirk avec franchise, les yeux dans le vague.

    — Qui, qui, qui ?!? s’enquit Kurt, plus intéressé que jamais.

    — Anja... souffle-t-il timidement — on s’entend bien depuis quelque temps, et puis elle est jolie..

    — Pardon ? L’interrompt Kurt, les sourcils froncés, — Anja ? Mon Anja ?

    — Hein ? De quoi, « ton » Anja ?

    Il s’est trahi. En une phrase irréfléchie, il vient de se trahir.
    Vite, vite, il faut qu’il sauve la mise maintenant !

    — Et bien c’est mon amie à moi et...

    — Sale égoïste ! le cingle Dirk en affichant une mine boudeuse, — non, mais regarde-toi, t’es vraiment dégueu !

    — Je sais, désolé, j’ai dit ça comme ça.. Je le pensais pas, voilà.

    Mais si, il le pensait.
    Comme il l’a toujours pensé.

     — Ça te fait tant chier que ça que je me rapproche d’Anja ? Marmonne Dirk, l’air apparemment abattu.
    Lui, par amitié, il serait capable de rompre les ponts avec n’importe qui.

    Kurt se sent soudain terriblement coupable de la peine qu’il inflige à son meilleur ami.
    Son égoïsme lui a souvent fait du mal, et il continue ce soir...

    — Non ça me fait pas chier, je te le jures, tente t-il de convaincre, — excuses moi. Tu veux que je t’arrange le coup avec ? On s’est un peu réconciliés ce soir et...

    — Comment ça, « ce soir » ? l’interrompt Dirk, plus curieux que jamais.

    — Et bien je l’ai croisé dans la salle de bain, car elle vit... A deux portes de là ! Incroyable non ?

    Dirk reçoit cette information en restant bouche-bée.

    — Je te jures ! reprend Kurt, elle est a deux portes de moi, là ! Incroyable nan ? Alors du coup on a discutés un peu ce soir..

     — C’est cool... laisse tomber Dirk, la gorge maintenant nouée.

    Tout ses espoirs tombent a l’eau, c’est même plus la peine qu’il essaie quoi que ce soit avec cette jeune fille, qu’il s’est mit a apprécier de plus en plus au fil des jours.

    Kurt et Anja qui vivent dans le même immeuble ? Avec juste deux portes et un couloir qui les séparent ?

    Et en plus ils se sont réconciliés...

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     — Arrêtes de te faire des films, le rassure Kurt en essayant d’être le plus convaincant possible, — je te promets qu’Anja ce n’est qu’une bonne amie pour moi désormais... 

    Cette argumentation ne tient pas la route. Il s’en rend bien compte, alors il ajoute ; 

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     — Maintenant j’ai Tiphanie et elle est la seule qui compte pour moi, désormais.

    — Ok, ok, lui répond Dirk avec un sourire forçé, ému par l’acharnement qu’il met à vouloir le persuader. 

     

     

     

    *

     

     

     

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     A deux portes de là, la concernée ciblée par ces discussions essaie, en vain, de réviser un de ses cours de physique.

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     En vain parce que depuis qu’elle sait qu’il est là, tout près, a deux appartements du sien, son esprit semble devenu imperméable à toute forme d’apprentissage..

     Cette sensation de gêne, ce cœur qui bat sans cesse... Mais elle s’était juré de ne plus l’aimer...  

    Pendant un long moment, elle avait même réussi à se persuader qu’elle le détestait... Qu’elle se fichait de lui...

    Et là, ce soir, il a fallu qu’il réapparaisse, plus beau, séduisant, et adorable que jamais, pour que toutes ses convictions partent immédiatement en fumée..

    Cet amour persiste trop et elle en pleurerait presque.
    Pourquoi ? Mais pourquoi n’arrive-t-elle pas à l’oublier ?
    Des garçons, il y’en a beaucoup des charmants et intéressants, alors pourquoi lui...

    N’ayant plus du tout le cœur à rester le nez plongé dans son livre de physique, elle se relève en soupirant. 

     Et là c’est le drame : son regard tombe sur cette photo, soigneusement encadrée et posée sur sa grande étagère en bois.
    Cette photo qu’elle conserve si précieusement.
    Cette photo de lui.

    Sa préférée.

    Dans un élan de colère, parce qu’elle ne doit plus l’aimer, elle attrape violemment ce cadre pour l’enfouir au fin fond du premier tiroir que son regard croise.

    Ca suffit le masochisme maintenant : ce garçon, elle ne doit plus l’aimer, alors cette photo n’a rien a faire sur son étagère, dans sa chambre.

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