• 024

     

     

    *

     

    Ce soir, Kylian a décidé d’appeler sa petite amie pour la prévenir qu’il ne passera pas chez elle comme prévu.

    — J’suis désolé, s’excuse-t-il timidement dans le combiné de celle-ci — mais ma sœur me séquestre chez elle là, elle doit vraiment penser que je vais aller me buter moi aussi...

    — Tu n’as pas a être désolé Kyl, le reprend rapidement Vanessa, — c’est plutôt a moi d’être désolée pour toi... Ça va ? Tu tiens le coup ? Tu m’appelles si tu as besoin de parler, hein ? Tu ne restes pas seul à te morfondre surtout !

    — Oh, mais t’inquiètes, je ne suis pas seul là, ces deux boulets me lâchent pas d’une semelle ! C’est l’enfer !

    — Ils sont gentils de s’occuper de toi comme ça. Tu as de la chance de les avoir.

    — J’avoue, mais ils sont chiants. Et tu me manques.

    — Toi aussi tu me manques, mais je vais devoir te laisser, j’ai de la visite.

    — Hein ? Qui ?

    — Sois pas jaloux, c’est juste mon père.

    En effet, le concerné se tient debout, les bras croisés, devant elle.

    Il affiche un air prétentieux et hautain.

    Il est sûrement venu la sermonner et la rabaisser, comme d’habitude.

    — OK, je te laisse alors. Je t’embrasse et je t’appelle demain ? conclut alors Kylian pour terminer sa conversation.

    — D’accord. Je t’embrasse aussi. Bisous.

    Sur ce, Vanessa raccroche, stressée d’avoir du abréger sa discussion avec son petit ami pour que ce son père n’ait pas à en entendre des bribes. Oui, elle ne veut rien lui partager, il n’a rien à savoir de sa vie privée ! Elle le déteste.

    — Qu’est-ce que tu veux ? lui demande-t-elle, l’air las.

    — Je suis au courant... pour tes disques.... commence-t-il en se retenant de pouffer de rire.

    — Et ?

    — Et c’est pitoyable, non ?

    — Oui, et ? Tu as monté cet escalier branlant pour venir me dire ça ? Wouah !

    — Oui, j’ai gravi ton escalier miteux pour te balancer ça ! Parce que tu es pitoyable ! Tu te rends compte que tu es encore plus mauvaise que les sortants de la Star Academy ?

    — Si tu n’as rien d’autre à me dire... Tu peux t’en aller.

    — Je suis chez moi ici, jusqu’à preuve du contraire.

    — Oui, mais c’est ma chambre...

    — Qui est dans ma maison.

    — Oh et puis reste si ça te chante, tu me fatigues... Installe-toi confortablement et critique-moi ! Prends ton pied !

    — J’ai parlé un peu avec Lothar.

    — Tiens donc.. Je pensais que tu n’en avais rien à faire de cette fille inutile et sans talent ? Mais tu vas pourtant chercher des informations sur moi chez Lothar ! Intéressant...

    — Il m’a dit quel était ton problème.

    — Évidemment, j’ai tous les problèmes du monde, c’est bien connu !

    — Ton souci c’est que tu n’as rien ! Que tu n’es rien et ne dégages rien.

    — On se demande de qui je tiens ça ! Tu as une idée ?!

    Sur cette question emplie de haine et colère, elle s’est avancée devant cet homme qu’elle déteste depuis maintenant plus d’une dizaine d’années... depuis qu’elle lui a annoncé qu’elle aimerait faire de la chanson sa carrière en fait.

    — Abandonne ce rêve stupide Vanessa, c’est tout ce que j’ai à te dire. Regarde-toi dans le miroir et réalise que tu n’es pas faite pour ça. Tu es mignonne et as une voix potable, c’est vrai, mais des bombes qui chantent bien, il y’en a des milliers ! Et elles, elles savent accrocher un public, elles savent émouvoir !

    — Je t’emmerde !

    Elle l’a cherché. Une violente gifle s’abat brusquement sur sa joue.

    — On va t’envoyer au marché vendre des bananes, là au moins tu serviras à quelque chose, lui lance son père avec mépris avant de quitter la pièce d’un pas rapide.

    024

    Vanessa le laisse s’en aller sans rien lui prononcer de plus.

    024

    Elle le déteste tellement lorsqu’il est ainsi, à ne jamais vouloir croire en elle en ne cherchant qu’à l’enliser toujours un peu plus dans ses échecs.

    024

    Pourtant, et malgré le fait qu’il ne vive que pour la rabaisser quotidiennement, son plus grand rêve reste de réussir, un jour, à le rendre fier son unique progéniture.

    024

    Perdue dans ses pensées, elle ne réalise la présence de sa mère que lorsque celle-ci s’annonce soudain joyeusement

    — Coucou, c’est la police !

    — coucou maman ! réagit aussitôt Vanessa, le cœur encore serré et le visage sali par un mascara même pas waterproof.

    024

    — J’ai vu ton père aller se jeter dans le canapé pour grogner devant la télé ! Vous vous êtes encore accrochés ?

    Vanessa hoche la tête pour confirmer à sa mère qu’elle ne se trompe pas.

    — Et c’est à cause de lui que tu pleures... Mais ma chérie ne te met pas dans des états pareils, tu sais qu’il se fait juste beaucoup de soucis pour ton avenir.

    — Il.. Il m’a dit que je ne suis rien et ne dégage rien...

    024

    — Ne le prend pas au premier degré, tu sais bien qu’il est très maladroit quand il s’exprime... Je suis certaine qu’il n’en pense pas un seul mot.

    — C’est Lothar qui le lui a dit...

    — Lothar est brutal, car c’est son métier de te pousser en avant ma chérie.

    — Je leur montrerai à tous ce que je vaux... Je n’abandonnerais pas...

    024

    — J’espère bien mon ange, tu es douée, n’en doute jamais. Et pour changer de sujet, hier soir, tu as découché non ? Tu as un nouveau petit copain, ça y’est ? C’est plus Ulrich j’espère.... hein ? Non parce que moi Ulrich... Tu sais ce que j’en pense !

    — C’est pas Ulrich, ne t’inquiète pas !

    — C’est qui alors ? Il s’appelle comment ? Tu nous le présentes quand ? Il habite où et il fait quoi dans la vie ? Il est mignon ? Gentil ?

    024

    — Il s’appelle Kylian, il est étudiant et habite dans la cité universitaire « Suche Nach » ! Et oui il est tout ce que tu dis ! Mais je ne t’en dirai pas plus, car sinon tu vas vouloir me le piquer !

    — Quoiiii ? Fille indigne va ! Bah zut alors, moi qui pensais que j’allais pouvoir remplacer ton bœuf de père !

    024

    Vanessa retrouve le sourire. Comme toujours dès que ses pensées reviennent sur son petit ami.

    — Je te le présenterais. Tu vas voir, tu vas l’adorer, il est génial !!!

     Réalisant à quel point parler de son compagnon la rend heureuse, Vanessa commence à se demander si ce n’était pas là que se dissimulait le fameux petit quelque chose qu’elle ne possédait pas encore lorsqu’elle se trouvait devant un micro.

    Et si elle se servait de ce qu’elle ressent pour Kylian pour chanter pour lui ? Vu les sentiments qu’elle éprouve pour lui, elle n’aurait aucune chance de sortir un titre fade !

     

     

     

    *

     

     

    024

    Trois jours plus tard, la famille Gutter a l’impression de revivre une scène déjà vécue par le passé...

    Peu après la fin de la cérémonie pour l’enterrement de Loreleï.

    024

    En effet, Kylian est à nouveau assis sur une tombe, en silence.

    Exactement comme à l’époque... Lorsqu’il avait dû enterrer son Emma.

    024

    — Je saurai même pas trouver les mots pour le consoler... soupire tristement Sacha, les yeux rivés sur son fils assis devant lui, a terre, — le sort s’acharne sur lui décidément, ça en devient injuste...

    024

    — Il faut pas qu’on le laisse seul, informe Claire a sa petite famille — quelqu’un va le chercher ? Il ne doit pas rester seul dans un tel moment ! Il faut qu’on soit là.

    024

    — Je le laisse encore un peu et j’y vais, lui répond Tiphanie, avant de reprendre pour la rassurer — Kylian est fort, il en a vu d’autres... Je sais qu’il se relèvera cette fois encore.

    — Ouaip, c’est un coriace Kyle, confirme calmement Kurt pour soutenir sa compagne, — il va bien, enfin de ce qu’on a vu pendant ces trois jours, il va bien. Il tient le coup, on a pas de soucis a se faire... Il rebondit toujours ce petit, encore mieux qu’une balle de ping-pong !

    024

    Vanessa ne perd pas une miette de la conversation, de là où elle est.

    Debout, a quelques mètres de la famille Gutter, elle observe elle aussi son petit ami, les yeux emplis d’amour et de tristesse pour ce qu’il doit ressentir en ce moment.

    024

    — Ce que je trouve dégoutant, continue tout bas Claire pour éviter que l’adolescent devant eux entende ses dires — c’est qu’ils ont mis Lorelei à côté d’Emma... J’ose pas imaginer ce que ressent Kylian devant ces deux tombes..

     

    ERA — Don't you forget ♪

     

    — Would you help me?

    — Sure, i will help you.

    — Are you always gonna be there when I grow up?

    — Cross my heart.

     

    — J’avoue que... vient essayer de compléter Sacha, avant de tomber rapidement a court d’arguments : il est vrai que la vision de ces deux tombes côte à côte, doivent blesser profondément le cœur de cet adolescent déjà meurtri par un passé bien douloureux.

     

    — Vas-tu m’aider ?

    — Bien sûr, je vais t’aider.

    — Et est-ce que tu seras toujours là quand je grandirai ?

    — Du fond de mon cœur.

    024

    — Vanessa ? Fais soudain Tiphanie en se rapprochant de la concernée, — c’est bien toi, Vanessa, n’est-ce pas ?

    — Eeeuh.. Oui, lui répond timidement celle-ci, — mais comment est-ce que...

    024

    — Comment est-ce que je sais que c’est toi ? L’interrompt son interlocutrice, avant d’ajouter, — hummm... Par mon frère tout d’abord et puis... Mon petit doigt m’a révélé le reste !

    Elle ressemble tellement à Emma... constate sans difficulté Tiphanie en observant la blondinette de la tête aux pieds.

    — Je vais y aller.. Dit tout bas Vanessa en se sentant soudain terriblement mal a l’aise, — j’ai pas grand-chose a faire ici, car je pense qu’il aura surtout besoin de sa famille... 

    024 

    — Détrompe-toi ! Kylian a tout autant besoin de toi que de nous ! Tu viens avec moi ? On va le voir ! Il a assez ruminé seul, il faut le bouger avec un treuil maintenant !

    — Mais je...

    — Allez on y va ! insiste Tiphanie en s’avançant vers son frère — et puis arrête de faire ta timide avec moi ! Je suis ta belle-sœur hein !! 

    024 

    — D’acc.. D’accord.. Essaie de sourire Vanessa en la suivant pour rejoindre Kylian.

    Cette fille a du punch, de la personnalité et de la vivacité, songe-t-elle en chemin, en observant sa comparse. 

    — Yataaaa mon chou, chantonne vivement la brunette en arrivant auprès de son frère, — tu bouges maintenant ? Où je reviens squatter près de toi, comme à l’époque ? Rappelle-toi que je suis relou quand je m’y mets !

    — J’arrive dans cinq minutes, lui répond simplement Kylian d’une voix faible et à peine audible.

    — Ah non, ça marche pas avec moi le coup des « cinq minutes » mon coco, tu sais bien que c’est pas au vieux singe qu’on apprend a faire la grimace ! 

    Don't you forget about me ?

    Don't you forget about me ?

    We were soft and young

    In a world of innocence 

    024 

    Sur ce, elle se dépêche de s’asseoir à ses côtés, exactement comme à l’époque.

    « Parce qu’il n’est pas seul. » 

    Ne m’oublies-tu pas ?

     Ne m’oublies-tu pas ?

     Nous étions jeunes et naïfs.

    Dans un monde d’innocence.

    « 023025 »