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     Après avoir englouti leur habituel bol de céréales, les deux jeunes Gutter arrivent devant l’enceinte de leur lycée pour commencer une nouvelle journée de cours. 

     Tiphanie est terrorisée à l’idée de le revoir, car elle est évidemment persuadée qu’elle va se faire envoyer balader royalement, enfin non, ignorer totalement plutôt... ; pourtant elle s’est maquillée légèrement aujourd'hui en se coiffant comme la veille, en espérant qu’il lui retrouve des charmes, hors néons de boîte de nuit.. 

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      Et voilà qu’après une dizaine de pas, elle et son frère pénètrent enfin dans l’établissement, en passant devant la bande qu’elle souhaitait tant éviter ce matin..

     Il est là. Il est là. Pile devant elle, entouré de sa bande d’amis. Mais il faut rester fière et sereine ; elle ne va pas lui donner l’occasion de la ridiculiser devant toutes ces hyènes, oh que non !

     Elle marche tranquillement, sur les pas de son petit frère, en l’ignorant totalement, comme si la veille il ne s’était strictement rien passé entre eux. Et c’est évidemment la meilleure chose à faire dans sa situation !

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     — Tiphanie ? Appelle Kurt, sans bouger d’une semelle, faisant ainsi sursauter la jeune fille qui s’apprêtait à emprunter l’escalier pour rejoindre le premier étage. 

     Pourquoi l’appelle-t-elle ? Pour la ridiculiser sans doute... Salaud.. Salaud.. Se met-elle à fulminer intérieurement, tout en se demandant ce qu’elle va pouvoir renchérir à ça pour conserver un minimum de dignité.

      — C’est très mal poli de passer devant les gens comme ça, sans dire bonjour, poursuit calmement Kurt. 

     — Heeeeeeein ? gloussent Madga, Elsa et Karl, en chœur. 

     - Mais qu’est-ce que tu attends pour grimper ?? Cingle soudain Elsa ; qu’est-ce qui se passe ?

    Pourquoi est-ce que Kurt lui a adressé la parole ? Qu’elle décampe... Vite !!

    Il faut qu’elle disparaisse d’ici le plus vite possible ! Elle insiste,

    — DEGAGES ! Tu vois pas qu’on veut rester entre nous ?

     — La ferme Elsa, l’interrompt froidement Kurt en la bousculant pour s’avancer vers Tiphanie, toujours immobile. 

     — Quelqu’un m’explique ? intervient soudain Karl, dans un début de fou rire.

    La situation est tellement cocasse ! Elsa qui se fait rembarrer par son ex-amant, parce que celui-ci adresse la parole à la paysanne de leur lycée !

    Tout ceci est bien digne d’une série télévisée qui pourrait passer sur Comédie ! 

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     Mais pour Elsa, cette série télévisée ne devrait pas être diffusée sur une chaîne de rires, mais plutôt sur une de Dráma : voilà que le garçon qu’elle aime plus que tout au monde s’avance vers cette trainée pour l’attraper, de la manière la plus sensuelle qui soit, avant de se jeter sur ses lèvres... Elsa n’arrive même pas à hurler. Pourtant, elle entend Magda piailler sous la surprise. Normal. Tout le monde ici est interloqué ; et d’ailleurs même Karl s’exclame soudain un gros « Oooh, Fuck!! ».

     Comment... Comment est-ce que cela est pû arriver ? 

     — Oh fuck, de fuck, et de re-fuck... continu de balbutier Karl, complètement abasourdi par le spectacle.

    — Et ça s’est passé quand « ça » ?...

     Dirk n’ose pas répondre à son ami ni regarder les deux nouveaux amants à côté. Cette scène le débecte, non seulement à cause de ce manque de pudeur, mais aussi à cause de la douleur qu’elle procure la pauvre Elsa, qu’il apprécie tout de même, malgré ses nombreux défauts.

     — CONNARD !! se décide enfin a réagir Elsa avec un hurlement strident, avant de se jeter a l’intérieur du gymnase, les yeux pleins de larmes et le cœur en miettes.

     — ELSA, ATTENDS !!! hurle à son tour sa meilleure amie en se précipitant sur ses pas, pour la récupérer. 

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     — C’est vraiment laid ce que tu fais là Kurt, soupire Karl les bras croisés, dégouté de voir que la détresse de son amie ne l’empêche pas de continuer de rouler galoche sur galoche à cette campagnarde. 

      — Bon moi j’en ai assez vu, je me casse, t’es vraiment trop pitoyable mec ! termine-t-il avant de pousser a son tour la porte du gymnase, en jetant un dernier œil a Dirk, pour lui faire comprendre qu’il doit les rejoindre eux, au lieu de rester avec ce salaud. 

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     — Kurt.. Arrête.. Se débat Tiphanie, au comble de la honte. Mais Kurt ne semble pas décidé à arrêter le cinéma gratuit dans ce couloir ; il continue ses baisers, encore et encore, et ce malgré les quelques élèves qui passent de temps en temps, les yeux écarquillés. 

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     — Tu t’arrêtes pas là ? se décide enfin a cingler Dirk, — tu t’es pas assez donné en spectacle pour aujourd’hui ? Il t’en faut plus ?

     — Je t’emmerde, rétorque froidement Kurt, entre deux baisers humides sur le cou de sa proie délicate.  

    — Plus naze, tu meurs, soupire Dirk en rejoignant le reste de sa bande. Le choix, s’il faut le faire, il le fait sans hésiter, car son ami n’a aucune vergogne.. 

     Enfin seul, Kurt arrête enfin ses baisers provocants et sensuels. À croire qu’il en faisait exprès pour tous les choquer. 

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     — Kurt.. Hésite à prononcer Tiphanie, en le dévisageant avec suspicion. 

    — Quoi ? se contente-t-il de lui répondre en haussant les épaules. 

    — Tu viens de faire hurler tous tes amis... au cas où tu l’aurais pas remarqué.. Lui rappelle Tiphanie. 

      — Et ? Reprends Kurt, d’une voix glaciale. — Il faut que saches une chose Tif, je fais ce que je veux, quand je veux, et où je veux. Et celui qui est pas content, il dégage, c’est tout. Je n’ai aucun compte à leur rendre. Aucun. Termine-t-il enfin, en insistant sur le dernier mot de sa phrase. 

     Sans scrupules ni vergogne... C’est bien comme ça que l’on peut définir ce garçon, songe avec effroi Tiphanie, en commençant peu à peu à cerner l’animal. Il est charmant, mais il ne faut apparemment pas être du mauvais côté, avec lui...

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     — Je les déteste !!! hurle Elsa, en regardant tour à tour chacun de ses amis, je le hais !! Je LA hais !! Qu’elle crève cette pute !!! Qu’elle crèèèèève !!!

     — Calme-toi Elsa... console gentiment Magda, — elle va payer.. On va lui faire payer, t’en fais pas ma chérie... Calme-moi.. 

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     — P...Pourquoi est-ce que je l’aime ce salaud... Pourquoi... Pourquoi... gémit Elsa, complètement effondrée. 

    — Ils vont payer Elsa, je te jure qu’ils vont payer pour tes larmes, poursuit Magda de sa voix la plus douce. — Allez reprends toi, tu ne dois pas pleurer toi, imagines que tous les péons te voient ! Ils vont croire que toi tu peux craquer...

     — Men fou ! Je m’en fous de tout si j’ai pas Kurt...  

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     — Il est seul maintenant, fait Karl pour rassurer son amie effondrée, — comme tu peux le voir, on est tous là, autour de toi Elsa. Kurt, il est seul désormais... 

      — Mais tu es con ou tu le fais exprès ? Cingle froidement l’adolescente en larmes — Kurt se fiche d’être seul contre tous ! Tu le sais très bien.. Il s’en branle de tout ! C’est une charogne !!!!

     — Ohhh, dis pas ça ma chérie, fait gentiment Magda, personne n’aime la solitude, au bout d’un moment il sera malheureux...

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     — Oué c’est clair Elsa, confirme Karl — il est peut-être indifférent là maintenant parce qu’il veut se tirer sa paysanne, mais tu vas voir qu’avec le temps on va lui manquer, en plus il a perdu Dirk si tu l’avais pas remarqué..

     — Allez ma chérie, sèches tes larmes, reprend Magda, — y’a la sonnerie là.. Faut qu’on y aille... Sois forte et t’inquiètes pas, on est tous là pour toi, alors que lui il a plus personne, et je peux te jurer qu’il va craquer ce connard !!

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